De 1960 à 1985, des salariés d’Alstom encore en poste aujourd’hui pour General Electric ont été exposés à de l’amiante. Dans un arrêt rendu par la cour de Cassation il y a douze ans, la justice a reconnu l’existence d’un préjudice d’anxiété.
De 1960 à 1985, des salariés d’Alstom encore en poste aujourd’hui pour General Electric ont été exposés à de l’amiante. Face à cela, tous les salariés qui y travaillent n’ont pas obtenu la même reconnaissance et les mêmes compensations. Désormais, ceux qui se sentent lésés attendent du tribunal des Prud’hommes une juste reconnaissance.
« Tout ce que l’on veut, c’est de la reconnaissance », explique Said Bersy, secrétaire du comité social et économique (CSE) pour General Electric Thermal Manufacturing, qui fabrique les turbines à vapeur Arabelle, et représentant syndical de la CGT. Ce mardi, il a accompagné 27 salariés de General Electric au tribunal des Prud’hommes de Belfort pour faire appliquer le « principe d’égalité de traitement qui réside dans le code du travail », explique l’avocat des requérants, Me André Chamy.
Si ces 27 salariés se sont réunis, c’est parce qu’ils ont tous travaillé sur le même site d’Alstom, à Belfort, entre les années 1960 et les années 1985. Et qu’ils ont aussi, tous, été potentiellement exposés à de l’amiante. Said Bersy explique : « Une partie des salariés, lors des accords négociations en 2015, a pu obtenir la reconnaissance d’un préjudice d’anxiété qui permet de prendre en compte le stress généré par la potentialité d’avoir une maladie liée à l’amiante, ainsi qu’une somme de 10 000 euros ». Une somme équivalente à la fois à une indemnisation pour une retraite anticipée et à une compensation financière liée au préjudice d’anxiété, détaille l’avocat, Me André Chamy. Ces salariés sont les actuels employés de l’entité GE Gaz.
Mais de l’autre côté, le reste des salariés exposés à de l’amiante, répartis dans l’entité GE Steam, dont fait partie GE Thermal Manufacturing, n’ont rien pu obtenir de la part de leur direction. « Pourtant, ils ont tous travaillé au même endroit durant les mêmes années, avec un même arrêté ministériel. Ce sont peut-être deux directions (GE Gaz et GE Steam, NDLR) mais il s’agit quand même de la même entreprise. On ne comprend pas pourquoi ils font la différence », expose Said Bersy. « Il y a une véritable inégalité de traitement, d’où les recours.»
Dans les faits, les deux directions ont adopté deux décisions sociales différentes, que l’avocat explique ainsi : « Les salariés souhaitaient engager des recours en justice, mais le délai de prescription pour ce type de dossier était passé, sous Hollande, de 20 ans à 5 ans. La direction de GE Gaz a donc donné cette somme de 10 000 euros pour calmer le jeu avec ses salariés. Alors que la direction de GE Steam n’a pas voulu appliquer la même chose ». Jusqu’en 2019, les salariés de GE Steam ont donc poursuivi les négociations, en vain, avant d’abandonner et de poursuivre aux Prud’hommes la direction pour « faire respecter le principe d’égalité de traitement », détaille Me André Chamy.
« L’idée n’est pas de condamner mais d’obtenir une juste reconnaissance de leur préjudice d’anxiété », explique Said Bersy. Pour le moment, l’heure est aux tentatives de conciliation, qui ne semble pas fonctionner, selon l’avocat. Chacune des parties, les salariés et General Electric, a jusqu’à fin septembre pour faire parvenir au tribunal des Prud’hommes ses réclamations. Le 29 novembre, les dossiers seront vérifiés pour savoir si le dossier peut être plaidé « peut-être en janvier prochain, ou en février », explique l’avocat. « Il est aussi possible que d’ici-là, GE laissent tout tomber et versent des indemnités aux salariés pour éviter cette étape. Rien n’est exclu », conclut-il.
200 dossiers en attente au tribunal de Besançon
Un arrêté ministériel publié le 30 octobre 2007 a reconnu une exposition à l’amiante au cours des années 1960 à 1985. Trois ans plus tard, un arrêt de la Cour de Cassation, rendu le 11 mai 2010 met en exergue le terme de préjudice spécifique d’anxiété, aussi connu sous le nom de maladie de la plèvre. Il s’entend comme étant « l’ensemble des troubles psychologiques » résultant de l’exposition aux fibres d’amiante et du risque de déclaration d’une maladie grave. En 2015, ce sont 700 salariés et ex-salariés d’Alstom qui ont monté un dossier pour que l’on reconnaisse ce préjudice. D’après Me André Chamy, ce sont aussi aujourd’hui 200 dossiers qui attendent d’être traités au tribunal administratif de Besançon et qui engage la responsabilité de l’Etat sur cette exposition à l’amiante.