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« La révolution numérique a ouvert un nouvel espace de bataille »

Le lieutenant Timothée, officier communication du 1er régiment d'artillerie de Bourogne, dans le Territoire de Belfort (©Le Trois – Thibault Quartier).
La guerre ne se joue plus que dans la boue des champs de bataille. Elle prend forme aussi dans l’univers numérique, où les tentatives de déstabilisation sont courantes pour nuire à un adversaire. Et provoquer un avantage sur le terrain en retournant la population civile, principal objectif de ces manœuvres. Explications de cette évolution de la guerre avec l’officier communication du 1er régiment d’artillerie.

C’est une action à l’image de la place prise par la lutte informationnelle. Début janvier, une vidéo circule sur les réseaux sociaux, à destination des populations du Mali, du Burkina Faso et de Côte-d’Ivoire, comme le média d’informations Challenge le rappelle ; la vidéo a été trouvée par All Eyes on Wagner, un projet collaboratif qui tente de suivre les activités du groupe paramilitaire pour documenter leurs violations des droits de l’homme.

Le film d’animation (à retrouver ci-dessous) met en scène des soldats maliens, burkinabés ou encore ivoiriens en train de lutter contre l’armée française, d’abord représentée par une armée de morts vivants, puis par un énorme Cobra. Pour faire face, un musculeux militaire arrive en parachute pour venir en aide aux armées africaines, avec sur l’épaule un insigne du groupe paramilitaire Wagner. « As-tu besoin de renfort mon ami », le questionne-t-il. Il fournit alors les armes qui permettent de repousser « l’envahisseur ». Le tout rythmé par une musique épique. Cette Fake news est un énième exemple des manœuvres de déstabilisation contre l’armée française en Afrique, alors qu’elle retire des contingents. On n’est jamais certain que ce soit l’œuvre du groupe russe Wagner ; la parentalité ne fait cependant aucun doute.

« La révolution numérique a ouvert un nouvel espace de conflit et de bataille », explique le lieutenant Timothée, officier communication du 1er régiment d’artillerie, basé à Bourogne. En 2022, il a passé plusieurs mois au Tchad comme officier presse de la force Barkhane, alors en cours de retrait du Mali. « Les différentes puissances s’affrontent sur ces champs immatériels de la guerre », poursuit-il. Dans cette guerre, la Russie est bien « engagée », sourit un spécialiste de la question, souhaitant conserver l’anonymat. Sans certitude sur l’origine de l’attaque – c’est même le principe – plusieurs manœuvres de déstabilisation ont été par exemple recensées aux États-Unis, lors des derniers scrutins présidentiels. En janvier, les États-Unis ont d’ailleurs désigné le groupe paramilitaire, aussi en action en Ukraine, comme une organisation criminelle internationale. Loin du champ de bataille, cette guerre par l’information est aussi l’écho d’une opposition entre plusieurs visions du monde.

« Des conséquences sur le terrain »

La guerre de l’information n’est pas nouvelle ; elle est aussi lointaine que le fait guerrier. Et l’officier communication de rappeler l’offensive du Têt (1968), au Vietnam, qui avait mis le conflit sous les yeux des journalistes stationnés à Saïgon, contribuant à retourner l’opinion américaine.

Mais l’ère numérique lui donne une caisse de résonnance incommensurable ; elle installe surtout les Fake news comme une arme de déstabilisation massive. Si on le constate sur les théâtres d’opérations extérieures de la France, ses adversaires diffusent aussi en France des contenus qui peuvent fragiliser l’unité du pays. L’importance de ce champ de bataille a été pris en compte par l’armée française. Il y a 10 ans, elle a créé le centre interarmées des actions sur l’environnement (CIAE). Il assure et appuie  la coopération civilo-militaire en opérations extérieures ainsi que les opérations militaires d’influence. Aujourd’hui, les soldats doivent pouvoir « gérer les tensions interethniques, appuyer les populations, neutraliser ceux qui distillent un poison informationnel et savoir communiquer de bonnes informations », confiait, à ce titre, au Progrès le colonel Lambolez, chef de corps du CIAE. 250 personnes sont rattachées à ce service, dont une centaine dans la lutte informationnelle d’influence.

Le poids de l’information, aussi en France

En France aussi, l’information a pris une dimension plus importante pour l’armée française. Si l’armée ne fait pas d’influence sur le territoire national, ciblé pourtant par ses « compétiteurs » pour reprendre le vocable en cours dans les cercles militaires, la communication n’en est pas moins un enjeu. « Les armées communiquent plus qu’avant », valide l’officier. C’est un service public, qui doit savoir communiquer, par exemple pour recruter, pour présenter aussi comment on s’entraine. L’armée de terre, c’est une armée « des territoires », replace le lieutenant Timothée. Elle est présente quasiment dans toutes les régions de France et les communicants diffusent les messages de l’institution à travers ses réseaux et auprès des acteurs de son territoire. Leur mission est de faire « rayonner » l’institution.  

« Tout ce qui se passe sur les champs de bataille immatériels a des conséquences sur le terrain », comme a pu le constater l’officier. Dans les convois de désengagement de l’armée française, qui partait par exemple de Gao (Mali), en direction de Niamey (Niger), « nous avions des équipes images, pour faire des images-preuves », confie-t-il. Des images qui visaient à photographier les infrastructures laissées à l’armée malienne. On anticipe. On documente. Et on installe son récit, pour ne pas laisser la main à son adversaire.

« Il faut être crédible »

Cette pratique est née de la jurisprudence Gossi, l’un des premiers sites quitté par l’armée française au Mali. Une séquence, qui se déroule en avril 2022, lors de laquelle la force Barkhane subit une attaque informationnelle d’ampleur. Des cadavres avaient été enterrés juste après le départ des troupes françaises, de nuit. À la lumière du jour, on les a déterrés, en filmant évidemment la scène afin de dénoncer l’existence d’un charnier laissé derrière elle par l’armée française. Mais un drone a filmé l’opération de déstabilisation où l’on voit des hommes enterrés les corps après le départ des Français. Ce qui a permis de prouver la bonne foi de la force Barkhane. Cette manœuvre est attribuée au groupe paramilitaire Wagner, qui a pris pied en Afrique ces dernières années. Ce sont des manœuvres pour « nuire » à l’image des forces françaises valide l’officier communication. Des manœuvres dont les premières victimes sont les civils. « II y a un effet à obtenir pour nos compétiteurs », insiste-t-il, avec l’objectif de « retourner » la population. En Afrique, cela a été fait avec un certain succès.

Dans cette bataille, « on n’utilise pas les mêmes armes », note l’officier. L’armée française, si elle mène des campagnes d’influence sur les théâtres extérieurs, certifie s’interdire de mentir et de diffuser de fausses informations. « En termes de communication, le nerf de la guerre, c’est d’imposer son narratif, son histoire », détaille l’officier. D’insister : « Quand on diffuse une information, il faut être crédible. »

On connait le poids du mensonge et le doute qui s’immisce ensuite par son entremise. À l’heure de la culture de l’émotion, où les médias d’informations ne sont pas les seuls relais de contenus, la viralité des Fake news est bien plus forte que le démenti. « Le mensonge a toujours plus de poids que la preuve », confirme l’officier, qui raconte cette croyance que l’on croise parfois en Afrique, de la présence de sous-marins nucléaires français croisant au cœur du désert… Au Tchad, l’officier a beaucoup travaillé avec les médias locaux et les réseaux de fact checking, pour installer cette confiance et rassurer sur les intentions françaises. « Il faut être présent sur ce terrain et entretenir de bonnes relations », insiste le lieutenant Timothée. Une manière de limiter les conséquences des entreprises de déstabilisation.

Si aujourd’hui on évoque beaucoup la Russie et le groupe Wagner dans cette guerre par l’information, ce n’est pas le seul domaine où la déstabilisation informationnelle existe : l’univers économique est aussi particulièrement concerné. Et il n’y a pas besoin de sortir des frontières du pays pour y être confronté.

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