Damien Stroka – AFP
L’audience devant la cour d’assises de la Haute-Saône a été suspendue et les débats ne reprendront que lundi à 09 h 15. L’incident est survenu alors que l’homme de 33 ans était interrogé sur sa personnalité et expliquait les conditions de sa détention lorsqu’il était à l’isolement, à la maison d’arrêt de la ville. “J’ai vécu des choses horribles, j’ai vu des choses horribles que je ne cautionne pas”, a-t-il expliqué. Il a notamment affirmé qu’un auxiliaire, un détenu qui travaille pour l’administration pénitentiaire, aurait été frappé par des surveillants “simplement parce qu’il ne voulait pas nettoyer la cellule où il y avait eu une tentative de suicide”.
"Leçons de morale"
“Avez-vous subi des pressions après cela?” questionne le président. Nicolas Zepeda se prend la tête, dit qu’il a écrit à deux reprises à son avocate de l’époque pour dénoncer ces faits allégués mais que la deuxième lettre a été ouverte par les surveillants qui l’auraient lue dans le couloir : “J’ai entendu qu’on lisait ma lettre dans le couloir, les salauds!” s’est exclamé l’accusé.
“De ce moment-là, ils m’ont pas lâché (…) ça a fini par une agression, un surveillant m’a donné un coup de poing”, a-t-il ajouté. Il se prend alors la tête et pleure bruyamment, avant de s’écrouler dans le box, devant une salle d’assises médusée. Après un moment de flottement et de confusion, son père Humberto se lève et sa mère Ana lance à la cour: “Et les droits humains ? Ils ont traité mon fils comme un chien!” avant que le président ne suspende l’audience et que l’accusé, un moment réconforté par son père, ne soit sorti du box.
Après une interruption d’une vingtaine de minutes, l’audience a ensuite repris brièvement, le temps notamment que l’avocat général Etienne Manteaux s’adresse à la mère de l’accusé : “à Madame Zepeda qui nous fait des cours de droits de l’homme (…) : le premier droit de l’homme c’est le droit à la vie et je vous rappelle que votre fils est accusé d’assassinat. Les leçons de morale c’est bon!” a lancé M. Manteaux.
Humberto Zepeda pointe alors vers M. Manteaux l’index : “Qu’est-ce que c’est que ce doigt?”, s’insurge le magistrat. “Je ne disconviens pas du traumatisme d’une incarcération à l’isolement durant deux ans, surtout pour quelqu’un qui vient d’un milieu favorisé” comme M. Zepeda, déclare M. Manteaux. Nicolas Zepeda proteste. Le président de la cour, François Arnaud, appelle tout le monde au calme. “Je crois que tout le monde a entendu le discours (de Nicolas Zepeda) sur les conditions de détention”, lance l’un de ses avocats, Renaud Portejoie.
"Une éponge"
Après l’audience, l’avocat général a indiqué à l’AFP qu’une plainte de M. Zepeda avait été déposée pour l’agression dont il dit avoir été victime. La plainte, qui remontait à janvier 2022, avant le procès de première instance, avait été classée sans suite car “non objectivée”, selon M. Manteaux.
La personnalité de l’accusé, condamné à 28 ans de réclusion en première instance, avait auparavant été passée au crible par trois psychiatres, qui ont présenté des conclusions parfois contradictoires : Jean Canterino a décelé en lui “une personne qui a tendance à manipuler autrui”, tandis que Roland Coutanceau a jugé “plus pertinent de dire qu’il ment peut-être de façon stratégique que de dire +c’est un grand manipulateur+”. Interrogé ensuite sur sa personnalité, le Chilien, qui a fêté ses 33 ans lundi, a commencé par raconter son enfance dans un français excellent, au débit rapide mais au discours un peu décousu. “Je suis comme une éponge, j’apprends tout”, a répété à plusieurs reprises cet excellent élève, en racontant son enfance heureuse au Chili.
Sa parole se fait plus lente quand il aborde son départ pour ses études au Japon. Mais lorsque le président lui demande quels ont été les événements marquants de son séjour, il doit relancer M. Zepeda, pourtant jusque-là très prolixe, à plusieurs reprises pour qu’il mentionne sa rencontre et sa relation avec Narumi. Nicolas Zepeda encourt la réclusion criminelle à perpétuité. Le verdict n’est pas attendu avant mercredi.