L’organisation, à Montbéliard, de l’Euro féminin de handball permet de questionner la pratique sportive féminine, l’égalité entre homme et femme dans cet univers ou appréhender la réalité de cette pratique, notamment économique. Décryptage avec Aurélie Bresson, une Luronne, qui a créé en 2015 le magazine Les Sportives.
Ce fut un événement ! Le dimanche 17 novembre, à 21 h, Canal + n’a pas diffusé un match de football de la Ligue 1 Conforama comme d’habitude… La chaîne cryptée a décidé de retransmettre le choc de D1 féminine, entre le Paris-Saint-Germain et l’Olympique lyonnais. Une première, surtout lorsque l’on sait que la diffusion du sport féminin ne représente que 7 % du volume global de retransmissions sportives (Source : étude Havas Sport entraînement / ESSEC, 2013). De son côté, la fédération française de rugby vient de faire un pas vers la professionnalisation des équipes féminines. Une autre victoire dans un univers où l’égalité entre le sport masculin et le sport féminin ressemble à une douce chimère.
Moins d'accès à la pratique sportive
L’organisation de l’Euro féminin de handball en France permet de remettre les projecteurs sur les disciplines féminines. En France et en Bourgogne-Franche-Comté, un handballeur sur trois est une femme. Ce taux n’est pourtant pas une constante. « Les femmes ont 2 fois moins accès que les hommes à la pratique sportive dans certains territoires, déplorait à ce sujet le ministère des Sports en 2016. Le taux de licenciées féminines dans certaines fédérations sportives très populaires est de seulement 4 %. Et seules 20 % des femmes qui font du sport le font dans un club. » En 2012, on comptabilisait 82,5 % de licences féminines à la fédération française d’équitation et 78,8 % à celle de gymnastique. Ce taux n’est que de 4 % pour la fédération française de ball-trap ou de 4,9 % pour la fédération française de rugby (Source : MDFVJS – MEOS). Les disparités sont donc énormes, comme en témoigne cette nouvelle donnée : entre 2009 et 2013, la représentation des femmes a augmenté de 9,8 % au sein des bureaux des fédérations sportives, mais elles ne représentent qu’une personne sur cinq. De nombreux plans de féminisation ont été lancées pour contrecarrer ces tendances. Aujourd’hui, pourtant, lorsque l’on suite l’arborescence de la politique de féminisation du site Web du ministère des Sports, on tombe sur un plan de 2014 et des chiffres de 2012… Tout un symbole !
Un magazine pour prendre conscience
Depuis trois ans, un projet éditorial autour du sport féminin questionne ces faits. Les bouscule. C’est le magazine trimestriel Les Sportives, dirigé et fondé par Aurélie Bresson, 30 ans, et originaire de Lure (Haute-Saône), disponible dans 1 500 points de vente en France. « J’avais la volonté de poser le mot sportive », confie-t-elle. Mais le mot “sportive” comme le nom commun de femmes faisant du sport. Et non pas comme un adjectif. « Aujourd’hui, poursuit Aurélie Bresson, lorsque vous écrivez le mot “sportive” dans un moteur de recherche, ce sont des bagnoles qui sortent ! » Il y a donc du chemin à parcourir. À travers son titre, elle cherche à encourager « une prise de conscience et une prise de confiance des sportives ». Elle propose des articles sur le sport, évidemment, mais pas seulement. C’est également des sportives s’exprimant sur des sujets de société, autour de l’éducation, de la santé ou de culture. « Quand j’ai créé le magazine, j’en avais un peu marre d’assister à des conférences où l’on se victimisait », souligne celle qui ne cherchait pas à construire un magazine féministe. D’une nature optimiste, elle a plutôt tendance à regarder le verre à moitié plein. Elle veut agir.
L’engouement du sport féminin
Que constate-t-elle aujourd’hui ? L’engouement féminin pour le sport. LEn 2014, selon la fédération professionnelle des entreprises du sport et des loisirs, le marché des articles de sport atteignait 10,1 milliards d’euros en France. « La femme (…) représente désormais 33 % des ventes et a contribué à hauteur de 45 % à la croissance du marché en 2015 ! » indiquait à ce sujet le cabinet d’études NPD en 2016. Mais il ne faut pas non plus se tromper de débat, insiste la directrice de publication. « Seulement 13 % des collectivités estiment avoir une politique autour du sport féminin », constate Aurélie Bresson. L’accès à ces infrastructures et le développement du sport loisirs chez les femmes sont pourtant primordiaux pour tendre vers plus d’égalité. « L’avenir du sport passe par ceux qui le pratique aujourd’hui au niveau loisirs, parce que l’on est tous passé par cette étape », analyse l’entrepreneur comtoise, aujourd’hui installée à Paris et opérant comme consultante auprès de fédérations sportives.
L’accueil d’une compétition comme l’Euro féminin de handball permet « d’amener ces questions au plus proche des territoires », se réjouit Aurélie Bresson. Il en sera de même au mois de juin avec le mondial de foot féminin. « C’est une année cruciale », acquiesce Aurélie Bresson. Il faut transformer l’essai.