« Il peut s’écouler entre 7 et 10 ans avant qu’un diagnostic soit posé. » Le professeur Ramanah évoque ici l’errance médicale liée à l’endométriose. Il est le chef du pôle mère-enfant du CHU de Besançon, mais aussi président de la filière Endo BFC, qui s’est créée cette année à l’initiative des gynécologues de Bourgogne-Franche-Comté. Constituée le 8 février 2022 sous forme associative, cette filière est pour lui une nécessité. Elle a été impulsée par l’agence régionale de santé, qui a accordé des financements pour coordonner une filière de soins dans la région – après des annonces d’Olivier Véran, ancien ministre de la Santé sur une stratégie nationale de lutte contre l’endométriose.
« Une nécessité », il le répète, pour cette maladie qui touche une femme sur dix. Et qui est « la première cause d’infertilité chez les femmes ». Comme l’explique le Pr. Ramanah, c’est une maladie « des règles », une pathologie qui peut démarrer dès l’adolescence et qui n’est souvent pas détectée avant 30 ans. « Souvent, cela fait déjà 10 ans que les patientes sont atteintes quand on détecte la maladie. A ce moment-là, les atteintes gynécologiques sont déjà avancées : ce qui peut causer les problèmes de fertilité.»
Pourquoi cette errance ? Parce que les symptômes sont souvent confondus avec d’autres maladies inflammatoires. Puisque l’endométriose, souvent associée à des douleurs de règles, peut aussi causer des douleurs au niveau d’autres organes : système digestif, système urologique. Même si les symptômes les plus évocateurs sont les douleurs durant les règles et pendant les rapports sexuels, aussi appelés dyspareunie. Il y a, aussi, « une normalisation de la douleur » chez les jeunes femmes réglées, qui empêchent celles-ci de venir consulter. Il faut casser cela. « On doit le marteler : il n’est pas normal d’avoir des douleurs fortes », martèle le Pr. Ramanah.
Du Territoire de Belfort jusqu'à Nevers
L’essence de cette filière : communiquer massivement pour informer au mieux le public sur cette maladie dans un premier temps. En parlant des symptômes, en exposant les difficultés liées, en incitant à se rendre chez un professionnel de santé. Mais aussi, et surtout : constituer un réseau de professionnels de santé déployable sur toute la région. Un réseau qui sera formé régulièrement pour apprendre à dépister la maladie de manière précoce.
En ce moment, un travail est mené pour tous les répertorier et un site internet est en train d’être mis à jour avec les adresses et les numéros. Pour que des professionnels sachant diagnostiquer la maladie puissent être présents « dans le Territoire de Belfort comme à Nevers » et pas seulement à Besançon, explique le Pr. Ramanah. Ces personnes, recensées, ne seront pas que des « spécialistes ». Il insiste sur la nécessité que des médecins généralistes comme des infirmières scolaires, des sages-femmes ou des pédiatres sachent diagnostiquer la maladie aussi. Pour ensuite pouvoir aiguiller vers d’autres praticiens : gynécologues, radiologues, chirurgiens, centres experts. Et créer des parcours de soin adaptés, « notamment pour des parcours de procréation médicalement assistée.»
L’idée est aussi, raconte le Pr. Ramanah, d’avoir au sein de la filière des spécialistes « nationaux, voire internationaux », capables de décrypter les recherches des sociétés savantes et les diffuser, les partager avec les autres acteurs de la filière. Cela est d’autant plus important que l’endométriose est une maladie difficile à comprendre et traiter. Par exemple, avec l’endométriose, « il peut y avoir une discordance entre le stade de la maladie et l’intensité des douleurs », explique le Pr. Ramanah. « On peut être au premier stade et ressentir de très vives douleurs. Comme être au stade 4 et ne rien ressentir du tout. C’est ce message qu’on doit transmettre pour préparer les diagnostics.»
« Ce n’est pas parce qu’on ne voit rien, qu’il n’y a rien »
Il souhaite aussi rassurer celles qui ont déjà pu passer des examens, en vain. « Même si on ne voit rien, il est possible qu’il y ai des lésions millimétriques. D’autres examens existent alors : comme la coelioscopie. » Il ne faut pas hésiter à re-consulter.
Il place beaucoup d’espoir, pour les diagnostics, dans la nouvelle génération. Jusqu’à il y a deux ans, l’endométriose n’était pas enseignée dans les écoles de médecine. Sauf si les étudiants se spécialisaient en gynécologie-obstétrique. Maintenant, la maladie est étudiée par tous dans le cursus classique. Ce qui permettra, aussi, peut-être, de former des praticiens plus à même de reconnaître les maux de manière précoce.
Pour le moment, en Bourgogne-Franche-Comté, seuls 35 spécialistes existent. « C’est encore peu, d’où l’importance du réseau », expose le Pr. Ramanah. Dans le Territoire de Belfort, par exemple, il en recense deux. Alors qu’autour de Besançon, il y en a une dizaine. Son espoir : que la filière gomme les disparités en formant et répertoriant d’autres praticiens.
Site de la filière en cours de création, bientôt disponible sur ce lien : www.endo-bfc.fr
Contact : contact@endo-bfc.fr / 03.81.21.94.30