L’affaire remonte au 26 juillet 2024, peu avant 7h du matin. Un père de famille, 59 ans, ouvre la porte-fenêtre pour sortir son animal de compagnie. Puis un bruit sourd. Son fils descend et découvre son père grièvement blessé à son domicile à Seloncourt, dans le secteur pavillonnaire de la ville. Il n’est pas seul. À la vue d’un individu, le fils court se réfugier dans sa chambre. L’homme tente de défoncer la porte et lui ordonne de lui donner armes et clefs de voitures. L’individu quitte finalement les lieux bredouille, laissant la victime dans une mare de sang.
Visionnage de caméras, téléphonie, bornage et traçage… L’enquête permet d’identifier trois individus, tous défavorablement connus des services de police pour du trafic de stupéfiants. Deux d’entre eux sont originaires du Pays de Montbéliard. Le troisième vient de la région de Montélimar.
En urgence vitale pendant plusieurs jours, le père de famille décède à l’hôpital le 2 août. L’enquête révèle qu’il a été victime d’un coup de taser dans le dos, mais aussi d’une balle dans la tête. Les indices sont maigres pour les enquêteurs de Montbéliard. « Cela a été un véritable travail de fourmi, l’enquête a été très compliquée à mener », détaille Paul-Edouard Lallois, procureur de la République de Montbéliard. Les premières investigations permettent tout de même d’identifier un véhicule sur place au même moment, un petit gabarit rouge. Une ogive est également retrouvée sur les lieux. Le 3 octobre 2024, le procureur ouvre une information judiciaire pour meurtre aggravé et tentative d’extorsion.
Un tournant au mois de décembre
Au mois de décembre, parallèlement à cette enquête, les tentatives d’extorsions s’enchaînent dans le pays de Montbéliard, mais aussi dans le Territoire de Belfort, le sud Alsace et la Suisse. De vastes opérations, sous le commandement du commissaire Mangin, chef de la circonscription de Montbéliard-Héricourt, permettent d’interpeler un certain nombres d’individus. « C’était une équipe que nous avions qualifié d’équipe organisée, avec un mode opératoire qui se répétait systématiquement », détaille le procureur. Le fil conducteur : l’utilisation d’une arme de points lors de chacune de ces tentatives d’extorsions.
Parmi cette bande « organisée », un homme est arrêté avec une arme à feu automatique. Après une analyse balistique, « bingo », narre le procureur. Cette arme était celle utilisée lors du meurtre de la victime. « Cela a été un véritable tournant dans l’enquête », détaille encore Paul-Edouard Lallois.
Le 28 janvier 2025, une grande opération policière a eu lieu sous l’autorité du juge d’instruction. Ce coup de filet a conduit à l’interpellation de dix personnes, dont quatre suspects principaux. 65 personnels ont été sollicités. Des policiers de Montbéliard, aidés de 13 effectifs du RAID de Strasbourg et l’unité d’investigation nationale rattachée à la direction nationale de la police judiciaire ont participé à cette opération coordonnée. Des renforts de Besançon, ainsi que deux chiens étaient présents lors de ces opérations, détaille le commissaire Mangin.
Un père et des fils tireurs sportifs
Les quatre principaux suspects ont été mis en examen et placés en détention provisoire. Deux ont été mis en examen pour meurtre aggravé, les deux autres au titre de la complicité active. Ils sont tous assez jeunes, ils ont pour année de naissance respectivement 1994, 2000, 2002 et 2005. Un cinquième individu a été entendu en tant que témoin assisté.
L’enquête a révélé que les suspects avaient ciblé la famille pour extorquer des armes à feu, qu’ils savaient être détenues légalement par la victime. Le père ainsi que les deux fils (âgés de 20 et 23 ans) étaient tireurs sportifs. Selon l’hypothèse privilégiée par les enquêteurs, deux individus seraient entrés dans la maison en connaissant l’habitude du père de famille et l’heure précise, ainsi que le fait qu’il détenait des armes. Aucun objet n’a été volé durant l’attaque. Seules les armes étaient recherchées. Ils sont repartis sans. Désormais mis en examen, sous le joug de mandat de dépôt d’un an renouvelable, ils encourent des peines allant jusqu’à la réclusion criminelle à perpétuité.
La suite de l'enquête
« Les principaux suspects ont formellement nié leur participation la moindre participation avec des explications très variantes au cours de 48 heures de gardes à vue », détaille le procureur. Mais un individu a pu apporter un certain nombre d’explications corroborant l’hypothèse principale des enquêteurs. « Même si l’enquête n’est pas terminée, on peut se satisfaire que 4 mis en causes soit en détention provisoire à l’heure actuelle et soit hors d’état de nuire pour le moment », expose le commissaire Mangin.
Le procureur précise que l’instruction pourrait durer encore plusieurs mois, voire jusqu’à 18 mois, avant que la procédure ne puisse avancer vers un procès. Les autorités n’écartent pas d’autres développements, notamment sur d’éventuelles connexions avec le milieu marseillais, ce qui complexifie encore davantage cette affaire criminelle aux multiples ramifications.