En pleine crise énergétique et sous la pression de l’urgence climatique, ce texte a pour objectif de faire rattraper à la France son grand retard en la matière. Le vote a été acquis par 300 voix “pour” et 13 voix “contre” (10 sénateurs LR – dont le président du groupe Bruno Retailleau – et trois centristes). Le projet de loi entend répondre à l’objectif fixé par le président Emmanuel Macron pour 2050 de multiplier par dix la capacité de production d’énergie solaire pour dépasser les 100 GW et de déployer 50 parcs éoliens en mer pour atteindre 40 GW.
“L’enjeu de ce texte est de lever tous les verrous qui retardent le déploiement des projets, ni plus ni moins”, a déclaré la ministre de la Transition énergétique, qui a bataillé ferme pour se ménager des appuis dans les oppositions à droite comme à gauche. Avec des résultats parfois surprenants : le texte qui a fait l’objet d’un compromis entre députés et sénateurs a été voté par la grande majorité des sénateurs LR, alors que les députés du même parti avaient, eux, voté contre.
Dans les deux chambres, comme en commission mixte paritaire, les négociations les plus âpres ont notamment porté sur la planification des zones d’accélération du déploiement des énergies renouvelables, avec l’aval des communes, et sur les possibles zones d’exclusion.
Les élus locaux “proposent et ont le dernier mot sur le zonage”, a souligné Agnès Pannier-Runacher. Et les zones d’exclusion ne seront possibles que pour des territoires qui valident des zones d’accélération, a-t-elle rappelé. Mais l’écologiste Ronan Dantec dit craindre un dispositif “bloquant et ralentissant”. Son groupe, comme le groupe CRCE à majorité communiste, s’est abstenu.
"Usine à gaz"
Le Syndicat des énergies renouvelables (SER) a indiqué qu’il “attendait de l’État une très forte mobilisation des services”. Engie s’est pour sa part félicité que le texte “prévoie notamment des délais d’instruction et de développement raccourcis dans les zones d’accélération dédiées”.
En revanche, des ONG et des acteurs du secteur des renouvelables critiquent une “usine à gaz”. “Si le texte est plutôt satisfaisant sur l’éolien en mer, il reste trop tardif et limité sur le solaire, et surtout très insuffisant sur l’éolien terrestre”, estime Greenpeace France, tandis que le WWF appelle les maires, “au coeur du dispositif”, à se mobiliser “pour donner un véritable coup d’accélérateur”.
Autre sujet sensible, l’encadrement de l’agrivoltaïsme, combinant agriculture et production d’énergie. “Avec cette loi, l’agrivoltaïsme devient une filière à part entière de l’énergie solaire”, a salué France Agrivoltaïsme qui estime qu’il pourrait représenter “près de 60% des volumes de panneaux photovoltaïques déployés d’ici 2050”. Fin 2022, la France affichait environ 66 GW de capacités électriques renouvelables totales réparties entre 40 % pour l’hydraulique (barrages), 31 % pour l’éolien terrestre et 24 % pour le photovoltaïque. Et le pays ne devrait pas atteindre les objectifs qu’il s’était fixés pour le déploiement des énergies renouvelables électriques sur la période 2019-2023, selon une étude publiée fin janvier.
Pour l’éolien terrestre, l’objectif officiel de 24,1 GW de capacités installées établi pour fin 2023 “ne sera pas atteint”, le pays parvenant à peine à 20 GW à fin septembre 2022, note le baromètre annuel Observ’ER.
Du côté du photovoltaïque, malgré un rythme de croissance accru depuis 2021 et un “relèvement partiellement confirmé en 2022 (…), le secteur n’est toujours pas dans la bonne trajectoire”, ajoute l’observatoire qui se base, entre autres, sur les données d’Enedis et d’EDF. Ce texte n’est que le premier volet d’un triptyque sur l’énergie.
Au printemps, l’exécutif compte défendre à l’Assemblée nationale le projet de loi favorisant la construction de nouveaux réacteurs nucléaires, voté aisément en première lecture au Sénat le 24 janvier. Puis le Parlement se prononcera, au mieux cet été, sur le futur énergétique de la France, avec la loi de programmation pluriannuelle, fixant la part de chaque énergie, dont le nucléaire.