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« Le redressement judiciaire qui fonctionne, c’est celui qui a été anticipé »

Le secteur automobile est particulièrement fragile actuellement. | ©Le Trois – archives
Analyse

Le nombre de défaillances s’envole en 2024. Le nord Franche-Comté ne fait pas exception. Mais rien n’est inéluctable. Des solutions existent auprès des tribunaux de commerce ou des commissaires aux restructurations et à la prévention des difficultés. La clé pour les dirigeants : anticiper.

Le nombre de défaillances d’entreprises va atteindre des niveaux records en 2024. La barre symbolique des 66 000 défaillances comptabilisées en un an – procédures de sauvegarde, redressements judiciaires ou liquidations judiciaires – va être dépassée (voir graphique ci-dessous) ; la hausse entre 2023 et 2024 sera de 15 à 20 %. La période du covid-19 avait généré un nombre de défaillances historiquement bas (2020, 2021 et 2022). Il y a « un phénomène de rattrapage », indique François Borron, greffier du tribunal de commerce de Belfort-Montbéliard.

Depuis 2010, le nombre de défaillances n’avait jamais dépassé 63 000 procédures collectives. La moyenne, entre 2010 et 2023, se situe à 53 240 défaillances par an. Sur ces quatorze années, seulement 5 années (2010, 2012, 2013, 2014 et 2015) ont dépassé les 60 000 défaillances. « Nous sommes dans une situation très tendue », confirme François Boron, qui précise toutefois que la tendance est la même à l’échelle européenne. Localement, 163 défaillances avaient déjà été enregistrées dans le ressort du tribunal de commerce au 30 septembre ; on n’en avait recensé que 151 à la même période en 2023, soit une hausse de 8 %. François Boron met toutefois en perspective la dynamique autour de la création d’entreprises ; en 2023, 1 433 entreprises avaient été créées dans le ressort contre déjà 1 542 lors des neufs premiers mois de 2024. « Il y a un certain paradoxe », convient le greffier. Même si l’année 2024 a permis de desserrer l’étau autour des prix des matières premières et de l’énergie, la situation économique est particulièrement dure. Et 2025 sera tendue, confirment les observateurs.

Sur les 163 procédures collectives, 38 liquidations judiciaires ont déjà été prononcées, en hausse de 171 % ; l’activité est donc terminée. Une réalité qui fait dire à François Boron que plus la situation est prise tôt, plus il y a « des solutions de rattrapage », afin de maintenir l’activité et l’emploi. Il évoque ainsi le rôle que peut avoir une conciliation chapeautée par le tribunal de commerce, en amont d’une procédure, pour éviter qu’une situation ne dégénère. « C’est une solution qui peut permettre de prendre les devants », estime-t-il. D’avouer également : « C’est toujours compliqué pour un dirigeant de franchir le pas. »

Anticiper pour garantir le rebond

« Beaucoup d’entreprises en difficulté ou en contraintes financières tardent trop [à s’engager] dans une situation amiable ou une procédure collective », partage Adeline Gaidot, commissaire aux restructurations et à la prévention des difficultés des entreprises, à la direction régionale de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités (Dreets) Bourgogne-Franche-Comté. Elle n’élude pas les difficultés économiques, les crises traversées par certaines filières comme l’automobile. Toutefois, elle veut privilégier le terme « rebond » à celui de « défaillances », en militant justement pour que les problèmes soient anticipés.

« Les entreprises qui s’en sortent très bien interviennent bien en amont », observe justement Adeline Gaidot. La procédure, si elle est enclenchée, vient alors simplement entériner une démarche, en ajoutant la protection du tribunal, des mandats ad hoc et un caractère confidentiel. « Tôt ou tard, la procédure collective arrivera, donc comment je fais pour l’anticiper », résume ainsi la commissaire au redressement productif. D’ajouter : « Le redressement judiciaire qui fonctionne, c’est celui qui a été anticipé. » Dans tous les dossiers, le nerf de la guerre sera aussi la disponibilité de cash.

Quoi qu’il en soit, pour redresser la barre, il faut aussi qu’il y ait une capacité à diminuer les charges ou à augmenter le niveau d’activités et les ressources notent François Borron et Adeline Gaidot. Ainsi, dès qu’il y a de l’activité, il y a de l’espoir. « De la marge, il y en a toujours quand il y a de l’activité », acquiesce-t-elle.

Poser les bonnes questions

Au-delà des difficultés, Adeline Gaidot invite les entreprises à se saisir de sa mission dès qu’ils observent un problème : gouvernance ; contentieux avec un fournisseur… L’entreprise n’est peut-être pas en péril, mais ce problème passager peut avoir des répercussions plus tard.

Autre clé, dans un contexte délicat, la diversification. Des activités sont actuellement dynamiques, comme le nucléaire, la défense ou le numérique. Il faut regarder si on peut positionner son entreprise, même si la situation peut être plus difficile dans les secteurs où la visibilité est réduite, comme l’automobile, et où les capacités à manœuvrer sont limitées car les marges sur les prix sont extrêmement contraintes. Une diversification – d’activité, de gamme ou de clients – n’est pas forcément simple. Et elle ne se fait pas non plus en un jour. « Entamer une transformation à entamer, c’est long », valide Adeline Gaidot. Et de résumer l’enjeu : « Comment vais-je tenir avec une baisse d’activité, des dettes qui correspondent à d’anciennes activités ou encore un PGE ? » C’est là qu’elle invite à solliciter le commissaire aux restructurations, un conseil gratuit qui connaît bien « l’écosystème privé et public ». « Nous sommes là pour aborder toutes les questions que se pose le dirigeant », résume-t-elle. Et sa force est justement d’amener le dirigeant à se poser ensuite « les bonnes questions », des soucis financière aux problèmes de marché par exemple, ou encore de la contrainte industrielle à la dynamique de filière. Le commissaire est, qui plus est, intégré au service économique de l’État en région, donnant ainsi accès à de nombreux savoirs pour avoir « la meilleure compréhension possible ».

Elle suit aujourd’hui une centaine d’entreprises sur quatre départements, soit avec des suivis réguliers, soit de manière sporadique. Le commissaire a un prisme industriel et s’intéresse aux entreprises de 50 à 400 salariés ; ils sont deux commissaires à rayonner sur la Bourgogne-Franche-Comté (elle et Jean-Yves Hinterlang), accompagnés de Guillaume Florange. Mais il ne s’arrête pas là. « J’essaie d’être présente sur les entreprise de 20 ou 50 salariés », assure Adeline Gaidot, car « elles font la vie des territoires ». Et façonnent l’écosystème également. C’est d’autant plus important que les dirigeants de PME ont souvent la tête dans le guidon et pas les équipes nécessaires pour disposer d’un conseil éclairé. Une attention particulière doit donc leur être portée, notamment pour maintenir l’activité en cas de difficultés. « L’anticipation, c’est la clé de tout », résume-t-elle encore une fois.

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