Jade Belleville
« Pourquoi pas pour nous ? », chante le collectif des enseignants du conservatoire de Belfort. Depuis mercredi 19 juin, les enseignants artistiques du conservatoire Henri Dutilleux sont en grève. Pour ce premier jour, une trentaine d’entre-eux se sont rassemblés à 14h afin de faire connaître leur mécontentement. Avec le va-et-vient des parents emmenant leurs enfants au conservatoire, les professeurs en profitent pour leur distribuer des tracts. Les parents y trouvent un QR code les redirigeant vers une pétition déjà signée par 436 personnes.
Leur revendication : la revalorisation de leur indemnité de suivi et d’orientation des élèves (ISOE). L’objectif de cette indemnité est de valoriser le travail fourni par les professeurs auprès des élèves sur des questions d’orientation notamment. Celle-ci comprend deux parties : la part fixe et la part modulable.
« En septembre 2023, la part fixe a été doublée par arrêté ministériel », explique le collectif des professeurs. Les élus, lors des conseils communautaires, devaient ensuite décider de mettre en place cette indemnisation sur chaque territoire. Dans le Grand Belfort, une délibération a accordé la revalorisation de la part fixe.
Néanmoins, les professeurs dénoncent de la part de Damien Meslot (LR), président du Grand Belfort, un « tour de passe-passe ». Cette augmentation de la part fixe n’a pas réellement été mise en place. La prime de fin d’année des professeurs a été intégrée dans le montant de la revalorisation. Avec cette absorption, les professeurs perdent « 106 € par mois », dénonce le collectif. Quant à la part modulable de l’indemnité, seuls six professeurs sur 90 l’ont obtenu. Les professeurs sont agacés car ils estiment faire tous le même travail.
Interrogé à ce sujet, Jérôme Saintigny, directeur général des services, explique que cette absorption permet de « sécuriser la prime de fin d’année ». Cette prime de fin d’année versée aux professeurs avait « des bases illégales à Belfort », indique-t-il, car aucune délibération ne l’autorisait. « Elle était censée avoir lieu or nos prédécesseurs ne l’ont pas fait », ajoute-t-il. Cette prime ne pouvait donc pas continuer à être versée ; la seule façon de la garder était de l’introduire dans la part fixe de l’ISOE, explique le directeur général des services. Pour ce qui est de la part modulable de l’ISOE, Jérôme Saintigny ne souhaite pas l’étendre à l’ensemble des professeurs. « Cela signifierait détourner le régime indemnitaire », fait-t-il savoir. Le suivi des élèves « est une mission normale des professeurs », précise-t-il.
Une indemnité « essentielle »
L’indemnité est d’autant plus essentielle, en termes de reconnaissance, que les professeurs effectuent de nombreuses heures supplémentaires. « Il y a les tête-à-tête avec les élèves, la préparation des cours, l’accompagnement des familles ou encore le temps d’entretien des instruments », liste une professeure. Tous ressentent le même mépris. « On fait 15 ans d’études. On en a bavé pour en arriver là », s’afflige la professeure.
Ce mépris est d’autant plus dénoncé que les professeurs artistiques estiment fournir déjà de nombreux efforts. « On met à disposition notre propre matériel », explique une professeure du conservatoire les bras croisés. « L’entretien des instruments coûte extrêmement cher », ajoute Emilie Pierrel, représentante des professeurs. Les enseignants expliquent également devoir se fournir pour les moyens numériques comme les ordinateurs. « Il y a seulement deux ordinateurs pour 90 professeurs », s’indignent les deux professeurs.
Fournitures de matériels, entretien des instruments, autant de charges qui leur sont incombées, expliquent-elles. « Les prix augmentent avec l’inflation, mais nos salaires ne suivent pas », déplore une des deux collègues. « Je connais beaucoup d’enseignants en difficulté en fin de mois car les salaires sont faibles », se confie-t-elle pendant que ses collègues entament pour une seconde fois leur chant de protestation.
Delphine Mentré, adjointe chargée de la culture et au patrimoine à la mairie de Belfort, réagit face à l’utilisation des instruments personnels des professeurs durant les cours. « Cela ne concerne pas tous les professeurs. Certains élèves ont leur propre instrument qu’ils louent ou qu’ils achètent. » Concernant l’achat des ordinateurs, Jérôme Saintigny souligne qu’une aide financière est en discussion.
Le préavis de grève déposé par la CGT commence le 19 juin et se finit le 3 juillet. Les professeurs ont bien l’intention de se faire entendre durant ce laps de temps. Le jeudi 20 juin, une nouvelle action est prévue. Ils se rendront au conseil communautaire du Grand Belfort pour chanter leur mécontentement devant les élus.