« Merci beaucoup. Sans vous, je ne serais pas sobre depuis cinq ans. Vous m’avez sauvé la vie. » Au coeur de la manifestation devant l’unité psychiatrique générale d’Héricourt, un moment suspendu, sous un soleil de plombs. Un ancien patient du service d’addictologie est venu en soutien aux soignants, lors de la manifestation qui se déroule mercredi 5 juin contre la fermeture de ce service.
Ils sont environ une soixante à être là pour protester. Soignants du centre, d’autres centres, élus de la ville, associations, syndicats. Certains se sont munis d’une pancarte SOS, qu’ils portent autour du cou. Depuis le début de l’année, l’association hospitalière de Bourgogne-Franche-Comté a un projet de restructuration de ces établissements. Ainsi, en février 2024, l’unité d’admission du centre psychiatrique générale d’Héricourt a fermé pour un regroupement de la psychiatrie sur l’aire urbaine. Aujourd’hui, l’association hospitalière annonce un projet de réorganisation de la filière addictologie.
Sur place, le personnel accepte de parler, mais seulement anonymement. Ils sont formels : la fermeture de leur service ne leur a pas été présenté seulement comme une possibilité. Le personnel souffle que les demandes d’admission sont en stand-by. Les pré-admissions sont à l’arrêt. « On envisage le pire. Cela va dans la continuité de la fermeture qui a eu lieu en février », témoigne l’un d’entre eux.
Toujours autant de patients
Selon eux, l’un des motifs évoqués pour cette fermeture est le manque de patientèle. « C’est un argument que l’on ne comprend pas. Depuis plusieurs années, il est démontré qu’il y a de plus en plus de gens en souffrance. »
Au centre d’Héricourt, qui dispose de 16 lits, 14 à 16 patients sont au centre en continu, témoigne le personnel. Pour quatre semaines en moyenne. Durant ces quatre semaines, les patients peuvent avoir des permissions le week-end. « Des périodes où sur les tableaux Excel, les lits sont vides. Alors, on nous soutient qu’il n’y a pas assez de patients. »
Les soignants, eux, sont une quinzaine. Sept infirmières, sept aides-soignantes, un psy, une assistante sociale, une secrétaire. « On nous a demandé de faire des voeux d’affectation pour la suite. » Entre Montbéliard, Bavilliers ou encore Saint-Rémy-en-Comté, « à une heure et demie d’ici », racontent encore les soignants. Ils s’interrogent sur la création de quatre lits supplémentaires à Saint-Rémy-en-Comté, pour absorber leur service. « Cela n’absorbera pas toutes les demandes. »
Départ en retraite
Depuis le 4 juin, un des deux médecins addictologues du centre est en retraite. « Nous aurions aussi aimé que tous les professionnels des différentes centres se rejoignent autour d’une table ronde. Les médecins, notamment de Bavilliers, auraient pu nous renforcer dans un premier temps, le temps de retrouver quelqu’un. L’affaire aurait pu se se dérouler autrement avec des coups de main de certains, même une demi-journée par semaine. »
Emprunt d’émotions, un soignant témoigne. « Manifester, on le fait surtout pour les patients. » À plusieurs, ils témoignent du lien de confiance qu’ils ont créé avec leurs patients. Et recensent tous les partenariats qu’ils ont réussi à mettre en place à Héricourt au fil des années : avec la Croix bleue, les alcooliques anonymes, les narcotiques anonymes. Mais aussi avec des médecins généralistes. Et avec des structures post-cure. Comme le Csapa (le centre de soin d’accompagnement et de prévention d’addictologie) qui permet d’assurer la continuité des soins. « Tout cela sera perdu », soufflent-ils.
Ils pensent aussi au lien avec les familles. « Pour nos patients qui viennent d’Héricourt et environ, que va-t-il se passer pour les permissions s’ils se retrouvent à Saint-Rémy-en-Comté ? » Rappelant que la plupart des patients souffrant de troubles addictifs n’ont plus ou pas leur permis, peu de revenus.
« Le processus de décision est en cours »
La direction confirme que « des réflexions sont en cours dont celle concernant la filière addictologie ». Sans parler pour le moment d’un projet effectif. Elle envisage la mutualisation des services d’addictologie d’Héricourt et Saint-Rémy-en-Comté.
Elle n’évoque pas un manque de patients, mais le manque de médecins. « L’urgence est de répondre à la pénurie médicale avec un seul médecin à ce jour sur le service d’Héricourt », continue la direction. Expliquant que la situation médicale des services d’hospitalisation de Saint-Rémy-en-Comté est « plus confortable ». Ainsi, le nombre de lits sur ce site passerait de 12 à 16 lits. Soit quatre lits supplémentaires.
« L’éloignement géographique pour la population de l’Aire urbaine est évidemment un paramètre pris en compte dans cette réflexion mais il n’est pas suffisant à lui seul, d’autant que les cures ont lieu dans le cadre d’une hospitalisation programmée, généralement pour une durée de 4 semaines. Par ailleurs, il est important de préciser qu’une réponse d’hospitalisation (complète et de jour) en addictologie existe sur la ville plus proche de Lure, elle est portée par le GH70 », poursuit-elle.
La direction annonce aussi que si le projet est validé, une équipe mobile d’addictologie portée par l’AHBFC et composée de professionnels de l’équipe pluridisciplinaire (médecin, infirmiers, psychologue…) du service d’addictologie d’Héricourt verra le jour. « Celle-ci assurerait en proximité les consultations de pré-admission et les suivis post-hospitalisation, au sein de nos CMP (centres médico-psychologiques) de l’Aire Urbaine. »
Mais pour le moment, la direction l’assure, la décision n’est pas prise. « Le processus de décision interne est en cours. À ce jour seul le comité social et économique a déjà été consulté, la commission médicale d’établissement et le conseil d’administration seront saisis courant juin, selon l’agenda de ces instances.»