Le bailleur social Territoire Habitat a proposé à l’ensemble de ses gardiens d’immeuble une formation certifiante, suivie pendant 15 mois. L’occasion de valoriser un métier parfois décrié. Pourtant essentiel. Rencontres.
Le bailleur social Territoire Habitat a proposé à l’ensemble de ses gardiens d’immeuble une formation certifiante, suivie pendant 15 mois. L’occasion de valoriser un métier parfois décrié. Pourtant essentiel. Rencontres.
14 h 25, dans le hall de la tour Doré, rue de Budapest, aux Résidences, à Belfort. « C’est demain que votre papa déménage ? » s’enquiert Line Wiedmann, la gardienne de l’immeuble, auprès du fils d’un locataire sur le départ. « Cela ne l’a pas trop perturber ? » ajoute-t-elle. Le fils raconte les difficultés administratives du déménagement de la personne âgée. Line l’écoute avec bienveillance. Elle prend 5 minutes, avant de se lancer dans une mission de contrôle d’équipements de sécurité. Selon la nouvelle terminologie, Line Wiedmann est gestionnaire de la vie locative (GVL). Mais elle aime bien le mot gardien. Un sacerdoce pour elle. Son père occupait déjà ce métier. « C’est une vocation chez nous », sourit-elle. « J’ai adoré dès les premiers jours », se remémore celle qui occupe ce poste depuis 20 ans. Avant, elle a été cuisinier. Elle en a gardé la rigueur pour gérer les trois tours et les 765 logements qu’elle a sous sa responsabilité.
À quelques kilomètres à vol d’oiseau, le téléphone de Frédéric Greiner n’arrête pas de résonner dans le local de ce gardien des logements situés à proximité de l’étang des Forges. « Je finis avec le monsieur et je m’en occupe », glisse-t-il à son interlocuteur. Il prépare une action coup-de-poing avec des collègues. Parfois, les GVL préparent des opérations collectives de ménage, dans un hall d’immeuble, puis ils partagent des petits pains avec les résidents. Une opération « pour sensibiliser », avoue-t-il. Cela fait 11 ans qu’il occupe ce poste, qui comprend 183 appartements et 66 pavillons à proximité de l’étang des Forges, au parc à Ballons et dans l’avenue Jean-Moulin.
« Une tour, c’est un petit village »
Dans leur voix, on entend le dévouement à leur métier. Aux locataires. Les deux reconnaissent que cette profession a beaucoup évolué ces dernières années. Depuis 2018, ils ont par exemple pris le virage numérique. Ils interviennent grâce à une application sur leur smartphone, réduisant « la paperasse » et les trajets à l’antenne de Territoire Habitat. Ils sont plus « réactifs », note Line Wiedmann. On entend aussi leur empathie.
Les deux vivent sur place. Line dans la tour. Frédéric dans le quartier. « Je connais les gens par cœur, glisse-t-il. Les gens me connaissent. » Leur expérience et leur présence quotidienne leur permettent d’identifier les personnes isolées ou fragiles, voire de déminer rapidement des soucis de voisinage, que le confinement ou la canicule peut intensifier. « Si on ne voit pas un locataire, on appelle les proches. Je m’arrange pour avoir toujours le numéro d’un fils, d’une fille », témoigne Line Wiedmann. « Une tour, c’est un petit village », image-t-elle, insistant sur l’importance du gardien : « C’est important pour les gens qu’il y ait quelqu’un physiquement sur le terrain.
Aucune journée ne se ressemble. Et les missions sont multiples. Réclamations pour des fuites, des réparations, conseils sur les baux locatifs, ménage, vérification des systèmes de sécurité… « Nous sommes électricien, psychologue, assistante sociale, plombier », énumère Line. « Nous sommes un couteaux suisse », résume la gardienne de la tour Dorey, vouée à être détruite dans les années qui viennent ; les relogements ont déjà débuté.
« Nous sommes en première ligne »
Les deux ont suivi pendant 15 mois une formation certifiante proposée par Territoire Habitat à sa quarantaine de gestionnaires de la vie locative ; le bailleur social compte 243 salariés. Un programme d’une ampleur inédite, l’office investissant 230 000 euros dans ce projet. 91 % de réussite a été enregistrée. Aujourd’hui, les GVL sont titulaires d’une qualification professionnelle de gardien d’immeuble. « On ne parle pas souvent de ces métiers, mais [les GVL] abattent un travail considérable, insiste Jean-Sébastien Paulus, le directeur général de Territoire Habitat. Et la première image de l’entreprise, ce sont eux. » Le bailleur voulait remettre ce métier « au cœur du dispositif ». Avec des agents qui sont restés à leur poste pendant la crise sanitaire. « Nous sommes la première personne que les locataires appellent en cas de problème », valide Frédéric Greiner. « Nous sommes en premières lignes, ajoute-t-il. « On se fait parfois engueuler, reconnait le gardien, mais c’est la société, pas nous. Il ne faut pas tout mélanger. »
Avec cette formation, « tout le monde a les mêmes outils, le même langage », insiste Jean-Sébastien Paulus. « C’est aussi l’occasion de rencontrer et de partager leurs pratiques professionnelles », remarque-t-il. Au départ, la formation n’intéressait pas forcément Line Wiedmann, reconnaît-elle. « Naïvement », souffle-t-elle avec un large sourire qui ne quitte jamais son visage. Line pensait n’avoir rien à apprendre après 20 ans. Et finalement, ce fut le contraire. À la fin, c’est surtout de la fierté qui s’en dégage. « Oui, j’en suis capable ! » Elle a apprécié revoir les contrats de bail, par exemple, « pour mieux répondre aux locataires ». Le souci de l’autre. Toujours. « J’ai aussi appris les termes techniques », glisse-t-elle aussi. C’est mieux pour faire les demandes d’intervention. « Cela nous rend plus professionnel », convient-elle.
En ce mardi après-midi, elle accueille la jeune Sanae. En formation à l’école de la 2e chance, elle fait un stage à Territoire Habitat. Line Wiedmann transmet à son tour sa vocation. Sanae, elle, a déjà capté l’une des premières qualités à avoir. « Être sociable », confie la jeune femme. Qu’a-t-elle retenu également ? « On marche beaucoup ! » Frédéric Greiner n’aurait pas dit autre chose : « Je cours partout. Ça n’arrête jamais. » C’est le quotidien des gestionnaires de vie locative, rarement assis dans leur loge. Toujours sur le front.