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HyLES : la technologie de l’hydrogène au chevet de l’autonomie des îles

HyLES est un programme qui étudie l'implantation de la technologie hydrogène en Corse, Réunion et Polynésie française.
Plateforme de recherche en énergie de Myrte, en Corse, de l'université de Corse.

Si l’hydrogène-énergie connait un coup d’accélérateur ces derniers mois, c’est en s’appuyant sur deux décennies de recherches, notamment menées dans le nord Franche-Comté. Et pendant que cette technologie se déploie, la recherche continue. En témoigne ce projet du FC Lab, HyLES, qui étudie le rôle de l’hydrogène-énergie dans la production d’électricité et la décarbonation des îles de la Réunion, de Corse et en Polynésie française. Un projet innovant, de par sa méthode : il associe des chercheurs en sciences humaines et sociales pour questionner l’impact de la technologie sur la vie des gens.

Si l’hydrogène-énergie connait un coup d’accélérateur ces derniers mois, c’est en s’appuyant sur deux décennies de recherches, notamment menées dans le nord Franche-Comté. Et pendant que cette technologie se déploie, la recherche continue. En témoigne ce projet des laboratoires Femto-ST et FC Lab, HyLES, qui étudie le rôle de l’hydrogène-énergie dans la production d’électricité et la décarbonation des îles de la Réunion, de Corse et en Polynésie française. Un projet innovant, de par sa méthode : il associe des chercheurs en sciences humaines et sociales pour questionner l’impact de la technologie sur la vie des gens.– mis à jour le 18 février à 16h51

Les destinations de l’étude ont un air de carte postale : la Corse ; la Réunion ; la Polynésie française. Mais l’enjeu n’est pas de faire du tourisme. Le projet consiste à étudier les opportunités ouvertes par l’intégration de l’hydrogène-énergie dans des réseaux électriques faiblement ou pas du tout interconnectés. Avec toujours, en toile de fond, le désir de produire de l’électricité et d’éviter des rejets de CO2. Une quinzaine de chercheurs planchent sur le dossier, association des laboratoires de métropoles, de Corse, de la Réunion et de la Polynésie française. Le projet a été mis en route il y a quelques jours. Il doit durer trois ans et demi.

Le projet s’intéresse à trois territoires. Le premier est la Corse, dont l’autonomie énergétique est envisagée pour 2050. « C’est une zone relativement tempérée et partiellement connectée au réseau électrique italien », note Robin Roche, maître de conférence en génie électrique à l’université de technologie Belfort-Montbéliard (UTBM), chercheur au laboratoire Femto-ST et à la FC Lab. Il coordonne HyLES. Mais la Corse a besoin de produire elle-même de l’électricité pour répondre à la demande. Le 2e territoire est l’île de la Réunion, dont l’autonomie est visée en 2030. Le climat est chaud. Le dernier territoire concerne la Polynésie française, sa centaine d’îles dont 78 habitées et répartie sur 2,5 millions de km2. C’est un climat tropical. Ce sont trois territoires très différents, d’un point de vue technique, météorologique, réglementaire, économique, sociologique et culturel.

« Ça pollue, l’énergie est chère et il faut importer »

« La problématique de ces territoires, c’est qu’une grosse partie de l’énergie électrique est produite notamment à partir de sources polluantes, comme le charbon ou le pétrole », observe Robin Roche. Un autre problème se pose : le coût. En Corse, par exemple, le prix du MWh est cinq fois plus élevé qu’en métropole. Enfin, qui dit énergie fossile pour produire de l’électricité sous-entend importations. Il y a donc un problème « d’autonomie », relève le chercheur. « Ça pollue, l’énergie est chère et il faut importer », résume Robin Roche. Si produire de l’électricité par l’intermédiaire de l’hydrogène en Europe est encore coûteux, son intégration dans des territoires peu ou pas interconnecté semble pertinent, car l’énergie y est déjà plus chère. L’hydrogène devient alors compétitive. Elle permet aussi d’apporter des solutions de co-génération, autour de la production de chaleur ou de froid, en fonction des besoins. En Polynésie, cette technologie peut aussi régler des problèmes de bruit, liés au fonctionnement des groupes électrogènes.

En utilisant du renouvelable, il faut anticiper des capacités de stockage, surtout que dans ces zones ensoleillées, on pourra produire plus que de besoin. Pour stocker, on peut construire des barrages, mais ce n’est pas le plus intuitif sur une île car il n’y a pas toujours de reliefs ; dans les trois territoires d’étude, les reliefs existent, mais les installations de stockage hydroélectriques sont complexes, longues à installer et non pas sans conséquences sur les écosystèmes. L’autre option est de se tourner vers l’hydrogène. Si le chercheur n’évoque pas la possibilité des batteries, c’est qu’elles ne sont pas adaptées à un stockage de grande quantité d’énergie sur de longues durées. L’intérêt de stocker à l’échelle d’une saison permet aussi de faire face aux variations de production et de consommation, lié à l’afflux de touristes par exemple.

« La technique n’est jamais neutre »

Justifier la pertinence de ce projet est facile. Réussir à déployer cette technologie est pourtant beaucoup moins logique. Et c’est en ça que le projet HyLES est intéressant. Il interroge l’environnement de l’intégration de cette technologie. Quels sont les verrous socio-économiques qui vont se poser au moment où l’on va envisager cette installation ? Des chercheurs en sciences humaines et sociales vont donc intervenir. « À deux moments », relève Nicolas Simoncini, maître de conférences à l’UTBM en histoire et en sociologie. En amont du projet. Et en aval. L’équipe va étudier « le potentiel d’acceptabilité de cette technologie, dans ces trois territoires », explique l’historien. Ils vont regarder le contexte géographique, sociologique, culturel ou encore économique.

Une étude d’impact sera réalisée pour appréhender les conséquences de l’utilisation de cette technologie sur la vie des gens, mais regarder également le potentiel d’emplois que cela peut créer. Et l’historien de citer une étude de Marie-Christine Zélem, une anthropologue de renom qui s’est intéressée aux Wayana, un peuple amérindien de Guyane, pour expliquer l’intérêt de cette démarche. L’arrivée de l’électricité en continue a bousculé l’alimentation et les pratiques alimentaires des populations, entraînant des conséquences sur leur santé. Cela a amené des risques de maladies cardio-vasculaires (recherche à lire ici). « Il faut toujours faire attention quand on amène des solutions qui bousculent les modes de vie », note l’historien.

Autre exemple, la plateforme de recherche en énergétique MYRTE, près d’Ajaccio. On y trouve des panneaux solaires, des électrolyseurs et des réservoirs de stockage d’hydrogène. « Au fil du projet, plein de problèmes ont surgit », rappelle Nicolas Simoncini. Lors du chantier, on s’est aperçu que la plateforme était installée sur le passage migratoire de pontes de tortues. L’autre impact était paysager ; l’ensemble n’était pas facile à intégrer à l’environnement. Au-delà de ces impacts écologiques, se sont aussi posés des questions socio-économiques. C’est une région de chasse. Comment appréhende-t-on la problématique des tirs vis-à-vis des réservoirs d’hydrogène ? « L’intérêt de faire des études en amont, c’est d’intégrer tous ces paramètres dans la technique », estime Robin Roche.

« On peut avoir un truc qui fonctionne très bien. Mais s’il n’est pas accepté socialement, il ne sera pas utilisé », embraie Nicolas Simoncini. Alors à quoi servirait cette technologie ? Le but est d’améliorer le quotidien de la population. Alors autant l’associer. « Cela permet aussi de faire revenir dans le paysage des acteurs invisibles vis-à-vis de cette technique, observe le jeune historien. La technique n’est jamais neutre. » La démarche invite également à travailler les idées préconçues de la population vis-à-vis de la technologie. Cette intégration de la dimension des sciences sociales est une spécificité du laboratoire belfortain. Ils sont au cœur de la démarche. Pas autour.

« Démocratie technique »

Le projet HyLES n’est pas un projet de démonstrateur, comme on a par exemple pu déjà le faire avec le projet Recif, à Tahiti, qui vise à stocker le courant électrique mais aussi à fabriquer du froid, dont le procédé peut avoir des débouchés pour l’hôtellerie, l’industrie ou les administrations (air conditionné). Dans HyLES, on va étudier où il est le plus pertinent d’installer l’hydrogène dans les zones résidentielles ou tertiaires, les ports ou à l’échelle des îles entières. Une étude sera menée pour envisager une déclinaison de la technologie sur les transports, pour les bateaux par exemple.

« L’hydrogène peut servir à plein de choses, mais il faut savoir faire le tri », résument finalement les deux chercheurs. « Nous étudions les conséquences positives ou négatives des solutions proposées sur les sociétés dans lesquelles elles sont déployées », poursuit Nicolas Simoncini. De ces études sera édité un livre blanc de recommandations, à l’adresse des décideurs politiques et des acteurs économiques. L’enjeu est d’inscrire « plus de démocratie technique dans ces sujets », estime Nicolas Simoncini. « Il faut faire parler des acteur qui n’avaient pas forcément de raison de parler ou qui n’étaient pas invités, mais qui seront touchés par cette technologie », conclut-il. On parle bien d’autonomie. Énergétique. Mais aussi politique. Celle de pouvoir déterminer ses propres choix.

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