À la rentrée 2025, les deux écoles élémentaires d’Auxelles-Haut et d’Auxelles-Bas, dans le Territoire de Belfort, perdront leurs classes (voir notre article). Une trentaine d’élèves y sont actuellement scolarisés, répartis en deux classes. La fermeture, désormais actée par la direction académique des services de l’Éducation nationale (DASEN), pose la question de la suite pour les élèves et suscite une vague d’indignation de la part des parents d’élèves mais aussi des élus.
Dès 2024, plusieurs actions avaient été organisées pour s’opposer au projet, alors qu’une seule classe était menacée. Rebelote cette année : deux classes, menacées, sont désormais supprimées. La mobilisation s’est intensifiée, alors que la nouvelle n’était pas encore confirmée, avec un « lundi mort » à la rentrée de février, une « nuit à l’école » dès le lendemain, ou encore une marche aux flambeaux le 5 mars dernier. Une centaine de personnes y avaient participé, venues de chaque village pour se retrouver à mi-chemin. Les deux conseils municipaux ont également voté des motions de protestation : le 4 avril à Auxelles-Bas, puis le 7 avril à Auxelles-Haut.
Maintenant que la décision est actée par la Dasen, deux nouveaux temps forts sont prévus cette semaine. Ce mardi 8 avril, un tractage aura lieu devant la réunion du conseil de la Communauté de communes des Vosges du Sud (CCVS), à Saint-Germain-le-Châtelet. De nombreux parents d’élèves y assisteront, vêtus de noir, en signe de deuil symbolique des écoles. Jeudi 10 avril, une réunion de concertation rassemblera les maires des deux Auxelles ainsi que ceux de Giromagny et de Lepuix, aux côtés de représentants de l’Éducation nationale et de parents d’élèves. Une manifestation dans les rues de Belfort est également prévue pour le samedi 12 avril.
« Une attaque contre nos villages »
Du côté des habitants et parents mobilisés, l’émotion est vive. « C’est plus qu’une fermeture de classes : on nous supprime deux écoles entières », résume le collectif, dans un communiqué adressé à la presse. Les habitants dénoncent une « décision absurde et injuste », prise « sans concertation », et sans qu’aucune solution de remplacement n’ait été arrêtée à ce jour.
Au-delà de la seule question scolaire, c’est un mode de vie rural que les parents d’élèves estiment menacé. « Nos enfants grandissent dans un cadre naturel exceptionnel, entourés de faune et de flore. Ils apprennent la vraie vie, en lien avec leur environnement », écrivent-ils. Ils redoutent aussi les conséquences concrètes : des temps de trajet pouvant atteindre deux heures par jour, des classes surchargées dans les communes voisines, et une perte de repères pour les plus jeunes.
À Auxelles-Haut, la mairie se montre particulièrement investie. Selon L’Est Républicain, les élus ont même évoqué l’hypothèse d’une démission collective du conseil municipal, tant ils jugent la situation inacceptable. Une menace finalement suspendue, mais révélatrice des tensions locales.
Le mouvement pointe également du doigt le nouveau mode de calcul utilisé par l’Éducation nationale pour décider des ouvertures ou fermetures de classes. Un système jugé défavorable aux zones rurales, car il ne tiendrait pas suffisamment compte des réalités locales ni des dynamiques démographiques spécifiques.

Une pétition en ligne pour élargir la mobilisation
Dans leur appel, les habitants estiment que leur combat dépasse les frontières de leurs deux villages. « Aujourd’hui, ce sont les Auxelles. Demain, ce sera Lepuix, Chaux, Étueffont ou Rougegoutte », alertent-ils. Ce qui est déjà, en partie, le cas après des retraits de poste dans plusieurs établissements pour la rentrée 2025 (voir notre carte).
« L’objectif est clair : vider les écoles de village pour entasser les enfants dans des écoles-usines des grandes villes, sans se soucier du bien-être des élèves ni de la qualité de leur enseignement. Une logique purement financière, un mépris total des réalités humaines. » La pétition lancée en ligne par les habitants approche les 300 signatures.
« Mettre tout un système en place »
Contacté, Jean-Luc Anderhueber, président de la communauté de communes des Vosges du Sud (CCVS), dresse un constat : une baisse démographique « très marquée » sur le territoire. « Les Vosges du Sud sont particulièrement touchées et l’État cherche à faire des économies », reconnaît-il.
S’il admet que la décision relève de la Dasen, il en comprend la difficulté pour les habitants. « On sait que c’est très compliqué pour eux », concède-t-il. « Mais on veut faire des propositions », ajoute-t-il, en évoquant la réunion prévue avec les élus des deux Auxelles, de Giromagny et de Lepuix. Il s’inquiète des délais restreints avant la rentrée et souligne la nécessité de réfléchir dès maintenant au sein de la communauté de communs pour envisager des rapprochements et trouver des solutions liées aux transports scolaires et à l’organisation du périscolaire.
Son objectif : limiter au maximum les temps de trajet pour les jeunes écoliers. « Il faut avancer », insiste-t-il, déjà tourné vers les solutions à construire pour amortir les effets de cette fermeture.
À long terme, la stratégie reste d’agir sur le développement économique local pour attirer de nouvelles familles. « Nous avons besoin que des familles s’installent. Pour cela, il faut créer des conditions favorables », explique-t-il. Il cite notamment la création de zones d’activité, comme celle de Fontaine, mais aussi le développement de services que la CCVS met en place : plus de place dans les crèches, installation de centres de soins, installation de sages-femmes…
« Mais malgré tout cela, on se heurte à des réalités nationales : les gens font des enfants plus tard, en ont moins, et notre population vieillit, notamment à Giromagny », souligne-t-il. Des tendances qui rendent difficile le maintien d’effectifs suffisants dans les écoles rurales.
Concernant la fermeture des classes aux deux Auxelles, il conclut : « Ce n’est pas ma décision. L’État cherche de l’argent par tous les moyens. Mais face à la réalité des chiffres, que peut-on faire ? »