La municipalité d’Essert envisage de vendre une partie de l’îlot piéton situé juste à côté du rond-point du Super U. L’acquéreur est la SCI Prévert, propriétaire des terrains du supermarché.
La municipalité d’Essert envisage de vendre une partie de l’îlot piéton situé juste à côté du rond-point du Super U. L’acquéreur est la SCI Prévert, propriétaire des terrains du supermarché. Un collectif s’est constitué et monte au créneau pour dénoncer ce projet. Il l’assimile à de l’accaparement du domaine public et il estime qu’il menace la sécurité des enfants.
115 m2. Une surface modeste, qui concentre pourtant l’attention des Essertois. Cet espace, encore public, cristallise des enjeux politiques, économiques et d’urbanisme. Avec, comme juge de paix, les élèves de l’école Cousteau, installés à quelques encablures.
Début juillet, quelques habitants découvrent un projet de vente d’un terrain communal à la SCI Prévert. Un terrain situé entre le rond-point de la rue du Général-de-Gaulle, la rue des École et le parking du Super U. Ce projet est acté le 24 avril, à l’occasion d’un conseil municipal. On invoque, dans le rapport, la « création d’une entrée commune » entre le projet de maison médicale et le parking du supermarché. Le conseil municipal acte également la mise en place d’une enquête publique, d’une durée de 15 jours, organisée du 20 juin au 6 juillet. Neuf contributions ont été formulées à l’occasion de cette enquête. Mais toutes ont été rédigées après le 4 juillet, soit sur la toute fin de l’enquête publique, une fois que la mobilisation avait été faite par les premiers membres du collectif Rue des Écoles. Ils ont pris connaissance, par hasard, du projet.
À cheval sur deux terrains
Aujourd’hui, une toute petite partie de l’îlot – une bande de trottoir juxtaposant le parking du Super U – appartient à la SCI Prévert, propriétaire des terrains du Super U. Cette société civile immobilière est présidée par Daniel Jeanroy, qui a créé le Super U il y a 31 ans. Il l’a revendu à son fils il y a quelques années. Cet îlot est important pour le commerçant. Il y a installé ses véhicules de location, bien visibles depuis la route. Les véhicules stationnent en partie sur le terrain de la SCI et en partie sur le terrain communal. Sans que personne n’en dise rien insiste Daniel Jeanroy. Pour les dirigeants de Super U, cette situation des camions sur l’îlot existe depuis 2002. Et cette localisation avait été retenue pour des « raisons de sécurité ». Les propriétaires avaient subi un incendie sur l’un de leur véhicule, stationné à proximité du magasin. La propagation avait été évitée. Ils ont donc décidé de les déplacer sur cet îlot, tout en reconnaissant l’opportunité publicitaire conférée à ce stationnement proche du rond-point. De son côté, Yves Gaume, le maire d’Essert, estime que les camions sont à cette place depuis 2008. Et assure également que « cela n’a jamais posé de problème ». Une photo aérienne datée de 2011 et transmise par le collectif Rue des Écoles semble plaider pour une installation encore plus récente des camions sur cet îlot. Il y avait encore des arbres à cet emplacement. Et pas de camions. Daniel Jeanroy glisse que ce projet de cession vise justement à régulariser cette situation bancale de camions à cheval sur deux terrains. Pour le collectif, cette démarche légitime surtout un état de fait où l’on empiète l’espace public avec le consentement de la mairie. Et que l’on régularise, après coup, la situation.
Sur ce dossier, il n’y a pas eu de réunions publiques. « On a fait le minimum du minimum », déplore Frédéric Vadot, qui dénonce la méthode de ce dossier, géré directement par le maire. Ce dernier rappelle qu’il a respecté les procédures légales, invitant les habitants à lire les comptes rendus des conseils municipaux. Il voit surtout dans cette opposition une opportunité électoraliste. Un sentiment qu’il partage avec Daniel Jeanroy. Au mois de mars, Frédéric Vadot sera candidat aux élections municipales, mais il rejette tout lien avec cette échéance. Il ne veut pas nuire au combat du collectif composé de personnalités qui n’ont aucune volonté politique précisent-ils. « Si j’avais voulu faire un coup politique, dit-il, j’aurais attendu pour le dénoncer. » Il jure vouloir simplement informer la population, qui n’est pas au courant. Quelle que soit la part électoraliste de cette polémique, il est certain, aujourd’hui, que ce dossier va animer la prochaine campagne.
Juste prix
Le collectif dénonce le prix de vente de cet espace de 115 m2. La valeur vénale de la parcelle est estimée à 1 495 euros par le pôle évaluation domaniale de la direction départementale des finances publiques du Doubs peut-on lire dans l’enquête publique. Le collectif estime que c’est très peu compte tenu de l’opportunité publicitaire créée par la vente, tout en sachant que 10 000 véhicules transitent par ce rond-point quotidiennement. Le collectif a contacté l’association Anticor. Elle estime que le prix serait 20 fois supérieur s’il avait été pratiqué entre privés. « Cela pose un vrai problème d’évaluation de la transaction », remarque Frédéric Vadot. Le maire, Yves Gaume, rejette cet argument du faible prix, rappelant que Super U a mis à disposition de la municipalité 4 places de stationnement, sur son parking, pour installer des bornes de recharge pour les véhicules électriques. « C’est donnant-donnant, assure le maire. Je défends mon commerce local. » La direction de Super U, de son côté, rappelle son implication dans la vie locale : don de gilets jaunes, places à disposition des écoles pour le dispositif Vigipirate… Et Daniel Jeanroy de rappeler, avec le sourire, qu’il a financé une partie du rond-point de la rue du Général-de-Gaulle, quand il a été construit : « J’ai payé pour rentrer chez moi. »
Sécurité des élèves
Si on dénonce un problème de méthode, c’est surtout un problème de sécurité qui mobilise le collectif Rue des Écoles. Et l’on parle de la sécurité des enfants de l’école Cousteau, qui empruntent ce passage à pied pour se rendre à la piscine ou à la patinoire, situés à 700 mètres de l’école. « Le plan du projet m’a de suite posé problème », confie Catherine Foliot, habitante du quartier et ancienne professeure des écoles à Cousteau. Cet espace, justement, sert de regroupement aux élèves. « C’est un sas », estime-t-elle, alors que le carrefour est dangereux, que la circulation est très importante et que la visibilité pour traverser est réduite. « Cet îlot a même été fait pour des raisons de sécurité », rappelle-t-elle. « Ce qui reste [après la vente du terrain] n’est pas suffisant, argue Frédéric Vadot. Surtout si l’on ajoute de la signalétique et les vélos. » Alors que l’on envisage de regrouper les deux écoles, le collectif craint, qui plus est, une densification du trafic dans ce secteur.
Ni Daniel Jeanroy, ni Yves Gaume estiment que la place dédiée aux piétons sera réduite par ce projet, même en cédant 115 m2. Actant, inconsciemment, que l’espace public n’était pas utilisé par les piétons, mais par les camions. À l’inverse, le maire revendique améliorer la sécurité. Il rappelle qu’on profite de ce projet pour remettre les trottoirs aux normes. Ils feront 1,4 m le long de la rue des Écoles, au niveau de la pharmacie, puis 1,5 m au niveau de l’espace vendu à la SCI Prévert. « Les enfants vont pouvoir se regrouper », assure-t-il.
Daniel Jeanroy s’arrête sur la volonté d’améliorer l’ergonomie et l’embellissement de l’accès à la zone commerciale, dotée dorénavant d’une pharmacie et bientôt d’un opticien. Les nouveaux bâtiments devraient aussi accueillir une maison médicale, mais pour l’instant, rien n’est arrêté sur ces dossiers confie le maire. Des marquages au sol vont être tracés pour mieux garer les véhicules.
Marge limitée pour l’avenir
« On veut récupérer l’usage public de l’îlot communal », défend Frédéric Vadot. Qu’on ne le vende pas et surtout que les camions ne s’y installent plus. Dans l’enquête publique, Sébastien Morel, membre de l’association Véloxygene 90 et porte-parole du collectif, estime qu’en vendant cet espace, la mairie s’empêche, à terme, de pouvoir augmenter le nombre de vélos Optymo, au nombre de douze aujourd’hui, « malgré l’usage croissant de ce service ». « [Cette vente] empêcherait la commune de poursuivre dans cette zone du village la transition sur les modes de déplacements doux », estime-t-il. Forcément, en vendant cet espace, la municipalité se prive de possibilités pour la suite.
Le commissaire-enquêteur a saisi cette inquiétude car il rappelle dans son rapport qu’en dehors de l’embellissement de la zone, « il n’est pas prévu de grillage séparatif trottoir/zone à déclasser ». En même temps, rien ne pourra empêcher le propriétaire de le faire s’il en a envie à l’avenir. Pour certains, on se crée donc un problème pour le futur. La vente définitive est soumise au vote du conseil municipal, le 24 septembre. D’ici là, le collectif veut mobiliser pour informer sur le dossier. Si la cession est approuvée, le collectif envisage d’aller en justice.