Quatre des cinq députés du nord Franche-Comté ont voté en faveur de l’article 24 de la loi sécurité globale. Dans le louable but d’assurer la sécurité des forces de l’ordre, ce texte interdit de fait de les filmer ou de les photographier. Le ministre de l’intérieur imagine qu’en vertu de cet article, « les photos des forces de l’ordre pourraient être floutées avant d’être publiées ». Pour suivre cette logique, nous protégeons la sécurité de ces élus en ne divulguant pas ici leur identité.
À l’avenir, nous prendrons grand soin de dissimuler leur visage sur les photos que nous publions [Chiche!]. Le cas échéant, nous préserverons la sécurité du premier flic de France en floutant son visage et en nous abstenant de jeter son nom en pâture aux « malintentionnés » qui sévissent sur les réseaux sociaux.
Interviews relues, photos validées, accréditations généralisées
Ça, c’est notre réaction au choix politique d’un certain nombre d’élus, prompts à s’asseoir sur leurs propres principes dès lors qu’il peuvent flatter leur électorat. Mais nous ne pouvons pas ne pas constater que le débat sur la liberté de la presse soulevé par ce fameux article 24 s’inscrit dans un contexte déjà très dégradé.
Déjà, des élus, des hauts fonctionnaires ou des patrons n’acceptent d’être interviewés que moyennant relecture. Déjà, les staffs des artistes et des sportifs exigent de valider les photos avant leur publication, brandissant la menace de poursuites fondées sur le droit à l’image. Déjà, avant même d’avoir effleuré le déclencheur, les photographes signent des contrats qui leur interdisent de disposer librement de leurs images. Déjà, les journalistes acceptent de mendier des accréditations pour tout et n’importe quoi, puisque leur carte de presse ne suffit plus pour travailler.
Depuis une trentaine d’années, les rédactions se sont tellement pliées aux diktats des attaché(e)s de presse et autres directeur·trice·s de la com qu’elles ont elles-mêmes abdiqué leur liberté. Obsessionnellement attachée à son indépendance, la rédaction du Trois.info refuse ces pratiques.
Ici, plutôt pas d’interview qu’une interview relue, plutôt pas de photo qu’une photo validée. Cette position nous donne toute légitimité pour déplorer, à notre façon, une blessure supplémentaire infligée à une liberté de la presse déjà en soins palliatifs.