Par Marine LEDOUX – AFP
Le Parc naturel régional (PNR) des Ballons des Vosges et la préfecture ont lancé, l’an dernier, cette expérimentation visant à réintroduire le plus gros oiseau terrestre sauvage d’Europe dans le massif, où il est en déclin.
Pour la seconde année, des oiseaux ont été capturés en Norvège et relâchés dans le massif vosgien du Grand Ventron entre le 24 avril et le 6 mai, a annoncé lundi le PNR. Le 6 mai, le décès d’une poule nouvellement réintroduite a été constaté par le PNR, a-t-il précisé à l’AFP. « Les indices retrouvés sur place permettent d’envisager une prédation. »
Il espérait que cette opération permette le lâcher de 40 à 50 nouveaux individus mais ce sont finalement seuls « cinq coqs et deux poules » qui ont rejoint « les deux oiseaux issus de la première translocation » en 2024 et « les oiseaux autochtones estimés à moins de cinq individus ». « Il semblerait que le réchauffement climatique produise aussi ses effets en Norvège », a pointé auprès de l’AFP Dominique Humbert, président de l’association SOS Massif des Vosges, opposée à ce projet.
Les « périodes nuptiales », propices aux captures en Norvège, ont en effet eu lieu « bien plus tôt que prévu » à la suite d’un « hiver avec peu de neige et un printemps exceptionnellement doux » dans le pays, a expliqué le PNR. Cela a « considérablement diminué le nombre d’oiseaux capturables ». Pour les sept oiseaux nouvellement réintroduits, « le transport et le relâcher se sont bien passés » et « les données GPS vont désormais permettre de (les) suivre avec précision ». Mais SOS Massif des Vosges et quatre autres associations environnementales opposées à la réintroduction ont jugé que ce faible nombre d’oiseaux capturés « peut être perçu positivement d’un point de vue éthique, évitant un stress et une mortalité supplémentaires ». Mais « il souligne surtout l’échec du projet au regard de ses objectifs initiaux ».
Deux survivants
« Les effets constatés sont non seulement dérisoires, mais potentiellement nuisibles à l’espèce et à l’image des actions de protection de la biodiversité », estiment les associations.
En avril 2024, neuf de ces oiseaux, également appelés coqs de bruyère, avaient été capturés en Norvège, un dixième étant mort durant l’opération.
Un an plus tard, seul un coq et une poule étaient encore en vie, représentant un taux de survie de 22% à 11 mois, selon le PNR. Trois coqs et trois poules sont morts entre septembre et novembre, et un autre début mars, mais aucun pendant la période hivernale, selon le président du PNR, Laurent Seguin. Cinq d’entre eux ont probablement été victimes de prédation.
L’an dernier, le PNR a toutefois pu observer les comportements reproducteurs. « Du 13 mai au 7 juin 2024, la nidification d’une femelle a été observée pendant 26 jours dans un milieu adapté » mais le processus n’est pas allé à terme, indique-t-il, probablement en raison là-aussi de la prédation. « Le fait que des oiseaux récemment transloqués témoignent d’un potentiel de nidification et montrent des comportements reproducteurs en fréquentant les zones historiques de l’espèce sur le massif vosgien est un signe encourageant pour la suite de leur établissement », estime le PNR.
"Irresponsable"
Les opposants à la réintroduction pointent « une absence de prise en compte des causes réelles du déclin » de l’oiseau dans les Vosges, notamment « la destruction de son habitat, les impacts du changement climatique et les perturbations humaines ».
Les associations jugent le projet « irresponsable », avec « un coût disproportionné pour les finances publiques », estimé à 230.000 euros par an. Le tribunal administratif de Nancy doit étudier prochainement leur recours contre l’arrêté préfectoral autorisant l’opération. Initialement prévue mardi, l’audience a été reportée à une date encore inconnue. « Un bilan à deux ans est prévu pour adapter la suite du programme au regard des premières expériences », a annoncé le porteur du projet.
L’accord avec la Norvège permet la capture d’un maximum de 50 oiseaux par an, et de 200 sur cinq ans. Le pays en compte 200.000. La France de son côté compte 4.500 individus, selon le site internet des Parcs nationaux, dont 90% dans les Pyrénées et les autres dans les Cévennes et le Jura.