Il n’a pas duré longtemps, mais il met le doigt sur ce qui ne fonctionne plus à l’hôpital. Le plan Blanc a été remis en place la semaine dernière, le 6 novembre, face à une situation d’ulcération des urgences qui s’est accentué avec les week-ends prolongés de novembre -jusqu’à 104 patients en même temps le week-end de la Toussaint – (lire notre article). Et face à « des tensions exercées sur la gestion des effectifs.» Lors d’une conférence de presse, le jour de sa mise en place, la direction s’était montrée rassurante : le plan Blanc n’a pas vocation à durer. Il devait aider à réguler une situation ponctuelle des urgences. Et c’est ce qui s’est passé: ce mardi 15 novembre puisqu’il vient d’être levé, affirme la direction.
Mais pour la CGT, cette mise en place « acte l’anormal que le personnel de l’hôpital Nord Franche-Comté vit au quotidien.» Le syndicat relève, dans un communiqué datant du 9 novembre, que le plan Blanc n’a pas été activé dans un contexte de crise particulière : l’hôpital connaît un reflux de l’épidémie de Covid et n’est pas encore rentré dans un coup de feu lié aux épidémies saisonnières. Pour la CGT, ce déclenchement de plan Blanc est la conséquence d’un manque de moyens latents qui se répercute sur les soignants depuis plusieurs mois.
Dans ce même communiqué, le syndicat relate : « Aux urgences, c’est un nombre critique de patient.es à prendre en charge. Une partie est en attente de lit d’hospitalisation, installée sur des brancards et dans les couloirs. Nous pouvons manquer, comme c’était le cas ce week-end (week-end du 5 novembre, NDRL), de brancards, de draps et de paravents. Nous manquons de bras pour réaliser l’ensemble des soins. Dans les services, les patient·es peuvent également attendre dans un couloir qu’un lit se libère.» Cette situation est la conséquence d’une « politique d’austérité budgétaire » imposée aux hôpitaux publics, expose le syndicat. « À l’HNFC, depuis 2000, 200 lits ont été supprimés. Entre 2011 et 2018, 160 postes ont été supprimés.»
Une nouvelle contrainte pour un personnel à bout
Le syndicat a vu d’un mauvais oeil ce plan Blanc, qui a « contraint un personnel à bout, qui est déjà contraint de partout.» De son côté, la CFDT réagit avec nuance. «La priorité est de soigner les malades et d’ouvrir des lits », expose Mélanie Meier, représentante syndicale, lors d’un appel téléphonique à la veille de la levée du plan Blanc. Pour elle, si ce plan Blanc n’est pas forcément positif, il était pourtant nécessaire pour juguler la situation.
Elle regrette que seul l’hôpital soit visé par les critiques. Et remet en perspective ce qui a poussé l’hôpital à enclencher le dispositif : la pauvreté de l’offre de soins en amont et en aval de l’hôpital. « Nous sommes tous seul. Qui nous aident ? Il n’y a quasiment plus de médecins de garde. On ne s’en sort plus ». Examens radiologiques, biologiques : « Après vendredi, 18h, les libéraux ferment leurs portes et tout le monde se rend chez nous.»
En amont comme en aval, elle déplore un manque de solution. « Même en ayant un médecin traitant, il faut trois semaines pour avoir un rendez-vous. Alors ça coince.» Les solutions d’aval manquent aussi particulièrement : « On ne peut pas faire sortir les patients car dans le nord Franche-Comté, il n’y a pas assez de soins de suite. Si on les laisse sortir, nous sommes quasiment sûrs qu’ils reviendront et pour encore plus longtemps.»
Des réflexions à mener
Pour la représentante syndicale, avec l’annonce du plan Blanc, « le directeur de l’hôpital espérait un sursaut, pour que les gens prennent conscience de la situation.» Mais à ses yeux, à l’HNFC, les gens viennent rarement pour rien aux urgences. « Ils n’ont quasiment pas de solution de repli et sont envoyés vers nous.» Ce constat doit amener à ouvrir des réflexions, notamment de l’ARS : « Il y a des choses que l’on pouvait anticiper. Ce qui se joue dans le nord Franche-Comté, c’est aussi le vieillissement de la population. Et ça, on le savait ! Nous avons beaucoup de retard. »
Pour autant, elle garde espoir. Avec le Ségur 2, des fonds ont été débloqués. Mais il faut du temps, plusieurs mois pour trouver des solutions. Des équipes pour effectuer des pools de remplacement sont en train d’être recrutées. « Mais dans certains services, le personnel est désabusé.» Et le plan Blanc renforce le sentiment « de ne jamais en avoir le bout », saisit-elle. Un sentiment renforcé par de plus mauvaises conditions cette rentrée que l’année dernière : « Les autres années, l’été était toujours une période difficile. Mais d’habitude, en septembre, nous retrouvons une situation normale.» Ce n’est pas le cas cette année, car l’hôpital manque d’infirmiers, relève la déléguée syndicale.
De son côté, la CGT réclame le renforcement des équipes toutes catégories confondues « par des recrutements à la hauteur des besoins », la réouverture des lits fermés, la création des structures manquantes nécessaires à la couverture des besoins en santé. Et la revalorisation des carrières de toutes et tous.