1992. Bull ferme ses portes àBelfort. 2006, c’est l’usine Kodak qui clôt les siennes définitivement à Chalon-sur-Saône (Saône-et-Loire). Pour ces deux territoires industriels, la décision est lourde de conséquences. « Face à un choc industriel, on observe une réaction extrêmement rapide des pouvoirs publics », analyse Sébastien Martin, président du Grand Chalon et président d’Intercommunalités de France ; il était en visite au Techn’Hom à Belfort, le 14 mai, pour parler réindustrialisation. « Tout de suite, les pouvoirs publics ont pris la main, pour ne pas avoir de friches et avoir la main sur le foncier », ajoute-t-il. C’est le premier point commun qu’il observe entre Belfort et Chalon-sur-Saône, en termes industriels.
L’autre similitude, « c’est le consensus politique ». « Il y a eu une alternance à Belfort (en 2014, NDLR) et à Chalon (en 2014, NDLR), mais la nécessité d’investir massivement est un sujet qui fait consensus », souligne Sébastien Martin. D’observer : « Les industriels ne vont pas dans les territoires où les gens ne s’entendent pas. » Ces dernières années, ce consensus politique a pu s’observer localement sur le dossier hydrogène entre un Grand Belfort dirigé par Damien Meslot du parti Les Républicains, et un conseil régional Bourgogne-Franche-Comté aux mains de la socialiste Marie-Guite Dufay.
La cité chalonaise est actuellement portée par la filière nucléaire. Framatome recrute et investit massivement pour répondre à la prolongation du parc nucléaire actuel et à la construction de six nouveaux EPR. Belfort enregistre, ces dernières années, une dynamique d’implantation autour de la filière en cours de maturation qu’est l’hydrogène, avec notamment l’arrivée de McPhy ou d’Inocel.
« L’université est trop lente »
Sébastien Martin est convaincu que l’industrie de demain s’installera dans « les territoires intermédiaires ». Tout en replaçant l’enjeu du dossier : « Pour passer de 10 à 15 % la part de l’industrie dans le PIB, il faut créer 1,3 million d’emplois dans l’industrie d’ici 10 ans, c’est-à-dire passer de 3,2 à 4,5 millions d’emplois dans le secteur. » Le défi est grand, tout en sachant que le pays enregistre un vieillissement de sa population et une chute de sa démographie. Et que les territoires intermédiaires, comme Belfort, perdent des habitants.
C’est ici qu’intervient l’ADN industriel des territoires. « La réindustrialisation se refera dans les territoires industriels », estime le président de droite du Grand Chalon. Pour cela, ils doivent redevenir attractifs et conserver leur jeunesse. Et l’université, qui a suivi le mouvement de tertiairisation de la société vers les métropoles, qui a accueille les fonctions supérieures du tertiaire, a un rôle à jouer interpelle Sébastien Martin. « Il y a besoin d’un mouvement de fond de l’enseignement supérieur, qui a un rôle majeur, mais qui est trop lente », alerte l’élu. « Et au niveau national, on ne l’a pas encore pris en considération dans la politique de réindustrialisation, regrette-t-il, avant de sourire : Pourtant, on fait de la pédagogie avec Intercommunalités de France. » Il faut « investir » dans l’enseignement supérieur martèle-t-il. Et installer des filières dans ces villes intermédiaires. « On peut s’appuyer sur des outils comme le Cnam », évoque l’élu, indiquant la création de licence à Chalon depuis 2017 et de titres d’ingénieurs.
La création d’emplois, l’enseignement supérieur et les services rendus aux familles sont les trois clés, liste Sébastien Martin, pour redonner de l’attractivité aux territoires et limiter la baisse démographique. Il invite aussi à remettre l’industrie au cœur des villes, en organisant des manifestations de sensibilisation, qui présentent les métiers, les formations et les savoir-faire ; il cite ainsi Viva Factory, organisé au cœur de Chalon, place de Beaune. « Il n’y aura pas de réindustrialisation sans investissement massifs des pouvoirs publics, rappelle, encore et encore, Sébastien Martin, soulignant le caractère déloyal de l’économie mondialisée. Les Chinois n’ont qu’un objectif : nous écraser et pousser avant tout leur industrie. » De compléter : « Il faut investir pour être compétitif. »
« C’est très chevènementiste [ce que je dis] », sourit le président du Grand Chalon, à la fin de l’entretien, avant de rassurer sur son électorat : « Je suis d’une droite pragmatique. » De conclure : « Nous avons besoin d’un État puissant, d’une Europe puissante et des collectivités. »