Philippe Zeiger, qui fêtera bientôt ses 56 ans, a eu la satisfaction, ce lundi, de voir son étoile renouvelée. Le chef du Pot d’Étain, à Danjoutin, est originaire de Belfort. Son aventure culinaire débute avec un B.E.P. à l’école hôtelière de Luxeuil. Très vite, il se frotte aux plus belles tables françaises : en passant par les cuisines de Bernard Loiseau, celle de Jean Bardet à Tours. Il travaille au Martinez à Cannes ou encore au Moulin de Mougins. « C’était à l’époque un petit tour de France de très belles maisons avec des personnages dans chaque région qui maîtrisaient leurs sujets », se souvient-il. Il y découvre l’expertise de chaque terroir, comme l’art de l’huile d’olive dans le Sud. Pendant dix ans, il affine son savoir-faire avant de revenir sur ses terres natales.
Il y a dix-sept ans, il fait le choix de revenir à Belfort, et plus précisément à Danjoutin, dans un établissement qu’il connaît bien : le Pot d’Étain. Plus jeune, il y avait déjà fait ses armes. « Il y avait déjà une étoile, et ne sachant pas si mes notes auraient permis de rentrer à l’école hôtelière, je suis venu gratter des casseroles à l’époque. »
Animé par l’envie de proposer sa vision de la gastronomie, il reprend les rênes du restaurant avec Florence, son épouse. Ils se sont rencontrés dans les cuisines Loiseau. Ensemble, ils repensent l’espace intérieur et façonnent un cocon à leur image.
Une étoile, mais sans prétention
Dès la deuxième année, la consécration arrive : l’étoile Michelin. Une reconnaissance que le restaurant conserve depuis quinze ans, sans en faire une obsession. « C’est toujours avec une grande joie que l’on accueille l’étoile Michelin. C’est la légion d’honneur du cuisinier pour ceux qui mettent énormément d’énergie avec leur équipe pour faire du bon travail, pour chercher des bons producteurs. »
Si le chef se réjouit de cette distinction, il reste humble, rappelant que l’établissement était déjà étoilé avant son arrivée. Autrefois, plusieurs grandes maisons illuminaient la région : le château Servin, deux étoiles dans les années 80, le Sabot d’Annie, ou encore le Pot d’Étain. Aujourd’hui, il est l’un des seuls à maintenir cette exigence gastronomique dans le secteur. « Avec les bases que nous avions en arrivant, il ne restait plus qu’à imprimer un petit peu de notre touche et mettre en avant ce qu’on voulait faire, ma femme et moi. »
Et que veulent-ils faire ? « Faire des belles choses dans la simplicité et dans l’envie de bien faire.» Avec un franc-parler naturel, Philippe Zeiger déconstruit les clichés du restaurant étoilé « avec l’idée d’une grande table, un peu chichi-prout-prout, un peu guindé. » Il poursuit : « Ce qu’on a essayé d’emmener, c’est la convivialité. Permettre aux gens de se sentir bien sans avoir le côté un peu pompeux de certaines tables. »
Sa philosophie repose sur l’authenticité du goût. Chaque plat doit offrir trois saveurs nettes, distinctes. « La simplicité, c’est le plus difficile. » Son plaisir ? Subjuguer par des produits humbles : un œuf, une asperge. « Si vous dites : “J’ai mangé un œuf, une asperge, et c’est le meilleur que j’ai mangé”, ce sera l’un des meilleurs compliments que l’on peut avoir pour moi. »
Un chef bien entouré
Garder une étoile Michelin ne repose pas seulement sur le talent du chef. L’entourage joue un rôle clé. « Il faut l’envie, le cœur et la motivation. Mais surtout : savoir s’entourer de personnes motivées, qui ont la même philosophie, l’envie d’apprendre, de découvrir. »
Il s’appuie sur un réseau d’artisans et de chefs passionnés : Romuald Fassenet, président du Bocuse d’Or, Vincent Ballot, meilleur ouvrier de France en torréfaction, Marc Janin pour le fromage, le chocolatier Hirsinger, meilleur ouvrier de France à Arbois ou encore Eric Vergne, pour la pâtisserie..
« On a vraiment des gens passionnés, ultra pointus dans leur domaine. Je suis aussi entouré de chefs excellents avec qui on ne se marche pas dessus, on s’entraide. » Au restaurant, son équipe de cinq salariés – cuisine, service et plonge – incarne cette même fidélité et cette quête d’excellence.
Il prend aussi le temps de se former, de rester à la pointe, sur les nouveaux matériels, nouvelles tendances, techniques et nouveaux produits. « Après, ma génération, nous ne sommes pas forcément connectés aux réseaux sociaux, c’est plutôt radio casserole », s’amuse-t-il.

Le poisson, son terrain de jeu
Si le guide Michelin représente une reconnaissance, ce n’est pas lui qui guide ses choix au quotidien. « La pression au quotidien, c’est de vouloir bien faire pour contenter notre clientèle. »Malgré un contexte économique difficile, le restaurant peut compter sur une clientèle fidèle, mêlant habitués et touristes de passage, notamment grâce à la proximité de l’A36. Une formule séduit une clientèle plus novice, plus pressée aussi, ou simplement curieuse : le menu du midi à 48 euros. Entrée, plat, dessert, eau, un verre de vin et un café.« C’est un menu qu’on a toujours fait. Un menu sympa, raffiné, à un prix relativement correct. Cela permet à certains de faire un premier pas dans la maison. Avec ce montant, on ne prend pas de risque, on essaye. »
Si Philippe Zeiger devait choisir un produit de prédilection, ce serait le poisson. Sa compagne, Florence, a des origines bretonnes. « À chaque fois que l’on va voir ses parents, on est contents de faire une cure de fruits de mer ou de poisson. » Un plaisir qu’il partage avec ses clients. Au Pot d’Étain, il travaille langoustines, Saint-Jacques, turbot, bar, et bien d’autres produits de la mer, loin de ne se limiter aux spécialités locales comme la truite, la grenouille ou la carpe. « Je pense qu’au fil du temps, je me lasserais. Alors que là, c’est un terrain de jeu et les clients sont demandeurs. »
L’étoile Michelin fait rêver son lot de cuisiniers. Pour Philippe Zeiger, la recette du succès repose sur trois ingrédients : « Être enthousiaste, rigoureux, bien entouré. » Et, avec un sourire, il ajoute : « Rester humble, honnête et savoir ce qu’on veut faire et ce que l’on est capable de faire.En toute simplicité. » À l’image de sa cuisine !