Loéva Claverie
Colère à Montbéliard. À peine revenus de leur réunion du mercredi 9 juillet avec Yannick Neuder, ministre de la Santé, au sujet du maintien du pôle de cancérologie au Mittan, les élus du pays de Montbéliard ont décidé d’organiser dans la foulée une conférence de presse. En ce matin du jeudi 10 juillet, dans une petite salle du siège de Pays de Montbéliard Agglomération, les visages sont graves. Les élus n’en reviennent toujours pas de ce qu’ils ont découvert lors de leur réunion ministérielle.
« On s’est rendu compte hier [mercredi, NDLR] qu’il n’y avait qu’un projet qui avait été présenté au ministre : c’était le projet de Trévenans. Quand j’ai parlé du projet du Mittan, le ministre m’a dit : « De quel projet vous parlez ? » On était tous sidérés », dévoile, au bout de quelques minutes, Marie-Noëlle Biguinet, maire Les Républicains de Montbéliard.
À ses côtés, Charles Demouge, président de PMA, et Martial Bourquin, maire socialiste d’Audincourt, affichent la même mine sombre. « C’est choquant à un point qu’on ne s’en remet pas », complète le dernier nommé.
Plusieurs années d’opposition
L’opposition des élus au transfert du pôle d’oncologie de l’hôpital du Mittan au site médian de Trévenans de l’hôpital Nord-Franche-Comté (HNFC) ne date pas d’hier. Leurs arguments contre ce projet sont toujours les mêmes (lire ici) depuis qu’ils ont pris connaissance du projet, à la fin de l’année 2022 ; le projet avait pourtant été présenté dès 2021, en conseil de surveillance de l’HNFC, où siègent notamment des élus du pays de Montbéliard et du Territoire de Belfort. Mais les ministres ont changé depuis et les discussions doivent reprendre à chaque fois.
À la sortie de leur réunion avec le ministre de la Santé François Braun, en mai 2023, les trois élus annonçaient aux côtés d’autres, que le projet de transfert était « stoppé », pour pouvoir étudier tous les éléments et « donner la parole à tout le monde » (lire notre article).
Entre-temps, l’institut régional du Cancer a mené deux études pour évaluer chacun des projets, entre le transfert du pôle d’oncologie à Trévenans ou le maintien, à la place, du pôle sur le site du Mittan et sa rénovation. Bilan : « La sécurité des malades est assurée sur les deux sites, mais le choix du prochain placement oncologique dépendra d’autres décisions. Politiques et au niveau des ministères », rapporte Martial Bourquin.
Une procédure « biaisée »
Or, c’est l’étude concernant le site du Mittan qui n’aurait pas été transférée au ministre, indiquent les élus. « Tout a été biaisé dans cette histoire, depuis le début », dénoncent les trois élus. Pour eux, le responsable est Pascal Mathis, directeur de l’HNFC, « qui a placé quasiment seul ce déménagement dans le Ségur, sans projet médical ». Avec l’arrêt du projet en 2023, « il s’aperçoit qu’il faut faire un projet médical ». « Puis, quand il sait que les Belfortains sont allés là-bas [les élus belfortains, dont Damien Meslot, ont rencontré le ministre le 24 juin, NDLR], il donne le projet belfortain sans donner le projet de Mittan. C’est incroyable. »
Devant le choc et la sidération ressentis, les élus ne prennent plus de pincettes à l’égard de Pascal Mathis. « Pour un directeur, c’est important de faire un projet comme ça. On veut donner son nom à un projet. Il ne faut pas se raconter d’histoire. C’est la volonté d’un homme qui a été suivie malheureusement par des autorités. […] Il porte une responsabilité écrasante dans la division de l’ensemble des milieux médicaux. »
Les élus pointent également du doigt le rôle « pas clair du tout » de l’ARS, « qui n’a présenté au niveau du ministère que le site de Trévenans pour accueillir la cancérologie ». Selon eux, Pascal Mathis « a obtenu le soutien de l’ARS ».
Sollicité, l’hôpital Nord-Franche-Comté n’a pas souhaité répondre au Trois. Quant à l’ARS, elle n’avait pas encore répondu à nos sollicitations quand nous mettions en ligne.
Une autre étude pour le Mittan
Parmi leurs nombreux arguments pour défendre le projet du Mittan (lire notre article), les trois élus insistent sur le niveau « d’excellence » du Mittan en termes de traitement du cancer et sur les coûts bien moins élevés de son développement par rapport à son déménagement. « Un projet comme celui-ci ne s’arrêtera pas à 20 ou 30 millions d’euros. À la fin, ce sera 60 voire 70 millions. »
Sceptiques sur l’étude qui a été donnée au ministre sur Trévenans, qu’ils pensent avoir été « commanditée et qu’il y avait déjà le résultat », Charles Demouge, Marie-Noëlle Biguinet et Martial Bourquin ont annoncé vouloir demander une étude pour le développement du Mittan. Ils rapportent que le ministre Yannick Neuder a demandé, quant à lui, « une autre étude » et a annoncé « attendre un certain temps » pour prendre sa décision, « l’année prochaine ». « Le Mittan sera conforté, on y croit profondément », concluent-ils.
Début janvier, lors de ses vœux, Pascal Mathis a bien fait comprendre que le projet était sur les rails. Le projet architectural était à engager. Le projet technique doit être finalisé en 2025, pour recruter ensuite le cabinet de maitrise d’œuvre.
Damien Meslot favorable au déménagement
« Ce projet de déménagement du pôle oncologie est issu d’une décision unanime de la commission médicale d’établissement, regroupant les médecins de l’établissement. À la demande de Montbéliard, une commission indépendante a été nommée pour enquêter sur le dossier. Ils ont abouti à la conclusion qu’il fallait transférer le pôle pour la sécurité des patients. La distance entre les deux hôpitaux est une perte de chance pour transporter les patients du Mittan à Trévenans s’il y a un souci. Les propres soignants du site se sentent en insécurité le soir et les week-ends. Je suis favorable au déménagement comme beaucoup d’élus, parce que c’est la meilleure décision selon les médecins. Ils sont les plus compétents pour juger. Il y a eu également un avis unanime du conseil de surveillance. Je ne veux pas polémiquer. Au final, c’est le ministre qui tranchera. »