Eva Chibane et Thibault Quartier
La transparence de la vie publique agite toujours le microcosme politique. « J’ai été interpellé par Lucas Vanitou, ancien candidat aux municipales et départementales de gauche », raconte Damien Meslot, maire de Belfort (Les Républicains) lors d’une conférence de presse ce vendredi 9 février 2024« Il a souhaité que je produise toutes mes notes de frais sur dix ans. »
« Je suis un citoyen belfortain qui fait une démarche de transparence de la vie publique », confie Lucas Vanitou, âgé de 25 ans, joint par téléphone avant la conférence de presse. Il a été candidat de gauche sur la liste de Belfort en Grand, en 2020, pour l’élection municipale, et aux départementales 2021 dans le canton de Belfort 3, face à Ian Boucard (Les Républicains). Il a fait sa première demande à la mairie le 6 novembre 2023. Celle-ci avait un mois pour répondre. Ce qu’elle fit. « Les documents que vous demandez nécessitent un gros travail de recherche. En cette fin d’année budgétaire, il est impossible à nos services de répondre à votre attente dans les délais légaux », a-t-elle répondu. D’ajouter : « Dès lors que j’aurai récupéré les informations collectées par les différents services concernés, je vous en ferai part.»
Lucas Vanitou a fait sa démarche depuis le site madada.fr, qui facilite les demandes de documents administratifs. On y retrouve aussi les précédentes demandes. « Je le recommande à tout le monde. » En contact avec l’ancien journaliste Xavier Berne, « très à cheval sur la transparence de la vie publique », il décide de saisir le Cada, sur sa recommandation. Une manière de « mettre la pression ». Elle a rendu un avis positif sur sa demande, fin janvier. Mais c’est un avis consultatif.
42 364 euros en dix ans
La démarche n’a pas vraiment plu. En tout cas, le maire de Belfort a voulu se réapproprier l’histoire avant que le jeune homme ne puisse communiquer sur ce qu’il pourra lire dans la tonne de paperasses envoyée cette semaine « avec accusé de réception », détaille Damien Meslot. Le maire voit derrière cette demande une démarche « d’opposition du groupe La France Insoumise ». Il se base d’ailleurs sur des likes Facebook. Notamment celui de l’attachée parlementaire de Florian Chauche, député La France Insoumise dans le Territoire de Belfort, ce qui prouverait, selon lui, que ces derniers seraient de mèche. « Quand l’opposition est réduite à ça, c’est qu’il y a peu de critique sur le fond du mandat », affirme le maire de Belfort.
Pourtant, Lucas Vanitou affirme ne pas appartenir à ce parti. Il revendique d’ailleurs une démarche à la marge des partis politiques d’opposition.
Dans cette conférence de presse, l’on apprend les montants des notes de frais de Damien Meslot durant les dix dernières années….. mais aussi celles de son prédécesseur, Étienne Butzbach, durant les sept années précédentes. « C’est important, les comparaisons », glisse l’actuel maire de Belfort, sourire en coin. C’est ainsi que l’on apprend que Damien Meslot, en dix ans, a dépensé 42 364 euros dont 21 764,50 euros de frais de déplacements et 20 599,50 euros de frais de restauration. « Je n’ai pas eu de frais de véhicules particuliers, je n’ai pas de chauffeur, je roule avec ma propre voiture », explique-t-il. « Je fais très attention aux deniers publics », poursuit le premier édile.
Pour son prédécesseur, il est formel. Après vérification des documents, il aurait dépensé 713 737 euros en sept ans, dont plus de 500 000 euros de frais de chauffeur et plus de 95 000 euros en frais de véhicules. « Je me suis permis de calculer sur dix ans: cela aura fait 1 019 624,29 euros. Avec moi, les frais ont diminué de 95%. » En 2014, lors de la campagne municipale, il avait critiqué vertement les frais de mandat de son prédécesseur. Dans l’opposition, on pointe déjà du doigt le périmètre des notes de frais et on relève, par ailleurs, l’inflation des collaborateurs de cabinet entre le mandat d’Étienne Butzbach et celui de Damien Meslot.
« L’arroseur a été arrosé. Je réplique quand on m’attaque. Je n’ai pas l’intention de laisser salir mon image », pique enfin Damien Meslot.
« Je ne doute pas qu’il sera méprisant, étant donné son passif », prédisait Lucas Vanitou, par téléphone, en amont de cette prise de parole du maire. Mais aussi très satisfait que cette demande provoque une conférence de presse. La transparence de la vie publique n’est pas encore une formalité.