Charge de travail, perte de sens, démotivation et absentéisme d’une part. Déprogrammation d’activités, saturation des services, agressivité à l’égard des soignants d’autre part. Le tableau clinique de l’état de l’hôpital public est inquiétant. Et ces symptômes s’aggravent à mesure que les crises s’enchainent. Depuis trois ans, les vagues successives de la covid-19 fragilisent un hôpital qui n’en avait pas besoin. Et à mesure que la vie normale a repris ses droits, s’ajoutent les maux du quotidien qui entraînent une saturation du système. En fin d’année 2022, le plan Blanc a été déclenché deux fois, face à la saturation des urgences, afin de faire face par exemple à un épisode épidémique intense et à un épisode de verglas qui a provoqué la venue de 350 patients en 24 heures à l’hôpital, mi-décembre.
L’hôpital, le seul établissement qui accueille 24h/24, sept jours sur sept, subit aussi la raréfaction médicale en ville. L’entonnoir se réduit, alors que les prises en charges sont de plus en plus longues, notamment du fait du vieillissement de la population.
La répétition des crises épidémiques majeures déstabilise le système de santé valide Pascal Mathis, directeur général de l’hôpital Nord Franche-Comté, à l’occasion de ses vœux, organisés vendredi 13 janvier, à la salle des fêtes de Belfort. Des crises aux « répliques incessantes et profondément déstructurant[es] », indique-t-il. « Nous devons faire face chaque jour à des situations de plus en plus inextricables », souligne Pascal Mathis. Ces situations ont des « effets délétères sur nos organisations et nos professionnels », alerte également le directeur général. Et ces symptômes d’une profession à l’agonie sont « des signaux alarmants ». Et le directeur de constater, avec lucidité : : « Tous les facteurs sont réunis pour que la gestion de crise s’installe dans la normalité. » Et c’est inquiétant.
Proximité
Si le constat est alarmant, Pascal Mathis n’en conserve pas moins un certain optimiste. Et expose des projets en nombre pour répondre à la situation. Avec ce vieillissement de la population et la prévalence des maladies chroniques, il envisage de faire évoluer les sites hospitaliers de Bavilliers et du Mittan (Montbéliard), afin d’en faire « des établissements de proximité ». Chacun devrait avoir un pôle gériatrique offrant le plus de services, notamment des prises en charge ambulatoire, en médecine, en soins de suite, en activités de jour, en soins de longue durée et en établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad).
À l’échelle du nord Franche-Comté, il veut créer une cellule de régulation des parcours de prise en charge. « Le patient n’est plus le patient de l’hôpital ou le patient de la ville : nous avons une responsabilité commune à l’égard de sa santé », rappelle Pascal Mathis. Et de souligner l’importance d’un travail « collaboratif » et « l’interdépendance » de tous. « Personne ne peut tout faire tout seul, mais tous sont nécessaires et ont leur rôle à jouer », insiste le directeur général.
L’extension des urgences en réflexion
Les urgences enregistrent 90 000 passages par an pour les adultes et 15 000 pour les enfants. Avec une croissance de l’ordre de 2 à 3 % chaque année. Un projet d’extension de 500 m2 est lancé depuis plusieurs mois (lire notre article). Mais la réflexion est poursuivie, « tant les circonstances actuelles nous obligent à faire évoluer notre projet initial », dévoile Pascal Mathis. 4 millions d’euros sont aussi investis sur le plateau d’imagerie, où les équipements d’imagerie en coupe sont totalement rénovés. Huit nouveaux postes de dialyse ont également été installés, en plus des vingt-trois existants. Le secteur de chirurgie ambulatoire va être adapté pour créer une unité où seront organisées des interventions chirurgicales hors bloc opératoire et ne nécessitant pas d’anesthésie générale. La conjoncture inflationniste place toutefois ces investissements « dans une phase insécure », prévient le directeur général.
Si le directeur souhaite recréer des pôles de proximité, il veut aussi concentrer à Trevenans « toutes les forces qui ont vocation à travailler en interdisciplinarités et bénéficier de compétences pluriprofessionnelles autour d’un plateau technique performant et modernisé ». Des investissements sont prévus, notamment autour des urgences (lire ci-dessus). C’est aussi dans ce cadre qu’est étudié le regroupement des activités du traitement du cancer. « Nous sommes loin d’appréhender la phase décisionnelle », a modéré Pascal Mathis, alors qu’une fronde d’élus est née dans le pays de Montbéliard, inquiets du déplacement du pôle oncologique du Mittan vers Trevenans (lire notre article). Ce sujet n’est pas non plus nouveau, même si les réactions politiques le sont ; l’hôpital avait évoqué des réflexion dès l’automne 2021 (lire notre article). Pascal Mathis rassure que toute évolution d’envergure ne se fera que sur un projet médical, rédigé en concertation avec tous les professionnels de l’établissement et en lien avec l’institut régional fédératif du cancer et en lien avec les expériences des patients. Il cherche toutefois « une approche visionnaire », « pour anticiper sur plusieurs décennies ce que sera l’organisation de la cancérologie avec ses ressources humaines et techniques dans notre territoire ». Des études et des analyses sont menées. Et seulement après, la décision sera prise. « Collectivement », insiste-t-il. Une méthode qu’il n’a de cesse de rappeler, pour construire la santé de demain du territoire.
Un parc photovoltaïque en projet
L’hôpital Nord Franche-Comté s’engage pour décarboner son activité. La direction de l’établissement a créé un secrétariat général chargé du projet de responsabilité populationnelle et environnementale, composé d’un directeur adjoint et d’un médecin de santé environnementale. Le développement durable et la transformation écologique « vont s’imposer dans toutes nos prises de décision », indique le directeur. Écoconception, connaissance du cycle de vie des consommables utilisés, empreinte carbone seront au cœur des décisions ; le Shift project a déjà proposé des pistes autour de la santé (lire ici). L’idée est d’évaluer les ressources utilisées et d’identifier les impacts environnementaux et sanitaires. Un plan de maîtrise énergétique est lancé et un parc photovoltaïque de 3 000 m2 couvrant 12 % des besoins en électricité de l’hôpital Nord Franche-Comté est à l’étude.