AFP par Damien Stroka
“Ici, une seule personne sait” où est Narumi, déclare à la cour Kurimi Kurosaki, 24 ans. “Mon souhait est de demander à l’accusé de dire la vérité” et de dire où se trouve Narumi, lance au Chilien cette responsable de boutique, au terme d’une longue et très émouvante déposition, entrecoupée de sanglots.
Le président de la cour, François Arnaud, interroge le Chilien: “Vous avez entendu la déposition” de Mme Kurosaki ? “Si vous êtes impliqué d’une quelconque manière, avez-vous le moyen d’apporter une réponse ?” La salle tend l’oreille, l’accusé se lève, saisit le micro: “Je ne sais pas où elle se trouve”. Kurimi Kurosaki reste de marbre. Auparavant, elle avait convoqué le souvenir de sa “grande soeur”, un modèle pour elle de par sa personnalité et son parcours scolaire et universitaire, ou encore la place centrale prise par Narumi lors du divorce de ses parents et, surtout, le drame absolu de sa disparition dont la famille peine tant à se relever.
Survivre
“Il faut coûte que coûte survivre” pour Narumi, tranche-t-elle, tout en confiant que sa “culpabilité d’avoir survécu (la) pousse à vouloir (se) suicider parfois”. Auparavant, Arthur Del Piccolo, petit ami de Narumi au moment de sa disparition, est venu dire à la barre son deuil impossible, lors d’une matinée entièrement consacrée à sa déposition.
Sept ans après la disparition de l’étudiante japonaise, dont le corps n’a jamais été retrouvé, il a ainsi confié que “chaque année en décembre, (il) pense automatiquement à elle (…) Narumi et moi, on aurait pu aller bien ensemble”. “J’aimerais que justice soit faite”, que “le coupable soit condamné”. Sa déposition terminée, vient ensuite le moment des questions : président, avocat général, avocats des parties civiles… Puis c’est le tour de la défense.
Le moment est attendu: les avocats de Nicolas Zepeda, Renaud Portejoie et Sylvain Cormier, tournent en effet depuis le début du procès autour du jeune homme, semblant vouloir en faire une sorte de potentiel coupable bis. Me Portejoie ouvre le bal: Nicolas Zepeda, qui dit avoir passé la nuit du dimanche 4 au lundi 5 décembre 2016 avec Narumi, n’aurait-il pas pu être invité par la jeune femme et avoir une relation sexuelle avec lui, comme leur client le soutient ? Il affirme également être resté du 4 au 6 décembre dans la chambre de Narumi.
Celui qui évoquait jusqu’alors une rencontre fortuite a reconnu la semaine dernière être allé volontairement frapper à la porte de son ex. Après tout, poursuit Me Portejoie, ce dernier a traversé la planète pour la retrouver à Besançon après leur rupture et on comprendrait “la confusion des sentiments” chez une jeune fille certes “très en colère” mais qui a été “très amoureuse” de Nicolas Zepeda. Sans compter qu’elle et lui avaient auparavant dîné au restaurant, après une journée de balade.
Semer le doute
“Je ne crois pas qu’elle ait pensé revenir à cette relation passée”, balaye calmement M. Del Piccolo. Peut-être voulait-elle passer quelques heures avec lui avant de mettre “un point final” à la relation, avance le jeune homme. Me Cormier, qui avait déjà fixé l’attention la semaine dernière sur Arthur Del Piccolo, pointe lui son attitude au moment de la disparition de l’étudiante, notamment la liste “en 10 points” remises aux enquêteurs pour, selon l’avocat, incriminer Nicolas Zepeda.
Là encore, le jeune homme répond posément: “Narumi n’avait aucun ennemi” et la seule piste qui se dégageait alors était celle de “Nicolas”. “J’ai bien compris que la défense voulait faire de moi un suspect”, a réagi après l’audience M. Del Piccolo. “J’ai essayé d’être précis car j’ai compris que la stratégie de la défense était de semer le doute.”
Depuis l’ouverture il y a une semaine de son procès en appel à Vesoul, Nicolas Zepeda continue de nier toute implication dans l’assassinat de Narumi Kurosaki, brillante étudiante japonaise de 21 ans disparue le 5 décembre 2016 à Besançon. Condamné à 28 ans de réclusion en première instance, il encourt la perpétuité. Le verdict est attendu en début de semaine prochaine.