L’inquiétude règne du côté des artisans du Territoire de Belfort. Trois grosses crises se sont dessinées depuis 2019, asphyxiant la trésorerie des artisans.
L’inquiétude règne du côté des artisans du Territoire de Belfort. Trois grosses crises se sont dessinées depuis 2019, asphyxiant la trésorerie des artisans. La question du chômage partiel se pose désormais. La Confédération de l’Artisanat et des Petites Entreprises du Bâtiment (Capeb) a averti le préfet de l’état général de la profession. Francis Voelin, président de la Capeb et chef de l’entreprise Francis TP témoigne.
Depuis 2020, les artisans subissent une pénurie de matières premières liée à la crise sanitaire. Francis Voelin, président de la Capeb et patron de l’entreprise Francis TP en avait déjà témoigné l’an passé (lire notre article). Fin d’année 2021, nouveau coup dur avec une augmentation de l’énergie sans précédent. Les artisans subissent désormais depuis deux semaines la déflagration du conflit entre l’Ukraine et la Russie. « En un mois, je suis passée de 2 000 à 3 000 euros de gazole pour mon entreprise », témoigne Francis Voelin.
La profession s’est étonnée, dans le Plan de résilience économique et sociale proposé par l’Etat pour aider les entreprises à faire face, de ne voir aucune mesure pour l’artisanat du bâtiment. « Nous sommes pourtant le premier employeur de France. Mais nous sommes les oubliés. Ce qu’on veut, ce n’est pas seulement 15 centimes du litre, mais c’est de pouvoir vivre de notre métier », se désole le président de la Capeb. « Nous avions demandé un blocage des prix, une TVA à 5,5%, des aides sur le gazole. Rien de tout cela n’a été vu. Il faut faire quelque chose, absolument », s’alarme-t-il. La Capeb a décidé d’envoyer une lettre au nouveau préfet du Territoire de Belfort, Raphaël Sodini, afin de l’avertir.
Outre la hausse du prix du gazole, les pénuries et les augmentations continuent. « On nous annonce des pénuries sur le gazole non-routier. Nous ne sommes pas sûrs d’en avoir dans trois semaines », expose Francis Voelin. « Depuis quelques semaines, l’on respirait à nouveau sur la question des pénuries. Nous arrivions à percevoir un avenir un petit peu moins flou. Mais depuis la guerre entre l’Ukraine et la Russie, c’est redevenu le flou total et tout augmente », narre le président. A titre d’exemple, certaines des entreprises du Territoire viennent d’être averties d’augmentations pour les armatures aciers de 15 % et pour le treillis soudé de 25 % à effet immédiat avec une durée de validité des tarifs de 48 heures. « Le bois, la tuile et le PVC ont énormément augmenté. Tout ce qui est à base de pétrole, en sus », précise Francis Voelin.
« Pour les clients aussi, c’est un coup dur. Nous leur faisons des devis qui valent seulement pour deux semaines. Au-delà, les prix peuvent doubler. Soit, ils nous paient des acomptes et l’on commande les matériaux de suite. Quitte à stocker. Soit ils sont sûrs d’avoir un devis qui augmente», raconte Francis Voelin. « Ils ne peuvent pas investir au-delà de leur budget. Alors, on finit par perdre des chantiers.»
Pour faire face, la profession se prépare à utiliser le chômage partiel pour garder ses artisans. L’an passé, les entreprises y avaient déjà eu recours. Mais avaient utilisé leur trésorerie pour les payer. Aujourd’hui, ce n’est plus possible. Les entreprises en viennent à bout. « Il s’agit de conserver notre savoir-faire. Nous n’avons plus de trésorerie et les artisans sont au bord de l’asphyxie. Si les grosses sociétés ont le droit à des aides de l’Etat sur la question du chômage partiel, nous également. Le préfet de région a assuré nous suivre sur la question », assure le président de la Capeb.« Après discussion, les collègues vont devoir s’y mettre très vite. Si cela coûte plus cher d’aller sur les chantiers que de mettre le personnel au chômage technique, le calcul est vite fait. Nous n’avons plus la trésorerie de la première crise », précise-t-il.
Une année charnière
Le président de la Capeb se dit très inquiet. Si les prêts garantis par l’Etat (PGE) durant la crise sanitaire ont sauvé de nombreuses entreprises, cette nouvelle crise n’est pas de bon augure. « Il va y avoir de la casse. Cette crise va laisser beaucoup de monde sur le bord de la route.» Ses inquiétudes résident principalement sur cette année charnière : les élections présidentielles, puis législatives, vont retarder la mise en place d’aides. « En clair, si nous ne sommes pas aidés dans les deux semaines, les choses vont devenir compliquées rapidement car les élections vont stopper les mesures. »
Mardi 22 mars, la chambre nationale des artisans des travaux publics et du paysage était en tractation avec le ministre de l’Economie, Bruno Le Maire, selon le président de la Capeb. En début de journée, Francis Voelin disait vouloir « privilégier » la conversation et la communication tant que cela était encore possible. Mais en fin de journée, le discours n’était plus le même. « Nous envisageons des actions pour montrer notre mécontentement. Il faut créer un électrochoc », annonce le président de la Capeb.