« L’innovation n’a d’intérêt que dans les réponses à des besoins concrets », a souligné Ghislain Montavon, directeur de l’université de technologie de Belfort – Montbéliard (UTBM) ce lundi matin, lors du lancement du projet Alison ++ au Crunch Lab, sur le site du Techn’Hom à Belfort. Ce projet vise à recourir à l’intelligence artificielle pour mieux prendre en charge la sédation et l’analgésie des patients en réanimation, donc dans un état souvent critique.
Le premier volet de ce projet reposera sur un système d’analyse des données concernant le patient. L’IA analysera en continu les paramètres physiologiques du patient : par exemple les données issues du respirateur, du moniteur paramétrique (tension, rythme cardiaque, etc.), l’activité faciale. La sédation analgésique crée un état de coma artificiel durant lequel le corps humain fonctionne au ralenti. Le patient étant dans un état critique, cela crée pour lui une situation de sécurité (éviter des chutes, l’agitation, l’arrachage d’équipements médicaux), qui permet de mettre en œuvre des traitements adaptés à son état (par exemple une dyalise, de la respiration artificielle, etc.).
Le recueil et l’analyse des données par l’IA doit permettre aux soignants de mieux adapter l’administration des médicaments qui endorment le malade ou qui réduisent la douleur, aussi bien dans leur durée que dans leur dosage. Elle doit permettre d’identifier les périodes ou le patient reçoit trop ou pas assez de ce type de produits. De même, alors que les personnels soignants sont astreints aujourd’hui à une évaluation toutes les heures dans les services de réanimation, l’IA permettra un suivi automatisé continu.
Le deuxième volet, en prolongement du premier, consistera à la mise au point d’un pousse-seringue dit « intelligent ». Il pourra soit être piloté à distance par les soignants, soit de façon semi-automatique par l’IA, à partir des données collectées et analysées en temps réel.
Issu du laboratoire Sinergies de l’UTBM
Ce projet est issu du laboratoire Sinergies de l’UTBM, qui travaille depuis plus de vingt ans sur l’IA et la santé ; il associe chercheurs et personnel médical. Doté de 4 millions d’euros de fonds européens (FEDER), il réunit, outre l’UTBM, le CHU de Besançon et l’entreprise Cistéo de Besançon, spécialisée dans les dispositifs médicaux. Cette entreprise a été créée en 2010 par Christophe Moureaux, son président. Elle compte plus de 50 salariés.
Le projet bénéficie également du soutien de la Région Bourgogne – Franche-Comté, gestionnaire des fonds FEDER. Le projet Alison ++ a été retenu en juillet 2024, dans le cadre d’un appel à projets. Il succède au projet Alison, qui, entre 2020 et 2022, a permis de mettre au point un système de collecte de données issues des équipements de mesures installées dans les chambres des patients.
Le dispositif d’analyse des données devrait être prêt « très prochainement » (probablement début 2026) pour développer dans la foulée le dispositif de pousse-seringue. Il sera déployé progressivement, afin de permettre l’acceptation à la fois par les équipes soignantes, les patients et leur entourage.
L’intervention de l’IA dans le domaine médical pose en effet de façon aiguë des questions d’éthique qui portent sur le consentement réellement éclairé du patient (dispose-t-il réellement de toutes les informations pour donner ou refuser son consentement et est-il à même de les appréhender ?), mais aussi sur la confidentialité des données ou la responsabilité des médecins. La question se pose aussi sur le non-recours à l’IA dont la pertinence aura été validée : sera-t-il éthique de s’en passer alors qu’elle permet un meilleur traitement ou encore est-il admissible qu’elle se limite à des établissements de pointe, créant ainsi une inégalité géographique de traitement ? Autant de points qui ont été abordés par les différents partenaires lors de la table ronde où a été présenté le projet.