Un vent de confiance souffle sur le RN en Bourgogne-Franche-Comté. Mais la présidente sortante espère renouveler le scénario de 2015 en ralliant les listes de gauche au second tour.
(AFP – Loïc Vennin à Dijon et Angela Schnaebelé à Besançon)
Un vent de confiance souffle sur le RN en Bourgogne-Franche-Comté. Mais la présidente sortante espère renouveler le scénario de 2015 en ralliant les listes de gauche au second tour.
Face à la menace persistante de l’extrême droite en Bourgogne-Franche-Comté, passée proche de la victoire aux régionales de 2015, droite et gauche cherchent désespérément la parade, tandis que LREM tente de tirer son épingle du jeu.
“Il y a une réelle dynamique autour de notre candidature”: au pied des immenses hangars de tôle de General Electric à Belfort, la tête de liste RN, Julien Odoul, masque floqué de son nom, tracte non loin d’un militant Lutte Ouvrière bien décidé à ne pas céder un pouce au parti de Marine Le Pen.
Lors des dernières régionales, en 2015, l’extrême droite était arrivée en tête au premier tour. Au second, la présidente socialiste sortante Marie-Guite Dufay l’avait emporté avec seulement deux points d’avance.
Mais “beaucoup de choses ont changé depuis 2015”, assure Julien Odoul. “Nous avons construit un groupe solide; nous avons muri; nous nous sommes implantés sur le terrain…” Marine Le Pen a placé la Bourgogne-Franche-Comté dans le “top 3 des régions gagnables”, tandis que le RN semble avoir le vent en poupe en Provence-Alpes Côte d’Azur et dans les Hauts-de-France. Les choses se présentent également bien pour son parti dans le Grand Est et le Centre-Val de Loire.
En Bourgogne-Franche-Comté, “il y a une dynamique de l’extrême droite en profondeur”, confirme Claude Patriat, politologue à l’Université de Bourgogne. “On fait partie de la famille de l’extrême droite rurale: pas confrontée directement à l’immigration, mais à l’image de l’immigration”, souligne-t-il.
Deux sondages, publiés mercredi, placent le RN en tête au premier tour en Bourgogne-Franche-Comté, avec 30% ou 28%. C’est moins que le score de 2015 (31,48%) mais, tandis qu’un sondage, réalisé par Ipsos Sopra Steria, donne le RN battu de justesse au second tour par Mme Dufay (32% contre 29%), l’autre, réalisé par Ifop, prédit une large victoire du RN en cas de quadrangulaire (32% contre 27% à Mme Dufay). En revanche, selon ce sondage, une triangulaire permettrait à Mme Dufay de l’emporter.
"Le RN pas inéluctable"
Mais le Front républicain n’est plus à la mode. “Il n’a aucun sens”, lance Gilles Platret. Le très à droite maire LR de Chalon-sur-Saône (Saône-et-Loire), qui a tenté d’interdire dans sa commune les menus sans porc, veut siphonner le RN avec une liste incluant Debout la France de Nicolas Dupont-Aignan, allié à Marine Le Pen lors de la présidentielle de 2017. Mais l’alliance n’ira pas plus loin, assure M. Platret. “Ma liste du premier tour est celle du second”, dit-il.
A gauche, Marie-Guite Dufay assure, elle aussi, ne pas vouloir d’alliance hors de “son” camp, même si son vote pour Macron en 2017, dès le premier tour, aurait pu laisser penser à une entente avec la liste du maire LREM de Nevers, Denis Thuriot.
“La gauche peut faire face seule au RN”, assure Mme Dufay, qui table sur un ralliement des listes indépendantes d’extrême gauche et écologique. “Le RN ne doit pas passer, continuez!”, l’encouragent des chalands entre deux marchands de fruits et légumes sur le marché de Lons-le-Saunier. “Il faudra rassembler les écologistes et la gauche”, confirme la tête de liste EELV Stéphanie Modde. “Mais il est hors de question d’aller sur une liste dont la tête n’est pas de gauche”, avertit-elle. A l’issue du premier tour en 2015, Mme Dufay avait refusé de se retirer au profit de la droite, pourtant arrivée devant elle.
Aujourd’hui, c’est vers Denis Thuriot, placé en quatrième position au premier tour par les sondages, que les regards se tournent. Interrogé mercredi à ce sujet, lors d’un débat sur France 3 Bourgogne-Franche-Comté, il a répondu d’une phrase sibylline: “Je saurai me montrer intelligent”.
“Le RN n’est pas inéluctable”, assure à l’AFP ce précurseur du macronisme, qui a arraché Nevers à 43 ans de socialisme. Placé en embuscade, il fait de M. Odoul son pire ennemi, évoquant le dernier clash médiatique du trublion du RN, enregistré à son insu en train de plaisanter sur le suicide des agriculteurs – une interprétation contestée par M. Odoul.
“Je pense que les anathèmes et les insultes, ça peut fatiguer les Français”, a abondé le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, qui est venu soutenir en Bourgogne-Franche-Comté, comme de nombreux ministres, le poulain macroniste qui ne décolle pas dans les sondages.