À Montbéliard, les épiceries de nuit sont devenues un sujet de crispation majeur, au point de provoquer une double réaction. En début de semaine, le commissariat et le parquet de Montbéliard ont mené une série de contrôles dans le pays de Montbéliard et notamment plusieurs établissements de l’hypercentre. Dans le même temps, la maire Marie-Noëlle Biguinet (LR) a pris une décision radicale : interdire l’ouverture de nouvelles épiceries de nuit dans la ville via la signature d’un arrêté.
« Depuis plusieurs mois, voire années, on observe une prolifération de ces établissements qui créent de vraies nuisances », explique Marie-Noëlle Biguinet, lors d’un point presse le jeudi 25 septembre. Nuisances sonores, stationnements anarchiques, attroupements nocturnes : les plaintes d’habitants s’accumulent dans les boîtes aux lettres de la mairie. « Les gens écrivent, téléphonent, s’en plaignent dans les réunions de quartier. Certains finissent même par déménager », affirme l’édile.
Au-delà du bruit, la maire évoque des problèmes de salubrité et de santé publique. Elle cite notamment une intervention des services vétérinaires dans une épicerie, confrontée à une prolifération de rats. À cela s’ajoutent les produits illicites régulièrement retrouvés : tabac de contrebande, bouteilles de protoxyde d’azote, cigarettes électroniques jetables.
Son arrêté interdit donc l’ouverture de nouveaux établissements de ce type, ainsi que le transfert d’une épicerie existante vers un autre local ou encore le transfert de gérance. L’objectif est de freiner leur multiplication. L’arrêté sera transmis aux commerçants, aux propriétaires de locaux vacants, aux bailleurs privés et publics, ainsi qu’aux notaires, afin que nul ne puisse ignorer la décision municipale.
Un cadre juridique encore incertain
La maire sait toutefois que sa décision pourrait être contestée car l’arrêté pourrait être considéré comme une entrave à la liberté d’entreprendre, une valeur constitutionnelle en France. « Ma mission est d’assurer la tranquillité et la salubrité publique. Si la loi ne me permet pas de le faire, alors il faut la changer », plaide-t-elle. L’arrêté doit maintenant passer le contrôle de légalité de l’État, qui dispose de deux mois pour se prononcer.
En attendant, la ville compte aujourd’hui six épiceries de nuit, concentrées dans l’hypercentre. Certaines ont déjà fait l’objet de fermetures temporaires, parfois répétées. Mais la maire estime que le système permet de contourner les sanctions en changeant simplement de gérant.
De son côté, le commissariat a multiplié les vérifications dans les commerces du pays de Montbéliard de lundi au mercredi, cette semaine, aux côtés des agents de l’Urssaf, ou encore des impôts. Cinq établissements de type épiceries de nuit ont fait l’objet de contrôle. « Il y a un constat partagé par tous : ces établissements ne respectent pas la réglementation, notamment sur les horaires d’ouverture », affirme le commissaire Paul Mangin, chef de la circonscription Montbéliard-Héricourt.
Il décrit un fonctionnement qui dépasse largement le cadre légal : « Dès 22 heures, certains organisent un véritable drive piéton, avec des stationnements anarchiques et des nuisances qui durent parfois jusqu’à 4 heures du matin. »
Stratégie de « harcèlement »
Le bilan des trois jours de contrôle est important. Dans une épicerie, 71 bouteilles de protoxyde d’azote ont été saisies, soit 45 kilos. Leur usage détourné, qui provoque des effets euphorisants puissants, est interdit à la vente aux mineurs et s’apparente de plus en plus à un substitut au trafic de stupéfiants. La police a également découvert 80 « puffs », cigarettes électroniques jetables interdites, représentant une valeur marchande estimée à 1 200 euros.
Pour répondre à ces infractions répétées, le commissaire annonce une stratégie ferme : « Nous allons mener une politique de harcèlement de contrôle pour contraindre les gérants à respecter la loi. Les habitants n’en peuvent plus. » Une politique lancée depuis près d’un an maintenant, poursuit-il.
Si l’arrêté municipal et l’opération de police ne relèvent pas d’une action concertée, ils traduisent la même volonté : reprendre la main face à des établissements jugés trop souvent hors-la-loi, affirment les différents acteurs. Reste à savoir si l’arrêté de la municipalité sera retoqué ou non.