Le PDG d’EDF a estimé mardi qu’il était « urgent » de lancer « des actions concrètes » pour la construction de nouveaux réacteurs nucléaires en France, après la décision de principe annoncée par le président Emmanuel Macron l’an dernier. Dans le même temps, on apprend que le nucléaire pourrait intégrer la taxonomie verte européenne.
Avec l’AFP
Le PDG d’EDF a estimé mardi qu’il était « urgent » de lancer « des actions concrètes » pour la construction de nouveaux réacteurs nucléaires en France, après la décision de principe annoncée par le président Emmanuel Macron l’an dernier. Dans le même temps, on apprend que le nucléaire pourrait intégrer la taxonomie verte européenne.
« Nous espérons que le gouvernement va entrer un peu plus dans le vif du sujet en ce qui concerne la concrétisation de la position politique du chef de l’État début novembre », a dit Jean-Bernard Lévy lors d’une rencontre avec l’Association des journalistes économiques et financiers (AJEF). « Le plus urgent est de lancer la dynamique autour de la construction notamment des réacteurs de Penly », le site de Seine-Maritime où devrait être construite la première paire de nouveaux EPR, a-t-il ajouté. « J’espère que le gouvernement va passer d’une phase de déclaration de principe à une phase de lancement des actions concrètes. Je pense que c’est un sujet qui est urgent », a insisté M. Lévy.
La France s’apprête à lancer la construction de nouveaux réacteurs sur son sol, une vingtaine d’années après la mise en service des derniers, avait annoncé Emmanuel Macron le 9 novembre. Il n’a toutefois depuis donné aucun détail sur ce projet. Le pays ne construit actuellement qu’un seul réacteur EPR de nouvelle génération sur son sol, celui de Flamanville (Manche). La question du nucléaire agite par ailleurs la pré-campagne pour l’élection présidentielle de 2022, avec des candidats favorables à cette énergie (notamment à droite, à l’extrême droite mais aussi au PCF) et d’autres hostiles (LFI et EELV en particulier).
« Notre espoir est qu’il y ait une bonne prise de conscience que retarder encore davantage la concrétisation de l’impulsion politique donnée par le président de la République ne peut se faire qu’au détriment d’une industrie nucléaire dont on voit bien qu’elle ne peut rester compétitive, compétente, attrayante pour les talents, que si elle construit », a encore ajouté M. Lévy.
6 EPR à l'étude
EDF a déjà remis à l’État une proposition pour construire six EPR de nouvelle génération (EPR2) pour une cinquantaine de milliards d’euros. Ce projet comporte « plusieurs options de financement qui font appel à EDF, qui font appel à l’État, qui font appel à des investisseurs privés, avec différents niveaux d’intervention de l’État, soit directement, soit à travers des garanties… » a précisé Jean-Bernard Lévy.
La Commission européenne vient par ailleurs de dévoiler un projet de labellisation (« taxonomie ») verte très attendu pour les centrales nucléaires, qui vise à faciliter le financement d’installations contribuant à lutter contre le changement climatique. « C’est très important » et doit permettre de financer le nucléaire « à de bonnes conditions », a jugé M. Lévy. L’inclusion ou non des différentes énergies dans la taxonomie se traduira en effet par une « forte différence dans la profondeur des financements disponibles et le coût des financements ».
Porte ouverte au nucléaire dans la taxonomie verte européenne ?
Une mouture de travail du projet de taxonomie verte de la Commission européenne a été dévoilée le 31 décembre. L’intégration d’activités nucléaires et gazières comme investissements « durables » est envisagée. La France mène un lobbying actif pour y intégrer le nucléaire, alors que l’Allemagne, le Luxembourg ou encore l’Autriche militent pour ne pas l’inclure (lire notre article). Les projets répondant aux critères de cette taxonomie pourront être éligibles à des financements. Et cette taxonomie vise à financer des projets limitant le changement climatique. « En incluant le nucléaire et le gaz dans sa taxonomie, la Commission européenne semble prendre le chemin du bon sens stratégique et du pragmatisme », commente la CFE-CGC Énergie dans un communiqué de presse. « L’atteinte de l’objectif européen de neutralité carbone en 2050 impose de ne se priver d’aucune des solutions de décarbonation éprouvées et disponibles, et donc de faire de la neutralité technologique bas carbone la colonne vertébrale de la taxonomie », poursuit le syndicat catégoriel. « Ce projet devrait également assurer l’avenir de l’énergie électronucléaire en Europe, y compris pour la production d’hydrogène, qu’il s’agisse de la prolongation des parcs nucléaires existants ou du développement de nouvelles capacités nucléaires », poursuit-il, modérant toutefois son propos à la suite des déclarations de Frans Timmermans, vice-président de la Commission européenne. Elle est vigilante quant « aux conditions posées à cette inclusion, le diable se cachant toujours dans les détails, afin d’éviter tout compromis bancal qui conduirait à un contresens climatique et stratégique ».
De son côté, Greenpeace rappelle que dans ce document, le nucléaire n’est pas classé comme « énergie verte », mais « comme énergie de transition dans le cadre de l’article 10(2) ». Selon l’ONG, « cette version de la taxonomie est un permis de greenwasher ». « Les entreprises polluantes seront ravies d’avoir le sceau d’approbation de l’UE pour attirer des investissements afin de continuer à détruire la planète en brûlant du gaz fossile et en produisant des déchets radioactifs », dénonce Greenpeace. Qui précise : « Selon le document de la Commission, les projets nucléaires avec un permis de construire délivré d’ici 2045 seraient éligibles aux investissements privés et publics, pour autant qu’ils puissent prévoir des plans de gestion des déchets radioactifs et de démantèlement. Les projets gaziers avec des permis délivrés jusqu’en 2030 seraient également éligibles, à condition qu’ils remplissent une série de conditions, notamment des émissions inférieures à 270g CO₂e/kWh. » L’ONG de conclure : « Ces dispositions porteraient un coup dur à l’action de l’UE en matière de climat et d’environnement. » La version finale du texte est attendue en janvier.