Depuis la fin de semaine dernière, les esprits s’échauffent dans le Territoire de Belfort. Mariane Tanzi, directrice académique des services de l’éducation nationale (Dasen) dans le Territoire de Belfort, a lancé la période de concertation concernant les moyens des écoles. Plusieurs réunions ont été organisées selon le découpage des circonscriptions avec les maires du Territoire de Belfort lors de la semaine du 29 janvier. Le couac : quelques minutes avant la réunion avec les maires, certains ont reçu un mail qui évoquait une quarantaine de fermetures de classes possibles. Ce qui a échauffé les esprits, notamment lors de la réunion avec les maires du Grand Belfort. Certains ont pris la porte, tandis que d’autres ont préféré tenter d’écouter les arguments, sans avoir eu « l’impression d’être eux-mêmes écoutés », racontent les maires lors d’une mobilisation organisée le lundi 5 février à Foussemagne. Une mobilisation d’une quarantaine de maires et des deux parlementaires Les Républicains Ian Boucard et Cédric Perrin qui n’avaient jamais eu lieu avec une telle vigueur au sujet de l’éducation. « Nous ne voulons plus rester seuls dans notre coin, nous préférons nous unir pour avoir plus de poids », commente Pierre Fietier, maire de Fontaine.
« Ce n’était pas une concertation du tout », grognent les maires présents. Arnaud Miotte, maire de Foussemagne et Olivier Chrétien, maire de Reppe, dénoncent un manque de considération, alors qu’ils ont été prévenus par ce même mail d’une potentielle fermeture d’une classe au sein du regroupement pédagogique intercommunal (RPI) entre leurs deux communes. Tout comme le maire d’Offemont, qui regrette que sa commune puisse être visée par une fermeture de classe alors qu’ils ont ouvert à la rentrée 2023 une unité autisme (lire ici). Les communes d’Auxelles-Bas et d’Auxelles-Haut organisent même une manifestation le vendredi 9 février pour « sauver l’école ».
Des hypothèses
Le vendredi 2 février, déjà, Damien Meslot, maire de Belfort, s’insurgeait dans un communiqué de la fermeture de 13 classes à Belfort. Il évoquait une « suppression massive et encore jamais vue à Belfort » et se disait « fermement opposé à cette volonté de l’Etat ». Le chiffre paraît très important. Mais ce sont en fait 13 hypothèses de fermetures à Belfort, à comprendre dans la quarantaine d’hypothèses faites pour le Territoire de Belfort.
Aujourd’hui, le schéma d’études est lancé, confirme Mariane Tanzi, directrice académique des services de l’éducation nationale du Territoire de Belfort . « Nous sommes dans un temps de concertation qui s’ouvre jusque fin mars ». Ce sont en fait 14 postes qui seront supprimés. Avec un « large champ d’études » qui comprend environ 40 communes. « Fin septembre, nous évoquions une rentrée avec 180 élèves de moins. Ce sont en fait 336 élèves en moins que nous aurons à la rentrée. La baisse démographique est phénoménale », constate-t-elle.
Pour construire ces hypothèses, elle explique s’être fondée sur la sociologie des écoles, en tenant compte de la catégorie socio-professionnelle des parents. Selon les établissements, avec des élèves plus ou moins favorisées, elle a alors établi quatre repères, pour construire des classes allant de 18 élèves par classe pour le public le moins favorisé, à 21, à 23, puis à 25 par classe pour le public « le plus favorisé ». Lorsque le nombre d’élèves était inférieur à 15 par classe selon son calcul, une lettre était alors envoyée.
« Leur avenir dépend d’un tableau Excel »
Les arguments avancées par la directrice de la Dasen sont ceux qu’ont pu entendre les maires lors de la réunion de la semaine passée. Mais cela ne convainc pas. Lors de leur mobilisation, le 5 février, ils martèlent : « Nous nous refusons à croire que l’avenir des élèves dépend d’un tableau Excel ». Ils ont adressé un courrier au Premier ministre, Gabriel Attal, et à la ministre de l’Éducation nationale. « Les communes défendront les intérêts de nos enfants face à un fonctionnement mercantile et hypocrite. Les élus restent convaincus que l’Education nationale saura recouvrer la raison et se focaliser sur la mission qui lui incombe : construire la France de demain », écrivent-ils. Ils souhaitent saisir le rectorat si la finalité du projet de fermeture de classe est actée.
Dans les rangs, les maires déplorent le manque de considération et de consultation. « Le budget de l’école représente une part très importante du budget des communes. Devons-nous encore continuer à investir dans des écoles vides ? » Ils évoquent un Etat au « double langage », qui d’une part « nous encourage à investir dans l’Ecole, et d’autre part ferme des classes en dépit du recul du niveau scolaire. »
Une colère « entendue » par Mariane Tanzi, affirme-t-elle, expliquant que cette demande de suppressions de postes est une demande « nationale », qu’elle pourra adapter en fonction des besoins. Elle rappelle aussi qu’il y aura des ouvertures de postes. A ce jour, les courriers envoyés pour informer les maires ne sont pas des annonces officielles, martèle-t-elle. Une phase de dialogue ouverte jusqu’au 28 mars.
Elle se refuse, aussi, à dire que la période de concertation n’a pas lieu. « Ce serait penser que je n’exerce pas de manière éthique ». Elle affirme que des ajustements seront faits en cas « de besoin » et en fonction des particularités des écoles : classe Ulis, unité autisme, élèves en situation de handicap. Elle rappelle enfin que les inspecteurs sont les interlocuteurs privilégiés pendant cette période. « Aucune décision n’est prise pour le moment », expose-t-elle encore.
« La logique comptable ne doit pas s’appliquer à l’avenir de nos enfants »
Dès la mi-janvier, la rectrice académique, Nathalie Albert-Moretti, annonçait 155 suppressions de postes pour la rentrée 2024. Le 23 janvier, Florian Chauche, député de la 2nde circonscription du Territoire de Belfort, avait écrit à la ministre de l’Education nationale, Amélie Oudea-Castera à ce sujet. « La logique comptable ne peut pas, ne doit pas s’appliquer à l’avenir de nos enfants. […] Je déplore que l’on se repose sur des chiffres bruts, bien loin des réalités humaines, pour affirmer que la situation est convenable (concernant le taux d’encadrement, NDLR) », écrivait-il alors.
Pour lui, ces suppressions, qui vont s’accompagner d’une saturation de certaines classes, vont fragiliser le fonctionnement des établissements. Mais aussi, vont décourager « encore davantage celles et ceux qui auraient pu souhaiter entrer dans les métiers de l’enseignement et qui verront derrière cette décision des perspectives de mutations limitées et des conditions de travail dégradées ». Il demande à la ministre de réexaminer les dotations en nombre de postes d’enseignants pour la Franche-Comté.