Constitutionnaliser le droit à l’avortement. Tel était le débat à l’Assemblée ce jeudi, une journée qui restera marquante pour La France Insoumise (LFI), qui a mené ce projet avec comme chef de file Mathilde Panot, présidente du groupe. Au terme de cette journée, les députés ont adopté par 337 voix contre 32 la proposition de loi portée par la gauche et soutenue par la majorité présidentielle, visant à inscrire le droit à l’avortement dans la Constitution.
Dans le nord Franche-Comté, les cinq députés, de quatre bords politiques différents (La France Insoumise, La République en Marche, Les Républicains, et le Rassemblement National) ont tous voté. Dans le lot, ils sont trois à avoir votés pour. Florian Chauche le premier, député LFI de la 2nd circonscription du Territoire de Belfort, qui a encouragé fièrement le projet de loi de sa consoeur Mathilde Panot (présidente du groupe LFI à l’Assemblée Nationale).
De la majorité présidentielle, Nicolas Pacquot, député de la 3e circonscription du Doubs a lui aussi voté en faveur de la constitutionnalisation. Expliquant avoir regretté « de nombreuses tentatives d’obstruction de la part des Républicains et du Rassemblement national.»
Tout comme Ian Boucard, du groupe Les Républicains et député dans la 1re circonscription du Territoire de Belfort. « Dans un contexte international où de nombreuses femmes luttent pour leurs droits,parfois au péril de leur vie, la France réaffirme ainsi le droit des femmes à disposer de leur corps. Je suis donc très satisfait de l’adoption de ce texte et je souhaite à cet instant rappeler les mots de Simone Veil en 1974 : « Aucune femme ne recourt de gaieté de cœur à l’avortement (…). C’est toujours un drame et cela restera toujours un drame.» », détaille-t-il dans un communiqué de presse.
Contrairement à la majorité présidentielle, les élus de droite étaient un peu plus divisés sur le sujet : ils étaient 8 à être contre. Et deux d’entre eux se sont abstenus. « Sur les votes comme celui-ci, chacun s’exprime en fonction de ses convictions », a-t-il commenté par téléphone.
Les élus RN contre la constitutionnalisation
Emeric Salmon, député de la 2e circonscription de Haute-Saône est l’un des deux députés du Rassemblement National dans le nord Franche-Comté a avoir voté contre l’inscription du droit à l’avortement dans la Constitution. Par téléphone, le député de la 2e circonscription de Haute-Saône commente : « Ce n’est pas un sujet. Personne en France ne remet en cause le droit à l’avortement.» Pour le député, la volonté de constitutionnaliser le droit à l’avortement naît des craintes face à la Cour suprême en Amérique, ou encore aux décisions prises en Hongrie. Mais « en France, aucun mouvement politique ne menace ce droit.» Selon son analyse, « si les femmes ont des difficultés à avorter actuellement, c’est à cause du système médical et des politiques ultra-libérales d’Emmanuel Macron.»
La seconde députée à avoir votée contre est Géraldine Grangier, député de la 4e circonscription du Doubs. Son vote a fait réagir le groupe Indépendants et Solidaires, de Pays de Montbéliard Agglomération qui lui reproche ce vote. « L’ancienne assistante sociale – comme elle se complait à se présenter – est bien obligée d’avouer les limites de son engagement au service des femmes et des familles », ont-ils écrit dans un communiqué partagé ce vendredi soir. Martial Bourquin, maire PS d’Audincourt, a aussi publié un communiqué ce vendredi matin en affirmant : « Ne nous y trompons pas : la députée RN de la 4e circonscription du Doubs a bien les réflexes et l’idéologie qui caractérise l’extrême droite.» Il s’interroge sur ce vote, rappelant une nouvelle fois son ancien métier d’assistante sociale. « Oublie-t-elle qu’une femme meurt toutes les 9 minutes, dans le monde, à cause d’un avortement clandestin ? »
Contactée à ce sujet par téléphone, Géraldine Grangier est très remontée contre ceux qui remettent en cause son vote. « On ne remet pas en cause le vote d’un parlementaire.» Quant à la raison du contre, elle tient le même discours qu’Emeric Salmon. Non, elle n’est pas contre l’avortement. « Je suis une femme et j’ai quatre filles qui auront peut-être besoin d’y recourir. En aucun cas, je ne suis contre. Il n’y a pas de zone d’ombre là-dessus.» Elle revient sur sa fonction d’assistante sociale, qui l’a amené à accompagner « des dizaines de femmes » dans ce cadre. Si elle a voté contre, c’est parce qu’en France, le droit à l’avortement n’est pas menacé. Mais aussi parce que « la constitutionnalisation ne protège pas assez bien la loi Veil. Si cela avait été le cas, j’aurais voté pour », explique-t-elle. Elle estime que le débat a été pressé et qu’il n’a pas été assez travaillé;
Selon elle, ce débat n’avait pas sa place à l’Assemblée pour le moment. « Les Français n’en ont rien à faire de la constitutionnalisation du droit à l’avortement », s’énerve-t-elle, estimant que ce débat a empêché d’autres débats plus importants tels que le pouvoir d’achat. Aussi, un débat comme celui-là, « devrait être réglé selon un référendum ». « La Nupes a tendu un piège en cherchant à diviser la population », conclut-elle, très remontée contre ceux qui cherchent à « créer des amalgames.» Elle, et Emeric Salmon, font partie des 23 députés RN sur 89 qui ont voté contre.
Le texte doit maintenant passer au Sénat
Lors de cette journée qui visait à inscrire le droit à l’avortement dans la Constitution, la droite et l’extrême-droite ont déposé des centaines d’amendements. Il a quand même fini par être adopté à la mi-journée 337 voix contre 32. Le texte a été modifié, co-écrit par la gauche et les députés de la majorité. Il propose finalement la phrase suivante à insérer à l’article 66 de la Constitution : « La loi garantit l’effectivité et l’égal accès au droit à l’interruption volontaire de grossesse.» Un texte de compromis, qui devra encore être validé par le Sénat. Pour rappel, toute proposition de loi constitutionnelle doit avoir été votée dans les mêmes termes par les deux assemblées.
Mathilde Panot, députée de la 10ᵉ circonscription du Val-de-Marne depuis juin 2017, et depuis 2021, présidente du groupe LFI à l’Assemblée nationale. a plaidé lors de cette journée pour la constitutionnalisation du droit à l’avortement pour se prémunir d’une régression comme en existe aux Etats-Unis par exemple. Elle a dédié le vote aux « Américaines, Polonaises et Hongroises », dont les droits sont « entravés ».