« Encore les semi-conducteurs », souffle Benoît Vernier, délégué syndical de la CFDT après un coup de téléphone à la direction ce mardi 4 avril qui ne lui aura rien appris de plus. Le 30 mars dernier, il a été annoncé aux salariés lors d’un conseil social et économique (CSE) que l’usine de Sochaux serait à l’arrêt 10 jours à compter de mercredi 5 avril, en raison d’une pénurie de boîtes de vitesses automatiques. « Les composants des boîtes de vitesses sont en rupture. Il y a aussi des problèmes avec les transports. En clair, une combinaison de mauvais facteurs », explique Benoît Vernier.
Durant ces 10 jours, les salariés seront totalement à l’arrêt. Dans un premier temps, leur salaire sera compensé par un système de compteur d’heures modulables, pouvant descendre jusqu’à -84h. Puis, ils passeront au chômage partiel et conserveront 84% de leur salaire. « Cela s’appliquera à peu près à partir de mercredi prochain pour la plupart. Soit deux à trois jours de pertes de salaire à 16% la journée », s’agace Jérôme Boussard, délégué syndical de la CGT. « La direction nous rétorque que ce sont les accords que nous avons signés.» Il réclame que soient compensé à 100% les jours de chômage partiel et regrette que les salariés « trinquent » à chaque fois pour les à-coup de production. Le calendrier de cet arrêt coïncide avec l’arrivée des primes d’intéressement et de participation, explique-t-il. Et ce trou dans le portefeuille va « obliger les salariés à piocher dans cette prime. Ce n’est pas normal. Encore moins avec le contexte inflationniste que l’on connaît aujourd’hui.»
Usine morte
Jérôme Boussard et Benoît Vernier s’étonnent tous deux d’une période si longue à l’arrêt. Ils expliquent qu’après les 10 jours d’arrêt à Sochaux, ce sera au tour de Rennes de s’arrêter une semaine, puis même schéma à Eisenach en Allemagne. « On peut parler d’usine morte à ce stade », analyse Jérôme Boussard. Pour le délégué syndical de la CFDT Benoît Vernier, c’est l’une des premières fois que l’arrêt annoncé est aussi long dès le départ. « D’habitude, il y a des à-coup par deux ou trois jours. Pas autant. Là, on ne peut plus parler de problèmes ponctuels. Nous avons vraiment besoin d’en savoir plus.»
Le syndicat Force ouvrière s’insurgeait déjà vendredi, dans un communiqué, en pointant que la nécessité de relocaliser la production de semi-conducteurs sur le territoire français devenait « urgente ». Contacté par téléphone ce 4 avril, Laurent Oechsel, délégué syndical central de la CFE-CGC pour Stellantis, analyse un processus logistique « touché partout » et à tous les échelons. « Nous avons de nombreux composants venant des pays asiatiques. Aujourd’hui, nous sommes un peu piégés. C’est très inquiétant au sens large pour l’industrie automobile en Europe.»
Il voit toutefois d’un bon œil les stratégies qui se déploient à Trémery-Metz (Moselle) par exemple, où sont ré-industrialisés certains types de boîtes de vitesses. « C’est une bonne stratégie. Mais avant que cela se mette en place correctement, nous sommes obligés de vivre avec ce que nous avons maintenant, en passant par les pays asiatiques. Nous sommes bien partis avec certaines usines pour nous réindustraliser. Mais en attendant, on subit », explique le délégué central qui tempère en expliquant que « tout le monde ne voit pas d’un mauvais oeil cet arrêt de dix jours. Cela coïncide avec des vacances, en prime.Tout n’est pas toujours blanc ou noir.»
La porte-parole de la direction de Sochaux confirme bien que l’usine sera à l’arrêt à partir du 5 avril jusqu’au lundi 17 avril. Elle tempère en expliquant que cet arrêt est facilité par la prise de congés des salariés pour les vacances de Pâques. Et que cela permettra aussi de poser des jours à consommer avant le mois de mai. Concernant la durée de cet arrêt, rien d’étonnant, selon cette porte-parole. « Malheureusement, depuis 2020, ces arrêts sont devenus courant », regrette-t-elle.