Des étudiants de l’école supérieure des technologies et des affaires (Esta) de Belfort vont construire d’ici 2 ans un avion dans le cadre d’un projet mené en collaboration avec la base aérienne militaire de Luxeuil-les-Bains. Un projet baptisé Haegelen, en l’honneur d’un As belfortain. Un projet qui se veut technique, pédagogique et patriotique.
Des étudiants de l’école supérieure des technologies et des affaires (Esta) de Belfort vont construire d’ici 2 ans un avion dans le cadre d’un projet mené en collaboration avec la base aérienne militaire de Luxeuil-les-Bains. Un projet baptisé Haegelen, en l’honneur d’un As belfortain. Ce projet se veut technique, pédagogique et patriotique.
« Quand j’ai signé le bon de commande pour acheter un avion… » Laure Viellard, directrice de l’école supérieure des technologies et des affaires (Esta), n’en revient toujours pas. Il y a quelques semaines, elle a validé l’acquisition d’un avion en kit, un Zenair 650 EI, pour 27 000 euros. L’aéronef sera livré dans des cartons ; le temps estimé de montage s’élève à 300 heures, si l’on se réfère aux données du fabricant (lire ici). D’une longueur de 6,3 m, d’une envergure de 8,23 m, d’un poids inférieur à 450 kg, ce petit avion vole à une vitesse de croisière de 190 km/h. Il décolle sur 150 mètres, à 65 km/h indique l’Esta.
Mais pourquoi l’Esta acquiert-elle un avion ? « C’est une idée dingue », avoue la directrice. L’école belfortaine à la double compétence a toujours tissé des liens forts avec l’armée, notamment à l’occasion de sa semaine d’intégration, transformée en séjour de préparation militaire depuis 8 ans, réalisée avec le 1er régiment d’artillerie de Bourogne (notre article). « Nous sommes une école terriblement citoyenne », insiste la directrice. Cette fois-ci, elle s’associe à la base aérienne 116, de Luxeuil-les-Bains (Haute-Saône). Elle souhaitait une démarche mémorielle, pédagogique et technique. Et 22 étudiants, issus de différentes promotions de l’école, vont se mobiliser pour assembler cet avion, dans les 2 ans, et assouvir une passion commune pour l’aviation. L’avion sera construit dans un hangar mis à disposition par la délégation militaire départementale, à la caserne Friedrich, à Belfort.
Intérêt pédagogique
« L’intérêt pédagogique est profond », note Daniel Schlegel, enseignant-chercheur à l’Esta, responsable de la spécialité Industrie 4.0, insistant aussi sur la dynamique projet de la pédagogie de l’école. « Nous aimons concevoir des systèmes et les réaliser », poursuit-il. L’avion – « l’une des plus belles machines », dixit Daniel Schegel – devra être sûr, fiable et voler. Les contraintes liées à la fabrication d’un avion sont en effet élevées et les étudiants vont justement se confronter à cette exigence. Ils devront donc suivre scrupuleusement toutes les étapes d’assemblage, organiser la répartition des tâches entre chacun, mais également mettre en place un système de validation de ces paliers. Si des cours seront adaptés pour permettre aux étudiants de participer au projet, des temps de validation et de notation sont également programmés. « On découvre beaucoup mieux quand on met les mains dedans », résume l’enseignant. « On va faire une vraie maquette à échelle 1 et qui vole », replace le colonel Arnaud Bouilland, commandant de la base aérienne 116 de Luxeuil-les-Bains, pour souligner le caractère singulier de ce projet. À un moment donné, les élèves devront pousser les gaz et tirer sur le manche.
Pour ce faire, ils vont intégrer une escadrille air-jeunesse (EAJ), leur permettant de suivre des modules à la BA 116, en mécanique de vol, en aéronautique ou encore en météorologie, mais aussi de passer des brevets. Grâce à ce projet, ils pourront aussi découvrir l’univers de l’armée de l’air et de l’espace et cultiver « le lien entre la nation et son armée », valide l’officier. Ce projet est une démarche « innovante », apprécie le pilote de chasse, qui quittera le commandement de la base dans les prochains mois. Il étend le dispositif des escadrilles air-jeunesse, jusqu’ici plutôt tourné vers un public adolescent, pour le proposer à de jeunes adultes, plus autonomes.
La BA 116 en chiffres
- 1 200 personnes travaillant sur le site (50 métiers)
- 1er employeur du bassin luxovien, 4e employeur de Haute-Saône
- 25 Mirage 2000-5
Le budget du projet Haegelen avoisine les 70 000 euros. Après l’avion, il faudra acheter un moteur (28 000 euros), des instruments de vol, un parachute et prévoir une livrée pour l’appareil ; on y retrouvera sûrement du orange. Les étudiants vont aussi se mobiliser pour financer ce projet, en sollicitant notamment les collectivités et des dons ; chaque don sera déductible des impôts. Sur ce projet, les étudiants appliqueront donc une démarche technique et une démarche commerciale. Cette double compétence qui fait la fierté et la signature de l’Esta.
Marcel Haegelen, à la mémoire d’un As belfortain
Les étudiants n’oublient pas la dimension mémorielle du projet. Ils ont baptisé ce projet le projet Haegelen, en hommage à ce Belfortain, né en 1896, As de la Première Guerre mondiale. Il s’est engagé au début de la guerre dans l’infanterie, à 19 ans. Il rejoint l’armée de l’air en 1915 et intègre, comme pilote de chasse, les escadrilles SPA 103 et SPA 100. La première nommée est aujourd’hui la 2e escadrille de l’escadron de chasse ½ Cigognes, établie sur la BA 116 de Luxeuil-les-Bains. Il compte 22 victoires homologuées. Dans l’entre-deux guerre, il est pilote d’essai chez Aéroplanes Hanriot et Cie. Il remporte la coupe Michelin en 1931 et 1932 et bat le record du monde de vitesse sur 2 000 km en 1932. Il redevient pilote de chasse au début de la Seconde Guerre mondiale et ajoute une 23e victoire, le 23 juin 1940. Il est alors lieutenant-colonel. « Marcel Haegelen est l’un des rares As de la Première Guerre mondiale à ajouter à son palmarès une victoire au cours de la Seconde Guerre mondiale », relève l’Esta dans son dossier de présentation. Après l’armistice de juin 1940, il entre en résistance. Il est fait prisonnier en 1943 et est incarcéré à la prison du Bordiot, à Bourges (Cher). Il meurt en 1950. « C’est important d’honorer cette mémoire dans sa ville natale », insiste Marc Pfister, étudiant de 2e année, conscient également que le personnage n’est pas très connu dans la cité du Lion. Un square prendra prochainement son nom, à Belfort ; celui où était installée l’école d’infirmières.