Antoine Pollez – AFP
« Les moyens qui ont été mis en oeuvre sont extraordinaires. Si vous n’avez pas trouvé le corps, c’est peut-être parce qu’il n’était pas dans la zone de recherche ? », pique l’avocat de la défense, Renaud Portejoie, qui s’attache, avec son confrère Sylvain Cormier, à remettre en cause depuis lundi un scénario de l’accusation un peu trop parsemé de « zones d’ombres » à son goût. « Non. Pour moi, non », lui répond calmement Christophe Touris.
Chemise grise et cravate sombre, le commandant de police en est convaincu : le corps de l’étudiante japonaise a été abandonné dans une zone de 50 km2 au sud de Dole (Jura), couvrant une partie de la forêt de Chaux, à proximité de la rivière Doubs. C’est en analysant les relais téléphoniques déclenchés par la voiture de location de Nicolas Zepeda qu’il s’est forgé son opinion. Le 6 décembre 2016, deux jours après la dernière apparition publique de Narumi Kurosaki, le Chilien s’arrête à trois reprises dans cette zone « qui n’a rien de touristique », entre 05h55 et 07h44. Trois arrêts de 13, 25 et 26 minutes dans un coin qu’il était déjà venu explorer quelques jours plus tôt. Pourquoi, si ce n’est pour se débarrasser d’un corps ?, interroge en substance le commandant.
Alors les enquêteurs ont ratissé le périmètre, « avec des plongeurs et des maîtres-chiens ». Puis des hélicoptères ont été mobilisés, des battues organisées. Même des spéléologues ont été appelés « pour une intervention dans une petite grotte, à Saint-Ylie », précise le policier. Après plusieurs mois de recherches, en mai puis septembre 2017, des ossements sont découverts. Ce ne sont pas ceux que les enquêteurs recherchent. Ils iront jusqu’à tamiser 800 tonnes de mâchefers, ces résidus d’incinération de déchets ménagers, pour s’assurer que le corps ne leur avait pas échappé dans un conteneur. En vain.
Surveillance via Facebook
Mais en plus de reprendre tous les relevés des bornages téléphoniques, Christophe Touris a aussi étudié les données informatiques relatives à l’accusé. Après l’arrivée en France de Narumi pour ses études, le Chilien, aujourd’hui âgé de 32 ans, surveillait depuis le Japon son compte Facebook, sur lequel il s’est connecté à 41 reprises, avant de se rendre à son tour à Besançon. Avant de la rejoindre, il avait également lu 156 messages sur le compte Messenger de la jeune femme, notamment certains échangés avec Arthur Del Piccolo, son nouveau petit ami français.
Toujours à travers son compte, Nicolas Zepeda avait consulté à 128 reprises le profil Facebook de son rival. Et même après sa disparition, le compte Facebook de l’étudiante japonaise est resté actif plusieurs jours : selon la thèse des enquêteurs, l’accusé y avait accès car il avait conservé le téléphone de sa victime. Pourtant, l’appareil ne s’est plus connecté au réseau téléphonique à partir du 5 décembre au soir. « Ce n’est pas parce que vous n’utilisez plus votre téléphone en données mobiles que vous ne pouvez pas l’utiliser pour internet », éclaire Christophe Touris, à la demande de Randall Schwerdorffer, avocat d’Arthur del Piccolo. « Il suffit de se connecter à la wifi », qui fonctionne même en mode avion. Mais pour le commissaire, l’élément qui établit la culpabilité de l’accusé est la synchronisation du compte de Narumi, d’abord depuis l’Espagne, où Nicolas Zepeda rend visite à un cousin quelques jours à compter du 7 décembre, ensuite depuis le Chili, deux heures après son atterrissage à Santiago le 13 décembre. Ce sera la dernière. « C’est vraiment du pur concret, du pur matériel. Quand il est en Espagne, et jusqu’à l’arrivée au Chili, on a de la connexion, avec des informations », insiste Christophe Touris. « Quelle serait la coïncidence ? ». Le procès se tient jusqu’au 22 décembre. Nicolas Zepeda encourt la réclusion criminelle à perpétuité pour assassinat, après avoir écopé de 28 ans de prison en première instance.