Une semaine plus tard, les élèves en parlent avec des étoiles plein les yeux. 17 jeunes de deux niveaux de classe (première et terminale) en section Abibac du lycée Condorcet ont voyagé jusqu’à Mayence, en Rhénanie-Palatinat. Ils sont devenus parlementaires pendant une semaine, à l’occasion du premier Parlement franco-allemand des jeunes. Une première, organisée pour célébrer les 60 ans de l’amitié franco-allemande. Vendredi 27 janvier, neufs jeunes femmes, en classe de première, sont présentes pour raconter cette expérience. « Bienveillance », « intégration », « entraide » : ce sont les mots qui ressortent de leur voyage de quatre jours, du 16 au 20 janvier, qui a réuni 80 élèves du lycée Condorcet de Belfort, du lycée Charles-de-Gaulle à Dijon, et d’un lycée allemand.
Les élèves sélectionnés avaient tous un intérêt pour la politique et les enjeux internationaux. Lors de trois journées sur place, ils ont travaillé dans des commissions sur l’Europe, la démocratie, l’environnement et la transition énergétique. Ils ont dû composer avec la langue : deux commissions étaient en français et deux en allemand. L’enjeu : l’écriture de résolution, débattue en assemblée plénière le jeudi. Cela a animé des journées studieuses : 9 h-22 h, pendant les trois jours sur place.
Le vote à 16 ans
Lucile a été élue présidente française du Parlement. « Je les ai pris par les sentiments. C’était un rêve », sourit-elle. Une tâche qui lui a beaucoup plu : faire respecter le débat, le temps de parole… Les débats ont été longs, parfois tempétueux, sourient les lycéennes. Elles ont par exemple débattu sur une taxation sur la viande, qui avait pour but de faire diminuer la consommation et réduire les émissions de CO2. Au terme des trois jours, les jeunes ont adopté plusieurs résolutions. Les jeunes femmes énumèrent celles qui les ont le plus marquées : l’adoption du droit de vote à 16 ans au niveau communal et régional, la gratuité des transports bas carbone ou encore un droit garanti européen sur le mariage pour tous et l’avortement. Au total, une cinquantaine de résolutions ont été adoptées.
Les textes approuvés devront maintenant être étudiés par le Landtag de Rhénanie-Palatinat et par le conseil régional de Bourgogne-Franche-Comté, qui se sont engagés à faire appliquer ceux qui seront possibles.
Certains lycéens ont aussi pu participer à une commission du Landtag. « Nous avons pu assister à une altercation entre la gauche et l’extrême-droite », raconte Évane. « C’était incroyable », complète Chrystal. Elles ont aussi apprécié pouvoir être actrices de vraies séances plénières. « C’était comme les vrais députés. On demandait la parole au micro. Il y avait des députés là pour nous voir, des journalistes, la télé allemande », s’enthousiasme Évane.
Cela a parfois été intimidant, notamment à cause de la barrière de la langue. Beaucoup de termes précis sur les énergies et la démocratie étaient difficiles à appréhender.« C’était parfois le côté un peu frustrant. Ne pas réussir à s’exprimer dans la langue et du coup ne pas pouvoir participer. Ça me donne envie de travailler à fond la pratique de la langue pour réussir à participer et tout bien comprendre », explique Chrystal.
« Il y a eu beaucoup d’entraide avec les lycéens allemands, dans les deux sens. Quand on ne comprenait pas, ils nous aidaient. On traduisait les termes si besoin », raconte Virginie. Pendant le séjour, de nombreuses activités ont été organisées entre les jeunes Français et Allemands pour qu’ils puissent tisser du lien. Restaurant, balade dans la ville, karaoké. Les lycéennes en gardent visiblement un bon souvenir.
Le nucléaire et la démocratie comme divergence
Luce, elle, a pu remarquer qu’entre les étudiants français et allemands, il y avait sur certains points une vraie différence de mentalité. Des exercices ont été fait pour jauger à quel point les jeunes étaient satisfaits ou non de la démocratie. « Les lycéens allemands sont bien plus satisfaits que nous.» Les étudiantes hochent la tête.
Tiffany Meissner, leur professeur d’histoire-géographie, qui les a accompagnés pendant ce projet, complète que les élèves de terminale, qui ont planché sur la transition énergétique, ont eu aussi des débats très animés sur le nucléaire. « En Allemagne, le nucléaire est bien moins reçu que chez nous. La vision était clairement opposée sur les questions concernant ce point précis.»
Des divergences qui leur ont permis de nourrir leurs débats, leurs réflexions. « Ils ont pu toucher du doigt la démocratie. Les notions de méfiance, de frustration, lorsqu’une idée n’est pas toujours reçue comme on le pense ou comme on le voudrait », complète leur professeure.
Cela leur a aussi permis de réfléchir sur le métier de parlementaire, elles qui sont toutes dans des options de géopolitique, de sciences politiques ou de sciences économiques et sociales. Alicia, par exemple, se voyait faire de la politique d’ici quelques années. Ce n’est plus le cas. « L’expérience m’a permis de voir que la politique n’était pas faite pour moi. J’ai besoin d’agir, de savoir qu’il y aura du concret. Et pas seulement de débattre.» Lucille, elle, a adoré : « Cela ne m’a pas dérangé de penser que ça ne pourrait pas être appliqué. L’important était de débattre.» Elle se voit bien continuer dans cette voie.
Pour toutes, en tout cas, l’expérience a été bénéfique. Elles y ont fait de belles rencontres. Elles repartent ravies : c’est une expérience de parlementaire qu’elles ne vivront peut-être plus dans leurs vies. « On a super bien mangé en plus », rient en cœur les étudiantes. Le pari est réussi.