Le Trois –

Belfort : aux Restos du Coeur, des conditions toujours plus difficiles pour la générosité

Le centre des Restos du Coeur à Belfort accueille chaque semaine une centaine d'étudiants. | ©Le Trois -EC
Reportage
Moins de repas distribués, moins de bénévoles, plus de bénéficiaires, encore et toujours. La volonté de générosité se heurte aux contraintes, aux Restaurants du Coeur. Rencontre, au centre Bartholdi de Belfort.

Avec Lou-Anne Gérun–Toussaint

Le ciel est gris, la neige, pas encore fondue, cache la fine couche de verglas qui menace de faire glisser les personnes qui se dirigent vers le centre Bartholdi, centre des Restos du Coeur belfortain. Lundi 4 septembre, Raphaël Sodini, préfet du Territoire de Belfort, était invité à visiter ce site, alors que la campagne hivernale de distribution a démarré il y a deux semaines. Devant, une file attend de pouvoir pénétrer dans le bâtiment rectangulaire, à deux pas de l’école de la deuxième chance. Catherine Viron, bénévole, responsable du centre Bartholdi et Dominique Ory, le président de l’antenne départementale, accueillent le préfet, alors que les bénévoles s’activent pour ne pas faire patienter trop longtemps les bénéficiaires. 

« Nous avons dû réduire le nombre de repas distribués », raconte Dominique Ory. Dans un bureau en retrait, le président des Restos du Coeur fait un premier bilan de cette situation inédite qui oblige la structure à donner moins qu’avant. Au niveau national, la hausse des coûts a obligé à réduire les barèmes de dons. « Avant, le barème d’hiver était favorable à plus de gens. Là, il est gelé et reste identique à celui de l’été. » À Belfort, les bénévoles doivent distribuer à moins de personnes, mais surtout moins de repas. De six repas par semaine et par personne, Les Restos du Coeur ne peuvent plus distribuer que quatre repas par semaine. « Cela fait deux semaines que nous avons réduit… C’est une décision majeure au niveau national qui doit permettre de revenir, on l’espère, au niveau d’avant d’ici trois ans », explique le président, peiné par la situation. 

Plus de distributions

La décision a été difficile à faire entendre, mais les bénévoles se battent pour tenter de conserver le maximum de choses pour les bénéficiaires. Pour commencer, ils ont étendu le nombre de distributions. Du lundi au samedi, il y a désormais six distributions, dont deux adaptés aux horaires des étudiants : l’une le mercredi à 17h30 et l’autre le samedi matin. « 190 étudiants viennent chaque semaine », détaille Catherine Viron. Et 51% des personnes qui se rendent aux Restos du Coeur ont moins de 25 ans, que ce soit des étudiants, des jeunes travailleurs ou des familles monoparentales. 

Si les distributions se sont multipliées, c’est parce qu’il y a « beaucoup trop de familles » qui venaient en même temps. Beaucoup plus de familles, aussi, tout court. André, bénévole inscripteur, explique qu’un peu plus de 1 000 familles sont inscrites en ce début du mois de décembre. Soit une augmentation de 24% par rapport à la même période l’année dernière, alors que la campagne hivernale vient de démarrer. 

Les distributions ont aussi dû s’adapter à la politique des magasins. Dans le coin stockage des Restos du Coeur, les deux représentants montrent les aliments qui viennent d’arriver. Ils en reçoivent des Restos du Coeur au niveau national, des dons, mais aussi des magasins.  « Avant, les magasins de grande distribution faisaient dons de leurs aliments en date limite. Il restait souvent deux ou trois jours avant que les aliments ne soient périmés », détaille Catherine Viron. « Aujourd’hui, ils préfèrent les mettre en rayon…» Conclusion : les aliments reçus arrivent souvent à date de péremption pour le jour même ou le lendemain quand Les Restos du Coeur les reçoivent. Or, ils n’ont pas le droit de distribuer des aliments périmés. Il a fallu multiplier les distributions pour être sûr de ne rien perdre. 

Manque de bénévoles

Le centre tente aussi d’aider sur d’autres pans, en parallèle, en organisant des ateliers d’aides à la personne, des ateliers pour savoir utiliser les outils numériques, pour aider à la réinsertion, à la réintégration. Certains tiennent aussi les vestiaires, un lieu où les bénéficiaires peuvent récupérer gratuitement une tenue complète par mois. D’autres tiennent l’espace bébé.  « Il y a des habits jusqu’au 18 mois, parfois trois ans. Et de la nourriture exprès pour les nourrissons », explique une bénévole qui s’attèle au pliage de nombreux bodys. Chaque jour, ce sont 35 à 40 bénévoles qui viennent aider. Ils sont environ 200 sur le centre de Belfort, en tout, assurant un roulement toute l’année. « Il n’y a pas de moment où l’on ferme. Il n’y a pas de vacances pour les bénévoles, les familles ont besoin de manger tous les jours », réaffirme Catherine Viron. 

« Je suis impressionné par la générosité et la logistique », déclare Raphaël Sodini, préfet du Territoire de Belfort. Une logistique qui demande de recruter encore des bénévoles. Lors de la visite, Catherine Viron en a profité pour lui expliquer les besoins de bénévoles réguliers. Le centre souhaite mettre en place du mécénat de compétences, un dispositif qui permet aux entreprises de « prêter » leurs employés. À la place d’un don financier, ils font « dons » pour une certaine durée d’une personne de l’entreprise. Ils recherchent également des bénévoles retraités, en insistant sur la régularité de ceux-ci. « Aujourd’hui, nous avons des bénévoles retraités qui viennent une demi-journée par semaine. Alors qu’avant, ils venaient quasiment toute la semaine », se désole Catherine Viron. Pour en recruter de nouveaux,  « nous organisons des portes ouvertes ce samedi 9 décembre », conclut-elle, avec l’espoir de voir arriver foule de nouvelles personnes. 

Aménagement d’un 5e centre fixe des Restos du cœur à Valdoie

Aujourd’hui, dans le Territoire de Belfort, quatre centre fixes existent : à Belfort, Delle, Giromagny et Beaucourt. Plus un centre itinérant. Dominique Ory, président de l’association départementale ainsi que Catherine Viron, la responsable du centre, ont profité de cette rencontre pour exposer leur projet d’aménagement d’un 5ème centre fixe, à Valdoie. « Les besoins augmentent alors on essaye de s’adapter », soulève Catherine Viron.

À Belfort, environ 360 familles sont situées sur le secteur de Belfort Nord, Cravanche, Eloie, Offemont. Et il y a de plus en plus de personnes demandeuses dans ce secteur. « Cela leur fait une trotte pour venir. Aller-retour, il leur faut parfois trois heures pour venir chercher leur vivre. » Depuis plusieurs mois, les Restos du Coeur cherchaient un local dans le coin. Il est désormais trouvé, à Valdoie. Les derniers détails restent à finaliser. « Le budget est fait, les autorisations sont demandées », expose Dominique Ory. 

Au premier trimestre 2024, les locaux devraient être acquis pour permettre au second trimestre de démarrer les distributions. Des locaux plus nécessaires que jamais. « C’est incontournable. Chaque jour, entre 160 et 200 familles viennent. Parfois sur les mêmes créneaux. Cela rend difficile la gestion pour les bénévoles. » Aujourd’hui, « près de 2 200 personnes sont bénéficiaires de l’aides des Restos du Coeur à Belfort. »

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