(AFP)
À l’issue d’un vote, les commissions des Affaires économiques de l’Assemblée nationale et du Sénat “ont émis un avis favorable à la nomination de M. Luc Rémont aux fonctions de PDG d’EDF”, a annoncé l’Assemblée nationale dans un communiqué. Il a recueilli 32 avis favorables sur 61 exprimés à l’Assemblée nationale, et 26 votes favorables sur 45 exprimés côté Sénat. Pour être validée, la candidature de M. Rémont, proposée par l’Elysée, ne devait pas recueillir l’opposition de plus de 3/5e des membres des deux commissions réunis.
Passage obligé du processus de nomination, l’actuel responsable des opérations internationales de Schneider Electric, 53 ans, s’est plié au jeu des questions-réponses lors d’une longue audition de quatre heures, parfois électrique devant les députés, précédée d’un entretien plus cordial devant les sénateurs. Pour planter le décor tendu, la rapporteure LR à l’Assemblée Anne-Laure Blin avait d’emblée émis un avis défavorable à sa nomination.
Monsieur Rémont doit succéder à Jean-Bernard Lévy qui était aux manettes d’EDF depuis 2014. Le départ anticipé de celui-ci a été annoncé cet été en même temps que la renationalisation d’EDF. Une fois sa nomination formellement annoncée par décret, M. Rémont aura devant lui des chantiers titanesques. Le contexte est “critique à court terme”, a reconnu devant les sénateurs Luc Rémont. “Dans ce contexte de crise énergétique, EDF traverse elle-même une crise sérieuse, d’ordre technique et industrielle, qui accentue la tension sur l’offre d’énergie”, a-t-il constaté. L’urgence est connue : la moitié du parc nucléaire français est indisponible en raison de maintenances programmées ou de problèmes de corrosion. Tout l’enjeu sera de faire redémarrer suffisamment de réacteurs pour faire face aux pics de consommation dans l’hiver.
“Dès les premières heures de (s)on mandat”, M. Rémont prévoit de se consacrer “totalement” à “tenir les engagements de l’entreprise pour la reprise de la production des réacteurs à l’arrêt”, a-t-il assuré devant les sénateurs. “Mon objectif est de tenir la demande exprimée par RTE (le gestionnaire du réseau de transport d’électricité) d’une production nucléaire comprise entre 38 et 40 GW au 1er décembre” et “entre 45 et 50 GW au 1er janvier”, a-t-il détaillé dans des réponses écrites aux parlementaires dont l’AFP a eu connaissance.
Dette colossale
Au-delà de l’hiver, le futur homme fort d’EDF a présenté ses priorités à moyen et long terme, citant la relance d’un programme nucléaire voulu par le gouvernement (6 nouveaux réacteurs, et des petits réacteurs de type SMR), l’investissement hydroélectrique, “un rôle de premier plan dans les renouvelables” et “le développement et l’adaptation des réseaux à une électricité plus décentralisée”, notamment à travers l’autoconsommation, selon ses réponses écrites.
La situation financière d’EDF, dont la dette pourrait atteindre 60 milliards d’euros à la fin de l’année, demande, elle, de la “vigilance à court terme pour ne pas devoir réduire les investissements et compromettre l’avenir”, a-t-il jugé. Si cette situation “devrait s’améliorer” avec le redémarrage de réacteurs, M. Rémont a jugé nécessaire une “visibilité à long terme” sur les mesures réglementaires destinées à limiter la hausse du prix de l’électricité pour les clients dont EDF supporte la majorité des coûts. En cause selon lui, l’accès régulé à l’électricité nucléaire historique (Arenh), qui “induit une sous-rémunération” de l’activité nucléaire d’EDF. Il a demandé aussi une réforme “profonde” des règles du marché européen, en jugeant “indispensable” le découplage des prix du gaz et de l’électricité.
À l’heure des questions, le candidat a été passé au grill sur son rôle joué dans la vente controversée en 2014 de la branche énergie Alstom à General Electric lorsqu’il conseillait Alstom comme banquier à Bank of America Merrill Lynch, une “forfaiture contre l’intérêt national”, a lancé le député Matthias Tavel du groupe Nupes-LFI qui a annoncé voter contre, tout comme le RN. C’était “la seule solution possible pour assurer l’avenir de ces activités”, selon M. Rémont. Autre sujet de friction, la crainte d’un démantèlement avec une séparation entre l’activité historique nucléaire et les renouvelables. Il y aura “une production diversifiée et non dans le tout nucléaire”, a-t-il répondu.
Le gouvernement espère une prise de fonctions de "mi-novembre"
Le gouvernement souhaite avancer la prise de fonctions du nouveau PDG d’EDF Luc Rémont à la “mi-novembre”, a indiqué jeudi le ministre de l’Économie Bruno Le Maire sur BFM Business. Pour remplacer l’actuel PDG Jean-Bernard Lévy, aux manettes d’EDF depuis 2014, “nous avons un nouveau dirigeant, Luc Rémont, qui est la bonne personne au bon moment et nous allons faire en sorte qu’il puisse prendre ses fonctions le plus rapidement possible”, a déclaré M. Le Maire. “C’était prévu fin novembre (…) nous, nous souhaitons qu’il puisse entrer en fonction mi-novembre, pour accélérer le processus”, a-t-il ajouté, alors que l’État a lancé début octobre le processus de renationalisation d’EDF. Actuellement responsable des opérations internationales chez Schneider Electric, Luc Rémont a vu sa candidature validée mercredi par les commissions des Affaires économiques du Sénat et de l’Assemblée nationale. En pleine crise énergétique, sa feuille de route s’annonce d’ores et déjà chargée. La moitié du parc nucléaire français est indisponible en raison de maintenances programmées ou de problèmes de corrosion. Tout l’enjeu pour le nouveau PDG sera de faire redémarrer suffisamment de réacteurs pour faire face aux pics de consommation cet hiver. À plus long terme, Luc Rémont devra mettre sur les rails la construction de six nouveaux réacteurs nucléaires, conformément aux ambitions du gouvernement. Mise à contribution pour amortir la flambée des prix de l’énergie, EDF connaît une situation financière difficile et a une nouvelle fois dégradé jeudi ses prévisions pour 2022. Au premier semestre, le groupe avait déjà enregistré une perte nette de 5,3 milliards d’euros.