Les quelque 3 000 étudiants de l’université de technologie Belfort-Montbéliard (UTBM) ont fait leur rentrée. Une rentrée échelonnée entre le 1er et le 14 septembre. La crise sanitaire bouscule les enseignements, mais aussi les mobilités. On fait le point avec le directeur de l’établissement, Ghislain Montavon, qui revient également sur l’investissement de l’UTBM au cœur de la crise et sur les annonces du Gouvernement vis-à-vis du développement de la filière hydrogène.
Les quelque 3 000 étudiants de l’université de technologie Belfort-Montbéliard (UTBM) ont fait leur rentrée. Une rentrée échelonnée entre le 1er et le 14 septembre. La crise sanitaire bouscule les enseignements, mais aussi les mobilités. On fait le point avec le directeur de l’établissement, Ghislain Montavon, qui revient également sur l’investissement de l’UTBM au cœur de la crise et sur les annonces du Gouvernement vis-à-vis du développement de la filière hydrogène.
La crise sanitaire a des conséquences sur l’UTBM. Comment cela se matérialise-t-il au niveau de l’accueil des étudiants ? Y en-a-t-il moins ? Les départs sont-ils réduits ?
Nous avons des effets sur les flux des étudiants, notamment les mobilités internationales. Nous avons divisé par trois, environ, le nombre de départs ; seulement 80 étudiants et étudiantes partiront pour un semestre d’études à l’étranger, exclusivement en zone Schengen. Nous n’avons pas eu de départs dans le reste du monde. Nous avons des mobilités entrantes, notamment de Chine, au travers de notre plateforme UTSEUS ; 35 étudiantes et étudiants sont arrivés, mais au lieu de 50 initialement prévus. Nous avons eu moins d’étudiants de Malaisie également.
Les mobilités impliquent aussi les stages, qu’en est-il ?
Le cursus est perlé de stages en entreprise, en industrie, de 6 mois. Il devait être 617 étudiants à partir au mois de septembre. Seuls 500 ont pu identifier des stages. Beaucoup d’entreprises ont décidé de ne pas accueillir de stagiaires, n’ayant pas de lisibilité quant à l’activité et étant mobilisées sur d’autres problématiques. Nous avons donc une offre un peu réduite. C’est vraiment la première fois. Une centaine d’étudiants et d’étudiantes n’ont pas pu partir à ce jour ; ils continuent leur cursus au sein de l’établissement et leur départ est différé.
La dimension internationale est très présente à l’UTBM, notamment dans la recherche. Est-ce bousculé par le contexte sanitaire ?
C’est bousculé car il y a moins de mobilités dans les laboratoires de recherche pour travailler avec des collègues. Mais historiquement, culturellement, la recherche internationale se fait sur les réseaux, à distance. Ce n’est pas la recherche avec des partenaires universitaires qui a été la plus touchée à ce jour. Par contre, les activités de recherche avec les partenaires industriels… Par le passé, nous signions environ 350 contrats par an avec des partenaires industriels, de formes et d’amplitudes très différentes : de quelques milliers d’euros à quelques centaines de milliers d’euros. Nous notons une baisse significative : pas d’annulation de recherches en cours, mais nous avons des reports de signature pour des lancements. Dans de nombreux cas, on parle du printemps 2021. C’est la situation qui avait prévalu en 2008, au moment de la crise financière, mais aussi, plus loin dans le temps, en 1991 au moment de la première guerre du Golfe, et en 2001 au moment des attentats du 11 septembre.
Avec la limitation des mobilités, il n’y aura jamais eu autant d’étudiants accueillis dans les locaux de l’UTBM. En même temps, il n’y a pas beaucoup de monde dans les couloirs… Comment organisez-vous la scolarité ?
Nous avons figé les choix et les orientations au mois de mai car la préparation d’une rentrée est relativement longue. En effet, nous n’avons jamais eu autant d’étudiants et jamais eu aussi peu d’étudiants dans les couloirs. Le choix a été fait d’organiser les enseignements pour partie à distance et pour partie en présence. Globalement, à l’échelle de l’établissement, c’est moitié du temps en présence et moitié du temps à distance. Nous privilégions [en présenciel] les enseignements très pratiques, sur les plateformes technologiques, c’est-à-dire apprendre avec ses mains, ce qui a été très difficile pendant le semestre dernier, confinement oblige. Pour les enseignements du type « cours magistraux », l’enseignement à distance s’y prête un peu plus. Les cours à distance sont soit synchrone (visio-conférence), soit asynchrone et les ressources pédagogiques sont mises à disposition des élèves (fichiers, capsules vidéo…). Les élèves travaillent le contenu du cours et il y a un rendez-vous sur une plateforme ou dans l’établissement avec les enseignements pour faire un point sur les acquis de l’apprentissage.
Cette organisation découle-t-elle seulement des mesures sanitaires à mettre en place ?
Cette organisation anticipe aussi que certains membres de la communauté puissent être positifs à la covid-19, en n’espérant jamais de cas avec des pathologies aggravées. Mais ils seraient éloignés 15 jours ou 3 semaines de l’établissement. Si l’état de santé le permet, l’idée est donc d’avoir le moins de rupture possible dans le déroulé du semestre. Les cours à distance peuvent continuer d’être suivis. Certains étudiants internationaux n’ont pas pu, non plus, encore rejoindre le territoire national. Au moins, sur les enseignements à distance, ils ont la possibilité de débuter leur semestre.
En termes de protocole sanitaire…
Dans le cadre des mesures sanitaires, c’est déjà le port du masque pour tout le monde, à tout instant et en tout lieu de l’établissement. Pour l’hygiène des mains, il y a 100 points de gel hydro-alcoolique. Il y a un plan de circulation. Dans les salles de cours, les jauges de capacité sont divisées par deux. Dans les salles informatiques, nous avons équipé chaque élève d’un clavier et d’une souris pour avoir un équipement personnel et ne pas avoir les questionnements : a-t-il été désinfecté ? Bien désinfecté ? Mal désinfecté ? On les a dotés d’une paire de lunettes anti-projection, à porter dans certains TP, quand on peut travailler à quatre mains. On leur a donné des gants de manipulation individuels, car beaucoup de dispositifs, en salle de TP, sont plus difficiles à désinfecter, comme des matériels électriques ou électroniques. Évidemment, cela ne se substitue pas aux équipements de protection individuelle classiques.
C’est un pack sanitaire pour chaque étudiant…
C’est un kit étudiant, où l’on retrouve aussi 4 masques lavables 60 fois. Globalement, ils peuvent tenir 120 jours avec les masques fournis.
Financièrement, quelles sont les conséquences de cet épisode sanitaire ?
En 2020, c’est 1,7 million d’euros de pertes, à l’échelle de l’établissement, au regard d’un budget de l’ordre de 40 millions d’euros. Il y a des dépenses supplémentaires, notamment pour la mise en place des mesures sanitaires. Pour 2020, c’est 180 000 euros. Et les projections pour l’année 2021, c’est 258 000 euros. Nous avons aussi des recettes en diminution. J’évoquais la baisse des contrats de recherche signés avec des partenaires industriels. Sur certaines formations, nous avons eu aussi des recettes moindres.
Pendant la crise, l’UTBM a été très active, notamment autour du Crunch lab. Qu’avez-vous retiré du rôle de l’UTBM au cours de cette période ? Que dit-il de son rôle sociétal ?
Nous avons fait ce que nous avons pu et ce que nous devions faire. Un établissement comme l’UTBM, nous sommes là pour former des ingénieurs, pour assurer des travaux de recherche, mais nos missions ne s’arrêtent pas là. Nous ne sommes pas hors sol par rapport au territoire dans lequel nous sommes implantés. Et nous ne sommes pas implantés à Belfort-Montbéliard par hasard. Que l’UTBM, comme d’autres institutions et acteurs, soit actrice de son territoire, c’est tout à fait normal. Il y avait des conditions particulières. Mais dès lors qu’il y avait les compétences et le matériel disponible au sein de l’établissement, pourquoi ne pas le mobiliser. Tant mieux si cela a pu servir.
On a aussi compris à quoi pouvait servir un tiers lieu comme le Crunch lab…
Un tiers lieu permet une plus grande agilité. C’était vrai dans le cadre de la crise, mais c’est également vrai dans le cadre de développements avec des industriels. L’idée est d’être acteur du territoire, dans le cadre de la crise de la covid-19, mais aussi dans l’implication dans Territoire d’innovation ou avec d’autres dispositifs.
Le Gouvernement, dans le cadre du plan France Relance, a fléché 7 milliards d’euros vers le développement d’une filière hydrogène décarbonnée…
On peut se réjouir de ces financements, en espérant que, cette fois-ci, ce sera la bonne occasion pour déployer plus massivement l’hydrogène. Il y a eu des rendez-vous manqués par le passé. Au regard des financements disponibles et des enjeux, cette fois-ci sera peut-être le bon rendez-vous. Il ne faut surtout pas le rater. La région Bourgogne-Franche-Comté est territoire d’hydrogène, mais beaucoup de régions se sont positionnées sur l’hydrogène et développent des activités. Il y a quelques acquis historiques en Bourgogne-Franche-Comté, en particulier dans le nord Franche-Comté, mais cela ne suffit pas. Il ne faut pas que nous nous endormions sur nos acquis. Les équipes de recherche UFC-UTBM, qui travaillent dans le bâtiment hydrogène (la plateforme pile à combustible, au Techn’Hom, NDLR), regroupent plus de 100 enseignants-chercheurs, qui publient plus de la moitié des publications scientifiques françaises dans le domaine de l’hydrogène. À l’échelle du nord Franche-Comté, tous les ingrédients existent. Nous avons les compétences industrielles pour produire des systèmes hydrogène, que ce soit pour générer de la puissance (power pack, base de piles à combustible), ou faire de l’hydrogène « vert », en utilisant notamment des électrolyseurs. Il y a aussi des compétences pour des usages, comme dans l’habitat social. Les projections économiques que l’on a pu établir indiqueraient que l’usage d’une pile à combustible dans un habitat social permettrait de réduire de façon extrêmement significative le coût d’usage du logement au mètre carré. Il y a également quelques développements dans le domaine de la mobilité. Il y a déjà des acteurs qui existent : Faurecia, Alstom… Aujourd’hui, [l’enjeu] est de pouvoir structurer des grappes d’industriels, des consortiums locaux. Éventuellement de travailler à faire venir d’autres industriels et faire émerger de nouvelles entreprises. C’est maintenant. Dans les 12 à 18 prochains mois, le paysage national et européen va se cristalliser.
Quel est le rôle de l’UTBM ?
On nous a vu sur le développement amont (prototypes, tests) et nous continuerons à nous positionner comme ça. Nous pouvons avoir aussi, mais pas que l’UTBM, un rôle de vigie sur des orientations. En tout cas, proposer des orientations, partager des réflexions et formuler des propositions. Nous sommes à cette croisée des chemins aujourd’hui.