(AFP – Pauline Froissart et Angela Schnaebelé)
« Ce n’est pas un médecin que vous jugez, mais un criminel qui a utilisé la médecine pour tuer », a martelé ce jeudi 11 décembre l’avocate générale Thérèse Brunisso, qui porte l’accusation à l’encontre de l’anesthésiste de Besançon Frédéric Péchier, avec Christine de Curraize. « Nous sommes certaines de (sa) culpabilité« , a ajouté la magistrate devant un accusé impassible. Le médecin de 53 ans, qui n’a cessé de clamer son innocence, est jugé depuis trois mois à Besançon pour avoir empoisonné 30 patients de 4 à 89 ans entre 2008 et 2017, dans deux cliniques de Besançon. Selon l’accusation, il a agi pour nuire à des collègues avec lesquels il était en conflit. Dans ce dossier, « tout désigne Frédéric Péchier et seulement Frédéric Péchier. Il est le seul dénominateur commun pour tous les actes » malveillants recensés, a souligné Christine de Curraize.
"Crime parfait"
« Non seulement c’est le crime parfait, mais c’est aussi le crime le plus diabolique qui soit » , car « on n’attend pas le crime derrière le soin ». L’avocate générale est notamment revenue sur le cas de Jean-Claude Gandon, empoisonné le 20 janvier 2017 à la clinique Saint-Vincent. En s’en prenant ce jour-là à ce patient de 70 ans, l’accusé a commis des erreurs et donc « signé sa perte », a analysé Mme de Curraize. Pour l’accusation, Frédéric Péchier aurait empoisonné M. Gandon pour montrer que, comme ses collègues, lui aussi était victime d’actes malveillants. Une manière de « se dédouaner dans l’urgence » au moment où les policiers cherchent à démasquer un empoisonneur à la clinique et qu’il « sait trop bien que le travail d’enquête mènera à lui et seulement à lui ».
Mais Frédéric Péchier a commis « trop d’erreurs »: « il est le seul à avoir accès à la poche de perfusion » de M. Gandon, « il sait avant tout le monde que son patient a été empoisonné aux anesthésiques locaux », et des seringues, les « armes du crime », sont laissées sur place, marque de « fébrilité ». Avec le cas Gandon, il « signe sa perte »: « c’est comme si Frédéric Péchier avait écrit en rouge sur son front « je suis l’empoisonneur des cliniques » ».
Dans ce « dossier complètement dingue », « les doutes qui me tiraillaient (…) se sont levés les uns après les autres et sa culpabilité est devenue une évidence », a exposé la magistrate, qui a suivi ce dossier depuis le début de l' »enquête titanesque », ouverte en janvier 2017. L’accusé « n’est évidemment ni Guy Georges, ni Michel Fourniret, il n’en est pas moins un tueur en série », a aussi martelé Mme Brunisso.
Selon l’accusation, Frédéric Péchier a pollué des poches de perfusion avec du potassium, des anesthésiques locaux, de l’adrénaline ou encore de l’héparine, pour provoquer un arrêt cardiaque ou des hémorragies chez des patients pris en charge par d’autres médecins anesthésistes.
"Tueur en série"
Après avoir soutenu pendant l’enquête que la plupart des cas étaient dus à des « erreurs médicales » de ses collègues ou à des aléas thérapeutiques, Frédéric Péchier a admis que, parmi les 30 cas qui lui sont imputés, 12 étaient des empoisonnements, dont cinq mortels. Mais il l’a répété : ce criminel en blouse blanche, ce n’est pas lui. L’avocate générale Thérèse Brunisso s’est efforcée de contrer deux arguments souvent brandis par la défense. D’abord qu’il n’y aurait pas de preuves dans ce dossier. C’est « faux », « nous avons tout un faisceau d’éléments qui conduisent » à l’accusé et « uniquement » à lui, a-t-elle relevé. Il est « faux » également d’affirmer qu’ « il faut être un fou furieux pour faire ça », car « la maladie mentale, la folie, ce n’est pas nécessaire pour caractériser un tueur en série », et « ce sont les faits qui déterminent la culpabilité », a insisté Mme Brunisso.
Pour l’avocat de la défense, Randall Schwerdorffer, qui plaidera l’acquittement lundi, le mobile d’une vengeance envers des collègues pour des motifs futiles ne tient pas. L’accusé, qui comparaît libre, encourt la réclusion à perpétuité. Le verdict est attendu d’ici au 19 décembre.
