Jeudi 20 février, en fin d’après-midi, une vingtaine de citoyens a investi le faubourg de France à Belfort, vêtus de blouses blanches. Se présentant comme des « professionnels de la santé démocratique », ils ont interpellé les passants pour évaluer leur « santé démocratique » à travers un questionnaire. Une action symbolique et ludique menée par le réseau d’entraide citoyenne, un collectif créé en octobre 2024 pour lutter contre la diffusion des idées d’extrême droite, anti-racisme et anti-discrimination (lire ici).
Mathilde Regnaud, ancienne élue d’opposition de gauche à la Ville de Belfort et figure du réseau, détaille la démarche : « Avec le collectif, on s’est dit qu’il fallait réagir, qu’on ne pouvait pas rester sans rien faire face à la propagation des idées d’extrême droite. Elles ne sont plus seulement portées par les partis d’extrême droite mais infusent dans le discours gouvernemental. Quand des ministres parlent de « submersion migratoire », qu’on a des ministres de la Justice et de l’Intérieur qui rivalisent de discours absolument terrifiants, on assiste à une normalisation inquiétante ».
À travers cette action de rue, les militants entendent prévenir et éveiller les consciences. « On propose un diagnostic de santé démocratique en recherchant certains symptômes. Par exemple, si une personne pense que « la France irait mieux s’il y avait moins d’étrangers », on en discute avec elle. On explique que beaucoup de médias poussent à répondre « oui » à ce type de questions et que cela traduit une contamination aux idées d’extrême droite. »
Un remède ludique contre la résignation
Face aux réponses des passants, les membres du réseau proposent un « traitement », avec des « effets secondaires » qu’ils jugent positifs : « Vous pourriez chercher à agir pour l’environnement, faire preuve de solidarité avec les personnes en difficulté, participer à une marche des fiertés, s’impliquer dans une association d’aide aux migrants. Si vous ressentez un de ces effets-là, c’est que vous êtes en bonne voie », explique Mathilde Regnaud avec un sourire.
Mais au-delà de l’aspect humoristique, l’initiative se veut une alerte. « Ces idées d’extrême droite sont tellement banalisées qu’on n’y fait plus attention. Nous, on veut rappeler qu’elles sont dangereuses, qu’elles mettent en péril le vivre-ensemble et la démocratie », martèle-t-elle.
Un engagement citoyen pour sortir de l’apathie
Parmi les membres du collectif, Nathalie, enseignante, raconte son propre cheminement : « J’étais anesthésiée. Je voyais les discours se durcir, les médias relayer des termes qu’on aurait jugés inacceptables il y a cinq ans, mais je me sentais impuissante. » C’est en voyant les images de la commémoration de la libération des camps, les images d’Elon Musk effectuant un salut nazi et en apprenant l’expulsion d’une élève dans un établissement scolaire qu’elle a eu un déclic : « J’ai compris qu’il fallait que j’agisse. J’ai contacté le réseau d’entraide citoyenne récemment. Je ne suis pas politisée, je suis juste citoyenne. Et je refuse qu’on me dise que tous les Français adhèrent à ces idées. Ce n’est pas vrai. »
Aujourd’hui, elle veut inciter d’autres personnes à se réveiller : « Il faut qu’on se révolte. On ne peut pas recommencer quelque chose qu’on a déjà connu. Il y a cinq ans, ce qu’on entend à la télé aurait été jugé inacceptable. Aujourd’hui, ça passe. C’est insidieux, mais on nous fait glisser petit à petit. Cette action, c’est une manière de faire germer une petite graine citoyen pour alerter et réveiller les consciences ».
Par cette action décalée, le réseau d’entraide citoyenne espère semer des graines de réflexion et convaincre d’autres citoyens de s’engager. Car, comme le rappelle Mathilde Regnaud, « tout n’est pas plié ».