Recroquevillés sur eux-mêmes, serrés l’un contre l’autre, les deux compagnons de la maison de Chaux étaient devant le tribunal correctionnel ce jeudi 24 octobre. Cet été, vingt chats morts ont été retrouvés par la gendarmerie et la SPA, dont quatorze chatons dans leur congélateur. Certains… sans leur tête. Une trentaine d’autres animaux ont été retrouvés dans un état sanitaire effroyable : sept chiens, vingt-deux chats, quatre oiseaux mandarins ont été découverts vivants, dans le noir, et dans leurs excréments depuis plusieurs années. Les poubelles, ordures, et déchets jonchaient chaque pièce. Des corps en décomposition également.
Les chats étaient malades : sida, coryza, maladies infectieuses. Ils souffraient aussi de consanguinité. Le vétérinaire, dans un rapport d’expertise, fait le constat d’une « maltraitance manifeste ». Les chiens, quant à eux, étaient dans un « état de santé correct » selon le vétérinaire, pour la plupart d’entre eux. Mais leurs griffes étaient longues, preuve qu’ils ne sortaient jamais. Ils n’étaient pas soignés non plus. Durant toutes ces années, seuls quatre animaux ont été emmenés chez des vétérinaires : toujours chez un autre vétérinaire, sans donner de nom, sans traçabilité.
La dame faisait état d’une précédente procédure pour des faits similaires constatés entre 2020 et 2021, dans son précédent logement, à Giromagny. Les cadavres de neuf chats, d’un cochon d’Inde et d’un chien avaient été découverts dans sa maison, et trois chiens, quinze mandarins et canaris, ainsi que deux pigeons frisés survivaient dans les mêmes conditions que ceux retrouvés à Chaux. Il a été rappelé par le tribunal que la prévenue souffre d’un trouble anxieux dépressif, ainsi que de troubles obsessionnels.
« C’est comme une maladie pour elle »
Le couple, dans un premier temps, a demandé le renvoi du procès. La cause ? « Nous n’avons pas d’avocat. J’ai été licencié et ça m’a énormément perturbé », explique la prévenue. Ce à quoi l’un des avocats présents au tribunal a rétorqué qu’il s’était proposé, après avoir assisté au déferrement, sans être rappelé. Toutes les parties civiles, ainsi que la substitute du procureur, Anna Labeda, se sont finalement opposés au renvoi.
Quelques minutes plus tard, le couple entend que c’est la sœur de la dame qui a réalisé le signalement à la SPA. Il semble l’apprendre. « Salope », lâche la femme. Le couple vit, depuis plusieurs années, dans une maison familiale dont des questions d’héritage n’ont pas encore été réglées. La prévenue et son compagnon ont finalement quitté les lieux, direction Mélisey, en Haute-Saône, depuis quelques semaines.
« On s’est laissé déborder. J’étais malade, j’ai du diabète et j’ai du mal à marcher, alors je n’aidais pas », affirme le compagnon. C’est pour cela qu’il n’enterrait pas les animaux morts. « Je ne peux plus creuser, j’ai trop mal aux jambes. » Il donne toutefois la responsabilité du nombre d’animaux à madame : « C’est comme une maladie pour elle d’avoir des animaux », poursuit-il.
« Les chiens ont tué les chats »
La prévenue le martèle : elle n’a jamais tué d’animaux. Le couple « aime les animaux ». Les chats dans le congélateur et dans le sous-sol étaient morts à cause de maladies. Ils ont été congelés dans l’attente de pouvoir les enterrer. Idem pour l’un d’eux, retrouvé mort dans une cage de transport. « Il est mort sur la route pour le vétérinaire. » Quant aux têtes qui n’ont pas été retrouvées : « Les chiens ont tué les chats. » « C’est la maman qui a mangé la tête du chaton. »
Si la dame avoue qu’elle savait que les animaux « n’étaient pas bien », elle n’a pas souhaité réagir de peur « d’être jugée ». « Dès que je vois un animal malade, je ne peux pas m’empêcher de le prendre », narre-t-elle. « Mais maintenant, je veux me faire suivre, car je n’en peux plus. Je ne veux plus que ce soit comme ça. J’ai des pensées de suicide, je suis angoissée. Ça me fait un traumatisme qu’on me prenne mes chiens, car on les aime. J’ai des vidéos pour le prouver », continue-t-elle.
« Ce n’est pas vous la victime »
Les arguments n’ont pas convaincu les avocats des parties civiles, qui étaient les SPA de Belfort, Besançon, Vesoul. L’Association pour le développement du droit animal, la Société nationale pour la défense des animaux et l’Association Stéphane Lamart « pour la défense des droits des animaux ».
L’un des avocats dépeint la situation d’un des oiseaux, retrouvé sans une patte. « Pour lui, on est sur des actes de cruauté. » La substitute du procureur, de son côté, a relevé une façon d’agir « tordue ». Et a rappelé l’insulte de « salope » à l’égard de la sœur de la prévenue. « Vous pensez que cette dame n’a pas aidé les animaux qui étaient chez vous ? » Réponse : « Elle m’a fait du tort. » La substitute lui a rappelé qu’elle n’était pas « la victime ».
Au terme de l’audience, les SPA ont demandé des dommages et intérêts au titre du préjudice moral, mais aussi au titre d’importants frais vétérinaires pour les SPA de Belfort et Pontarlier. Les parties civiles ont également relevé leur crainte d’une réitération des faits.
« Vous n’êtes pas dignes d’avoir des animaux »
Le substitut du procureur a finalement requis une peine de 12 mois de sursis probatoire avec obligation de soin et de travail, 70 heures de travaux d’intérêt général. Pour le compagnon, six mois de sursis probatoire avec les mêmes obligations et interdictions que sa compagne ont été requis. Ainsi qu’une amende de 1 000 euros chacun. Et surtout pour le couple : une interdiction de détenir à vie des animaux.
« Vous avez des dizaines d’animaux qui meurent depuis 2021 dans cette famille en étant mis dans les congélateurs, laissés dans les coins. Des litières pas changées depuis des années. Des gamelles à côté des excréments. Les animaux ne pouvaient pas s’enfuir de leur condition de vie. Vous n’êtes pas dignes d’avoir un animal. Si vous êtes encore en colère, c’est que vous êtes inquiétante », s’est agacé le Ministère public. Le tribunal a mis cette affaire en délibéré à la date du 31 octobre.
