Par Sofia BOUDERBALA avec les bureaux de l’AFP en France – AFP
Au Cannet-des-Maures (Var), quelque 300 agriculteurs ont déposé de la terre sur la route et planté des croix symbolisant la mort de l’agriculture française, qu’ils jugent menacée par l’accord de libre-échange que l’UE négocie avec les pays latino-américains du Mercosur. Un petit cercueil porte l’inscription “la mort est dans le pré”, des banderoles aux couleurs de la FNSEA proclament “Stop aux promesses, place aux actions” ou encore “Agri acte 2: on est de retour”.
A Avignon (Vaucluse), une centaine d’agriculteurs, selon la police, se sont déployés sur des allées bordant le Rhône, pour faire un semis de protestation contre l’entrée de produits agricoles étrangers. “Notre fin sera votre faim”, clamaient les membres du syndicat. Près de la frontière belge, des agriculteurs contrôlent les poids-lourds.
Devant la préfecture de Vesoul, 180 agriculteurs ont déposé des panneaux de signalisation de villages et déversé trois bennes remplies de cannes de maïs. Des rassemblements sont en cours à Angoulême (Charente), et des opérations escargot dans les Deux-Sèvres. Quelque “85 points de manifestation sont en train de se mettre en route, on ne souhaite pas de blocage concrètement comme on a pu le voir l’année dernière”, a souligné lundi sur RMC Pierrick Horel, le président des Jeunes Agriculteurs. Les impatients avaient ressorti les tracteurs dès dimanche, se rendant en cortège près de la base aérienne de Villacoublay, près de Paris, d’où s’est envolé Emmanuel Macron pour le G20 de Rio au Brésil. “Macron, si tu vas à Rio, n’oublie pas tes péquenots”, clamait une banderole, accrochée sur un pont. Les actions se veulent avant tout symboliques, l’alliance majoritaire voulant alerter les pouvoirs publics mais “pas ennuyer les Français”: “Ce qu’on veut c’est exprimer sur l’ensemble du territoire cette détresse agricole et ce besoin de refixer le cap”, a souligné M. Horel. Dimanche, le ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau a prévenu les agriculteurs qu’il y aurait une “tolérance zéro” en cas de “blocage durable” des routes.
Modes d'action variés
Moins d’un an après un ample mouvement qui avait abouti à des blocages de sections d’autoroutes, les syndicats agricoles appellent à nouveau à manifester, mais en ordre dispersé, à l’approche de leurs élections professionnelles de janvier prochain. Fragilisés par la pire moisson de blé en 40 ans et des maladies animales émergentes, les agriculteurs estiment n’avoir pas récolté les fruits de la colère de l’hiver dernier : la concrétisation des 70 engagements alors pris par le gouvernement Attal a été ralentie par la dissolution de l’Assemblée nationale. Et ils jugent les normes toujours aussi complexes et les revenus insuffisants.
Si les taxes sur le carburant agricole (GNR) ou le Pacte vert européen avaient été des ferments de la mobilisation l’an dernier, cette fois-ci c’est l’aboutissement attendu du projet d’accord de libre-échange avec des pays du Mercosur (Brésil, Argentine, Uruguay, Paraguay) qui enflamme les campagnes. En dépit de l’opposition de la classe politique française comme des acteurs agricoles, la Commission européenne, poussée par des pays comme l’Allemagne et l’Espagne, semble déterminée à signer d’ici à la fin de l’année ce pacte qui permettra aux pays latino-américains d’écouler plus de boeuf, poulet ou sucre sans droits de douane.
“Nous allons continuer de nous opposer” à l’accord, a assuré dimanche Emmanuel Macron, en déplacement en Argentine avant le G20, cherchant à “rassurer les agriculteurs”. Lundi sur France Bleu Besançon, la ministre de l’Agriculture Annie Genevard a dit “comprendre la colère” des agriculteurs, tout en soulignant que le projet de budget contenait “près de 300 millions d’allègements sociaux et fiscaux”. Reconnaissant des avancées comme les prêts garantis par l’Etat, la FNSEA annonce une mobilisation jusque mi-décembre, avec des actions surtout symboliques, comme celle prévue lundi après-midi à Strasbourg sur le Pont de l’Europe reliant la France et l’Allemagne.
“Si d’autres ont d’autres modes d’action, veulent utiliser la violence ou, comme je l’ai entendu, veulent (…) affamer Toulouse, ça n’est pas notre mode d’action”, a prévenu le patron de la FNSEA Arnaud Rousseau dimanche sur BFM-TV, se démarquant de certains responsables de la Coordination rurale (CR, 2e syndicat agricole). La CR a choisi d’attendre la tenue de son congrès (mardi et mercredi) pour amplifier sa mobilisation. Elle promet “une révolte agricole” avec un “blocage du fret alimentaire” dès mercredi dans le Sud-Ouest si “aucune avancée” n’est constatée sur le dossier Mercosur.