« Oui, j’y vais ! J’ai confiance en notre travail. » Chloé Giss a 20 ans. Elle est étudiante en 3e année à l’école supérieure des technologies et des affaires (Esta), à Belfort, en spécialité industrie 4.0. La jeune femme participe au projet Marcel-Haegelen de l’école (lire notre article) depuis 2023 ; un projet technique, pédagogique et patriotique qui vise à construire un avion, en partenariat avec la base aérienne militaire de Luxeuil-Saint-Sauveur (BA 116 en Haute-Saône). Le projet est baptisé Haegelen, en l’honneur d’un As belfortain, qui enregistre des victoires aériennes au cours des deux guerres mondiales. Il est l’un des rares. Marcel Haegelen (lire ci-dessous) est né à Belfort. Il a été pilote dans l’armée, mais également résistant pendant la Seconde Guerre mondiale.
Ce mercredi 18 décembre, Chloé Giss pose devant la silhouette de l’aéronef dans la cours de la caserne Friedrich, à Belfort. L’assemblage vient de se terminer. L’avion est transmis à l’entreprise Gray Light Aviation, qui va poser les éléments d’avionique et l’hélice. Elle va également le peindre et réaliser les qualifications pour que l’avion réalisé par les étudiants puisse voler. L’entreprise est basée à Gray (Haute-Saône).
« Nous sommes très contents »
La présentation de l’aéronef, ce mercredi, a été faite en présence du neveu de Marcel Haegelen, Jean-Pierre Haegelen, qui habite à Nuits-Saint-Georges (Côte-d’Or). Il est venu avec son épouse, Madeleine, et son fils, Christian. « J’ai retrouvé tous les papiers de la famille », ajoute l’épouse de Jean-Pierre. Quand ils ont été sollicités pour ce projet pédagogique, elle a donc tout ressorti pour faciliter le travail de documentation ; un livre a même été écrit par Xavier Greffoz et Carole Riegel, Marcel Haegelen, chevalier du ciel, en 2023, pour raconter l’histoire de cet as. « Nous essayons de faire vivre cette mémoire », confirme Madeleine Haegelen. Qui ajoute : « Nous sommes très contents. »
L’avion est un Zenair 650 EI. Si l’on se réfère aux données du fabricant (lire ici), l’avion enregistre une longueur de 6,3 m, une envergure de 8,23 m, un poids inférieur à 450 kg. Il vole à une vitesse de croisière de 190 km/h. Il décolle sur 150 mètres, à 65 km/h indique l’Esta. L’avion peut embarquer un pilote et un passager.
« C’est quelque chose d’unique de fabriquer un avion »
L’histoire remonte au début de l’été 2021, à l’occasion d’une première rencontre avec le colonel Arnaud Bouilland, alors commandant de la BA 116. C’est Laure Viellard, directrice de l’école, qui raconte la suite. « Construire un avion, ce n’est pas compliqué », lance-t-il aux élèves, lors d’une visite de la base, en novembre 2021. L’école se saisit du défi. Et quelques mois plus tard, elle reçoit d’immenses caisses. C’est un avion en kit qui vient d’arriver. Il faut à présent le construire. « Une trentaine d’étudiants a donné vie à ce projet », indique Daniel Schlegel, enseignant-chercheur à l’Esta, qui a piloté l’aventure. On sent l’émotion dans sa voix. « C’est quelque chose d’unique de fabriquer un avion », ajoute-t-il, au moment de passer la main, conscient « du privilège » qu’il a eu. Près de 30 mois après avoir reçu les caisses, l’avion est assemblé.
Ce privilège, Chloé Giss l’a aussi ressenti. « Au début, je n’osais pas trop toucher », confie-t-elle. Saisie, sûrement, des conséquences que pourraient avoir une erreur. « On ne peut pas faire cela à la légère », prévient-elle. Puis, elle a pris de l’aisance avec les outils, les techniques, « comme le rivetage ou le perçage », détaille l’étudiante, qui s’oriente vers l’aérospatiale et l’aéronautique. Il est certain que ce projet lui a ouvert des portes. Il a aussi valorisé la formation de l’école. Et il a permis à Chloé d’obtenir le brevet d’initiation à l’aéronautique (BIA) ; dans le cadre de ce projet, les étudiants étaient inscrits dans l’escadrille air jeunesse (EAJ) de la BA 116 de Luxeuil. « C’est un projet hyper enrichissant, poursuit-elle. Il n’y a que des bons souvenirs dans ce hangar ! »
L’atelier des étudiants a été installé dans un bâtiment de la caserne Friedrich, à Belfort, appartenant à la délégation militaire départementale. « Nous avons réussi à surmonter collectivement les obstacles », a salué le colonel Éric Larpin, délégué militaire départemental du Territoire de Belfort et commandant de la base de défense de Belfort. Puis, transmettant un message à l’adresse des étudiants, les invitant à une double vie en parallèle de leur future carrière professionnelle : « N’oubliez pas que les armées, notamment l’armée de l’air, recrutent des réservistes. » Une invitation qui sera, sans aucun doute, saisie au vol.
Un avion présenté au Salon du Bourget
Le projet s’élève à 70 000 euros. Aujourd’hui, l’école a rassemblé 60 000 euros. Seulement des acteurs privés ont contribué au projet, notamment le syndicat des industries françaises de l’aéronautique (Gifas), des industriels (Satys, Lisi, Daher, Liebherr…), l’aéroport de Bâle-Mulhouse, le Crédit agricole ou encore la France mutualiste. D’autres partenaires devraient rejoindre l’aventure assure Laure Viellard. L’avion devrait être en mesure de voler à l’été 2025. Le Salon international de l’aéronautique et de l’espace, connu sous le nom du Salon du Bourget, exposera également l’avion au mois de juin, lors de sa prochaine édition. Un Salon au cours duquel le territoire sera valorisé ; le commissaire général du Salon aéronautique est aujourd’hui Emmanuel Viellard, directeur général du groupe Lisi (lire notre article). Ensuite, l’avion sera revendu ; il est délicat de l’assurer et de le stocker à long terme. L’argent récupéré par la vente doit servir au financement « d’un nouveau projet pédagogique », dévoile Laure Viellard.