Voici quelques mois, c’était le 27 août 2018, un élu terrifortain répondait à un responsable syndical qui l’alertait sur les difficultés rencontrées par les entreprises sous-traitantes du secteur de l’énergie dans le nord Franche-Comté. Il lui disait qu’il était prématuré de le rencontrer sur ce dossier (retrouvez l’ensemble de nos contenus dans notre dossier sur General Electric).
Cette semaine, c’est tout l’inverse. Sénateur, députés, président du conseil départemental du Territoire de Belfort, maire de Belfort ont signé une lettre adressée au président de la République, se rassemblant sous leur bannière d’élus LR et UDI. La présidente de la Région, prise de vitesse alors qu’elle rencontrait mercredi à huis clos les sous-traitants de GE à la CCI du Territoire de Belfort, publiait jeudi soir un communiqué appelant au combat commun, à l’union sacrée. Le même jour, le sénateur Cédric Perrin interpellait le ministre de l’Économie sur le dossier GE lors des questions au gouvernement du Sénat.
Et le candidat local aux européennes, Christophe Grudler, diffusait lui aussi un communiqué appelant à l’union sacrée, tout en égratignant son ennemi de toujours, Damien Meslot.
Retour en 2015
On assiste donc à un soudain réveil de la classe politique sur un dossier qui avait pourtant fait l’unanimité en son temps : qui s’était élevé en 2015 contre le rachat de la branche énergie d’Alstom par GE ? Aucun d’entre eux !
Chacun saluait la sauvegarde d’un pan entier de l’activité industrielle à Belfort et affirmait son entière confiance au consortium américain qui promettait la création de 1 000 emplois. Chacun jurait, la main sur le cœur, que des garanties avaient été prises, et notamment une amende en cas de promesse non tenue. Sans se poser la question de ce qu’elle représentait à l’échelle d’un géant américain et de son réel effet dissuasif.
Les chefs d’État ont changé de part et d’autre de l’Atlantique, la gouvernance de GE aussi. De plus, « les promesses n’engagent que ceux qui les écoutent ». On le sait depuis la IIIe République et Henri Queuille, une trentaine de fois ministre, qui avait prononcé cette sentence et qui savait de quoi il parlait.
Les élus ont donc cru aux promesses. Ils ont déchanté. Et d’abord se sont tus. Et les voilà qui s’expriment, s’échauffent, en appellent à la mobilisation, faisant ainsi volontairement appel à un vocabulaire guerrier. Qui est l’ennemi ? Il n’est pas désigné. Mais comment sauver le soldat sous-traitance ? Comment sauver les petits soldats que sont les salariés ? Comment sauver les aides de camp que sont les commerces environnants ? Bref, comment sauvegarder le tissu économique du nord Franche-Comté ?
S’unir, au-delà des mots
Le facteur déclencheur de ce soudain réveil, lui, est clair : la campagne des Européennes démarre. Il y a fort à parier que GE, et plus particulièrement le site de Belfort, va soudain venir au cœur de la campagne en France. Pour les opposants au président de la République, il sera facile de rappeler qu’il était ministre de l’Économie lors de la signature du rachat d’Alstom par GE. Pour ses soutiens, il sera facile de dire qu’il faut une Europe forte pour résister à l’empire américain et construire de grands projets à l’échelle du vieux continent. Il y a fort à parier, aussi, que vont venir à Belfort des têtes de listes aux Européennes, pour affirmer et promettre qu’ils défendront à Bruxelles ou à Strasbourg l’emploi dans le nord Franche-Comté.
Reste que des idées, venues des syndicats comme des industriels locaux, ont émergé ces derniers mois : l’aéronautique, la maintenance nucléaire, l’hydrogène. Le nord Franche-Comté est candidat au label Territoire d’innovations et aux subsides qui y sont liés. La diversification, arlésienne du nord Franche-Comté depuis des décennies, va-t-elle enfin devenir réalité ? Espérons-le. Mais parions quelle ne viendra pas des promesses de campagne, mais bel et bien des acteurs économiques locaux. De Belfort, du Territoire de Belfort, mais aussi de l’ensemble du nord Franche-Comté qui a tout intérêt à prendre conscience de sa force et de son intérêt à s’unir.