Ils étaient tous réunis autour d’une table mardi 21 mai à Belfort, à la Maison du peuple. Syndicat Unsa, Sgen CFDT, FSU, Sud… Ils sont enseignants, CPE, directeurs d’établissements. Et protestent contre le choc des savoirs, une « réforme régressive ». « C’est un projet de société qu’on nous impose », relèvent les syndicats d’enseignants et de parents d’élèves du Territoire de Belfort. « Un modèle passéiste et conservateur » où les élèves seront triés. La pilule ne passe pas.
Que contient cette réforme ? Annoncée en décembre par le Premier ministre, Gabriel Attal, lors de son passage au ministère de l’Éducation nationale, la réforme est un ensemble de mesures censées « élever le niveau des élèves ». L’une d’elles est particulièrement contestée par une très large partie du monde éducatif: l’instauration de groupes de niveau, en français et en mathématiques, au collège. Mais d’autres mesures ont aussi été décrétées comme une refonte des programmes en primaire, dès la rentrée 2024, pour les CP, CE1 et CE2 (à partir de septembre 2025 pour les CM1 et les CM2) ; la décision de redoublement sera prise par les professeurs, et non plus les familles, et l’obtention du brevet des collèges sera obligatoire pour passer en classe de Seconde, dès 2025.
« Un modèle passéiste et conservateur »
Le point qui écorche particulièrement le secteur éducatif dans le Territoire de Belfort : les groupes de niveaux. « Cette histoire, ça nous prend aux tripes », témoignent les professeurs. Dès cette rentrée, après de premières évaluations, les professeurs devront décider de mettre les élèves par niveau. Cela questionne sur la répartition de ce groupe : si les « moins bons » progressent, mais que les « très bons » continuent aussi de progresser, comment équilibrer les groupes ? « On ne va pas dire aux très bons de redescendre en niveau pour faire de la place à ceux qui font des progrès, ça n’a aucun sens », s’énerve Elvire Celma, enseignante au lycée Follereau et syndiquée FSU.
Les élèves devront « performer » dès le départ. « C’est contraire à l’égalité des chances », poursuit-elle. « Le vivre-ensemble va aussi devenir secondaire. Pourtant, c’est aussi ça l’école », expose encore Etienne Dubien, enseignant au lycée Courbet, syndiqué Sud. « Il n’y aura plus non plus de notion de classe. L’éclatement, dès la 6ème, va renforcer les inégalités et ne pas favoriser les amitiés », s’inquiète-t-il. Le temps en groupe représentera plus d’un tiers du temps de l’élève. « L’école est aussi là pour créer de la cohésion et pour que tout le monde puisse monter ensemble. » Les professeurs considèrent que cela ne sera plus possible après.
« Maltraitance des personnels et des élèves »
Les enseignants reprochent le fait qu’aucune modalité pratique n’ait été communiqué. Que ce soit pour les futurs programmes, sur la classe prépa-seconde qui doit voir le jour notamment dans le Territoire de Belfort au lycée Follereau pour les élèves qui loupent le brevet, ou encore sur les moyens alloués en termes d’heures et de personnels pour mettre en oeuvre la réforme. « Il manque de toute manière du personnel pour mettre en place cela », commente le personnel éducatif. « Par exemple, pour la classe prépa-seconde, il y aura 26 heures de cours. Mais avec quel prof et quel programme ? Pour le moment, nous n’en savons rien », poursuit Elvire Celma. « S’ils ne réussissent pas, où iront les élèves ? Pas de réponse non plus sur ce point pour le moment. » Les enseignants déplorent également le recours aux contractuels à « flux tendu », du personnel « qui n’est pas formé et pas armé pour être devant une classe ».
Christophe Boulat, principal du collège Châteaudun à Belfort, du syndicat Unsa, déplore toute cette communication autour de cette réforme. « Elle est tellement bien faite qu’on pourrait croire que tout est en place partout mais c’est faux. » Des propos soutenus par Peggy Geopfert, enseignante et directrice dans le 1er degré (FSU). « On ne nous répond pas aux questions de terrain. Même si nous voulions être de bons petits soldats et appliquer la réforme, nous ne saurions pas comment faire. » Pour le principal du collège Châteaudun, cela relève d’une « maltraitance des personnels et des élèves ». Des propos validés par tous les membres présents.