C’est Isabelle Mougin, élue du conseil départemental du Territoire de Belfort et membre du groupe d’opposition de la gauche républicaine écologique et sociale (GRES), qui a tiré la sonnette d’alarme la première lors de la séance publique du jeudi 20 octobre. Lors de cette séance, Anaïs Monnier-Von Aesch (LR), vice-présidente du conseil départemental du Territoire de Belfort a présenté le nouveau système de tarification qui sera mis en place dans les cantines des collèges du Département à partir de 2023. Une nouvelle tarification qui inquiète l’opposition: même si elle propose des repas avec un reste à charge compris entre 0 et 2,19 euros pour les boursiers, ce nouveau système va ponctionner l’intégralité des bourses d’État. Tandis qu’auparavant, une partie était reversée aux familles.
Pour tout comprendre, il faut regarder qui paie le coût d’un repas. Le Département précise à ce sujet qu’un repas coûte selon « l’estimation la plus récente » 7,80 euros. Un élève (non-boursier) ne payait que 3,05 euros jusqu’à maintenant. Le différentiel entre ces deux chiffres, de 4,75 euros, est pris en charge par le Département. Une prise en charge qui coûte 2,3 millions d’euros sur une année scolaire au Département, est-il précisé dans le rapport de la séance publique.
En complément, il existe depuis 2010 un dispositif de tarification solidaire, pour les élèves boursiers, prenant en charge une partie des 3,30 euros restants. Une aide versée aux collèges publics du Territoire de Belfort, qui permettait aux établissements de facturer le repas des élèves selon le niveau de bourse dont bénéficiaient les familles (1 euros, 1,50 euros ou 2 euros), au lieu de facturer le repas à 3,05 euros, le tarif normal.
Désormais, le repas sera facturé 3,30 pour les non-boursiers. Et 3,20 pour les boursiers, quel que soit le montant de leur bourse. Fini l’échelonnage : avec cette augmentation, la bourse scolaire sera intégralement mobilisée pour payer la cantine. Alors qu’auparavant, les familles des taux 2 et 3 bénéficiaient d’un reversement du surplus de bourse, la partie qui n’était pas utilisée pour la cantine.
L’inflation cause une hausse
La cause de cette augmentation : « De nombreuses contraintes budgétaires qui pèsent sur la collectivité (inflation, coût des matières premières et des denrées alimentaires, explosion du prix des énergies.) », est-il expliqué dans le rapport.
Malgré ces changements, le prix reste très bas. C’est l’argument que met en valeur le Département. « Avec un reste à charge compris entre 0 euros et 2,19 euros pour les élèves boursiers, l’accès à des repas produits sur place est imbattable. Un repas à domicile, même sommaire, revient à plus de 2,19 euros avec l’inflation galopante.»
Toutefois, avec cette décision, le Département ponctionnera désormais l’intégralité de la bourse nationale des collèges, « qui est l’un des dispositifs mis à disposition des familles par l’Etat pour contribuer aux frais de scolarité des enfants.» C’est sur ce point qu’Isabelle Mougin, Samia Jaber et Bastien Faudot, du même groupe d’opposition (GRES) sont montés au créneau lors de la séance.
Avec le nouveau mode de calcul, sur une année comme 2023 où sont estimés à 144 les jours de cantine (selon le rapport du Département), une famille boursière au taux 3 perd un peu plus de 300 euros, en ne recevant plus le reliquat de bourse dont elle disposait avec le précédent calcul. Au taux 2, une famille boursière perdra plus de 215 euros, en prenant en compte le reversement de bourse qu’elle n’aura plus et l’augmentation du prix de la cantine (139 euros environ sur l’année). Et au taux 1, la hausse du prix de la cantine fait augmenter la note cantine d’environ 130 euros.
« Il est bien précisé que la bourse nationale des collèges est un dispositif mis à disposition des familles par l’Etat pour contribuer aux frais de scolarité des enfants. Frais de scolarité, c’est-à-dire, pas seulement frais de cantine. Habillement, loisirs, sports. Mais là, ils n’auront plus rien », s’échauffent Bastien Faudot et Isabelle Mougin lors de la séance. Un argument qui n’est pas retenu par la majorité départementale.
Anaïs Monnier Von-Aesch leur a rétorqué qu’« avant, nous redonnions plus de 300 euros à la fin de l’année. Nous ne sommes pas là pour cela.» Un argumentaire jugé malhonnête par l’opposition, qui explique, dans un communiqué que : « Non, le Département ne « redonnait » pas 300 € aux familles de boursiers taux 3 comme l’affirme mensongèrement Mme Monnier-Van Aesch. Les sommes dues pour la restauration scolaire sont simplement prélevées sur la bourse nationale des collèges avant versement de celle-ci aux familles.»
Par rapport à cela, le Département se défend dans un communiqué envoyé ce mardi : « Nous ne pouvons pas laisser entendre que l’affectation de la bourse nationale des collèges aux dépenses de restaurations scolaires viendrait porter atteinte aux dépenses d’habillement, de loisir ou d’hébergement, comme l’avance l’opposition départementale.» Il expose que d’autres aides attribuées par l’Education Nationale, et les dispositifs d’allocations familiales et d’APL sont là pour venir en aide aux plus démunis.
Coup de massue
Malgré cela, l’opposition campe sur ses positions. « Ce sera un coup de massue pour les familles en 2023. Le timing est catastrophique avec toutes les hausses. Avec leurs calculs, ils ont trompé tout le monde. Mais ce sera aux chefs d’établissements d’expliquer en 2023 aux familles pourquoi il y a ces hausses », rapporte Isabelle Mougin, scandalisée. Pour Bastien Faudot, « ceux qui vont payer le prix le plus cher, en perdant 300 euros, ce sont les plus modestes. C’est terrifiant.»
Du côté du Département, ce nouveau calcul permettra d’économiser 116 000 euros. Une somme pauvre, pour le budget d’un Département, exposent les membres d’opposition lors de la séance. Mais le Département explique dans son rapport qu’il s’agit « de dégager une enveloppe conséquente qui pourrait être réinvestie directement au bénéfice des cuisines et des menus.»