Crise sanitaire, enfermement, besoin de bouger sans se stresser de trouver un logement, autant de raisons qui ont poussé une nouvelle clientèle à se tourner vers un nouveau mode de vacances. Le camping-car, maison roulante, bulle sanitaire mobile, séduit en masse depuis la fin du premier confinement. Mais derrière, les constructeurs peinent à suivre.
Éva Chibane
Crise sanitaire, enfermement, besoin de bouger sans stresser pour trouver un hébergement: autant de raisons qui ont poussé une nouvelle clientèle à se tourner vers un nouveau mode de vacances. Le camping-car, maison roulante, bulle sanitaire mobile, séduit en masse depuis la fin du premier confinement. Mais derrière, les constructeurs peinent à suivre.
Historiquement, les seniors occupent le cœur du marché du camping-car en France. La crise sanitaire semble avoir changé la donne. Sur la base d’une enquête YouGov réalisée du 26 au 28 juin 2020 auprès d’un public d’adultes français n’étant jamais partis en camping-car, 40% des milléniaux (18-34 ans) et 32% des 45-54 ans pensent à passer leurs vacances en camping-car. C’est un nouveau public, qui selon le sondage cherche à « se rapprocher de la nature et de choisir des modes de vacances plus écologiques », dans un premier temps.
Un engouement jamais connu auparavant
En Europe, selon la Fédération européenne du caravaning, les ventes de camping-car ont explosé : 160 000 exemplaires de plus, environ 21% de plus par rapport à 2019. Christophe Merle, concessionnaire de camping-car à Vieux-Charmont, Idylcar Merle Loisirs, confirme le sondage YouGov : l’engouement a été énorme. Il l’explique par de nouveaux types d’acheteurs, des « primo-accédants », comme il les appelle.
« Quand il y a eu la crise de 2008, la clientèle a vieilli, car seuls les retraités avaient du pouvoir d’achat. La petite famille de 40-50 ans avec 2 gamins, on ne les voyait plus. Là, ils sont revenus plein pot. On a vu arriver toute une floppée de primo-accédant : des gens qui achètent pour la première fois, qui avaient dans l’idée d’acheter un camping-car et qui ont basculé vers ce mode de vacances pour la sécurité. Grâce à leur épargne. Il y a aussi eu les commerciaux, qui pendant le confinement n’en pouvaient plus d’être à l’hôtel. »
Vers un boom des prix ?
Les téléviseurs de camping-car, chez Idylcar Merle Loisirs, ont augmenté de 10 à 15 %. Pour le propriétaire, ce n’est que le début. « En tant que chef d’entreprise, je reçois tous les deux jours des mails nous sensibilisant au fait que les matières premières augmentent et qu’il va falloir faire face à une inflation majeure en septembre. Ça aura une répercussion sur nos prix de vente. »
Un deuxième facteur, selon lui. « Il y a aussi le fait que les emprunts ont beaucoup baissé. Les gens, quand ils ont fait leurs calculs, se rendent compte qu’au-delà des cinq semaines de vacances, ils vont pouvoir utiliser leur camping-car le week-end. Et aujourd’hui, il y a aussi la possibilité de louer son camping-car. Les plateformes aujourd’hui, c’est le AirBnb du camping-car. Grâce à ça, les gens rentrent dans leurs frais », affirme Christophe Merle. « Le taux de réservation de nuitées en véhicules de loisirs est à + 20% par rapport à 2020, mais à + 50% par rapport à 2019 », observe selon le comparateur internet CamperDays.
Vers une pénurie longue durée
Toujours selon un sondage YouGouv réalisé du 26 au 28 juin 2020, la crise sanitaire du covid-19 a rendu les vacances en camping-car plus attractives : 47 % considèrent ce mode de vacances plus attractif en raison du contexte sanitaire. « On peut donc raisonnablement anticiper une accélération de la croissance du marché en France », selon le site yougov.com. Sur le terrain, l’accélération de croissance du marché est bien réelle. À tel point que Christophe Merle n’a presque plus aucun camping-car à vendre : « Un client qui vient aujourd’hui chez moi pour un camping-car, il me reste 2 neufs et 2 occasions à lui proposer. Si quelqu’un me commande un camping-car, il ne l’aura pas avant minimum janvier-février 2022. En termes de châssis, j’ai déjà commandé 50 véhicules pour 2022 pour être sûr d’avoir quelque chose à vendre. Les gens savent, commencent à savoir qu’il faut s’y prendre très tôt. Je n’ai jamais connu ça, c’est un truc de fou. Sur Tours, un de mes confrères concessionnaires a d’habitude 200 campings-cars sur le parc. Là, il n’en a plus que 60. »
90 % du marché des châssis est produit par Fiat Ducato, en Italie. Pendant le premier confinement, l’usine a été partiellement arrêtée. La production a été durement touchée. Aujourd’hui, en plus de l’arrêt de l’usine pendant une période, l’engouement d’une nouvelle classe d’âge pour les camping-cars creuse la pénurie. Christophe Merle le dit : « En plus de la pénurie de châssis, on est en plein dans un retard de semis-composants. Fiat a annulé toute une partie de sa production de châssis, et les constructeurs font défaillance, notamment dans le secteur du bois technique. Aujourd’hui, j’ai des véhicules qui ne me sont pas livrés parce qu’il manque des portes de placards. »