Près de 90 % du transport, sur l’axe Rhin-Rhône, se fait par la route. Sur l’A36, à hauteur du nord Franche-Comté, 12 500 camions sont comptabilisés, quotidiennement. Un trafic international, national et régional. C’est dans ce cadre que s’inscrit le projet de Corridor Rhin-Rhône, impulsé par le Pôle Véhicule du Futur, présenté à l’occasion du forum Hydrogen business for climate, ce mercredi. Son ambition ? Décarboner le transport de marchandises sur cet axe.
Il s’inscrit dans un contexte : celui de la réduction de 15,9 % des émissions de gaz à effet de serre du secteur des transports d’ici 2030, trajectoire définie à l’occasion de la COP Bourgogne-Franche-Comté, lancée en décembre 2023. Pour atteindre cet objectif, le programme prévoit, dans un premier temps, un report des flux de transport vers le ferroviaire et le fluvial. « Le transport ferroviaire est 9 fois moins émetteur de CO2 que le transport routier », rappelle Thierry Tournier (lire son interview ici), président du Pôle Véhicule du Futur, par ailleurs cadre d’Alstom. « C’est très vertueux », appuie-t-il. 1 000 camions pourraient être concernés par ce volet.
Le second consiste à verdir les flottes de camions de Bourgogne-Franche-Comté, sachant que la région compte 26 000 poids lourds immatriculés ; 70 % des entreprises régionales du transport comptent moins de 10 salariés, indique Thierry Tournier. Toutes les solutions de verdissement seront proposées. Mais ce second axe permet aussi d’accélérer le déploiement des usages de l’hydrogène. Les véhicules à batterie sont peu pertinents, selon Thierry Tournier, pour des entreprises dont le rythme du travail est en 2 x 8 ou en 3 x 8, où les camions sont peu de temps au dépôt, complexifiant ainsi la recharge des véhicules. Et cette solution à batterie est également peu pertinente pour les entreprises dont les tournées de transport excèdent 400 kilomètres.
Des mécanismes incitatifs à inventer
« Il faut un projet global, afin d’accompagner les acteurs vers le choix des solutions, négocier des coûts qui permettent de se rapprocher du diesel en termes [de coûts d’investissement et d’exploitation] et chercher toute la compétence financière au niveau de l’État et de la Région pour s’approcher de ce point d’équilibre », argumente Thierry Tournier. Des projets de mutualisation seront aussi étudiés, notamment autour de la maintenance.
Côté hydrogène, l’idée est aussi de déterminer la quantité qui serait nécessaire pour un tel déploiement, afin de donner de la visibilité à la filière et d’envisager l’approvisionnement, soit en produisant localement, soit en l’important. Un camion a besoin de 9 kilos d’hydrogène, en moyenne, pour effectuer 100 kilomètres. Pour une tournée de 400 kilomètres, ce sont donc 40 kilos dont il a besoin ; en déployant 1 000 camions, on ouvre un besoin de 40 tonnes d’hydrogène par jour, en Bourgogne-Franche-Comté. L’idée est aussi de se rapprocher des industries de la filière hydrogène, pour réfléchir au verdissement de leurs flux entrants (matières) et sortants (expéditions) de l’usine, ouvrant mécaniquement des besoins. Cela doit alimenter la filière hydrogène, mais aussi la filière des transports, qui sera plus sollicitée avec un renforcement de l’industrialisation du territoire.
En encourageant ce « projet structurant », pour reprendre les termes de Thierry Tournier, le Pôle Véhicule du Futur veut engager un cercle vertueux. Une association de préfiguration sera créée à l’automne pour porter cette ambition. Elle permettra de rassembler les filières du transport et de la logistique, de l’hydrogène, les collectivités, mais aussi les gestionnaires d’infrastructures (APRR), ou encore les acteurs du ferroviaire ou du transport fluvial.
Le programme doit permettre de définir des schémas directeurs. Le corridor est un projet d’accompagnement. « Nous ne pouvons pas simplement montrer le potentiel et compter ensuite sur chacune de ces entreprises pour avoir un déploiement massif de solutions », met en garde le président du pôle de compétitivité. Ensuite, les chefs d’entreprise opteront pour une solution ou pour une autre, en fonction de leurs contraintes, besoins et désirs.
Des dispositifs peuvent même être créés, ensuite, pour construire des subventions qui valoriseraient les kilomètres parcourus avec un véhicule décarboné, « permettant de compenser les surcoûts », envisage Thierry Tournier. Ce serait « incitatif ». Avant d’en discuter, il faut créer le projet, puis le présenter aux collectivités et à l’État pour réfléchir aux manières de le financer et de le promouvoir. C’est un projet clé en main.