Le Trois –

Julien Morel, entrepreneur dans l’âme

Julien Morel sait déjà ce que sera son avenir : entrepreneur. | ©Le Trois – Thibault Quartier
Portrait

Le 22 décembre 2024, le tribunal valide une procédure de cession-liquidation de la société MS-Innov. La fin d’une aventure entrepreneuriale pour Julien Morel, son fondateur. Mais pas la dernière. Il restera entrepreneur. Il livre un regard sensible sur ce métier hors du commun. Ses joies. Son intensité. Ses difficultés. Et ses apprentissages.

6 janvier 2025. Les fêtes de fin d’année sont terminées. C’est l’heure de la reprise pour la France. Le retour à l’école. La relance des usines. Julien Morel reste à la maison. Un grand vide se dresse devant lui. Il a rendu les clés de la boite qu’il a façonnée depuis 2015, MS-Innov. Le 22 décembre, le tribunal de commerce de Belfort a prononcé la liquidation-cession de la société, reprise par un Alsacien, Narith Meksavanh.

C’est l’épilogue d’une aventure d’une décennie et de derniers mois qui n’ont pas permis de redresser la barre de cette PME. Elle avait fait sa mue à la suite du covid-19 pour produire des robots collaboratifs (lire nos articles). Ce sont 600 000 euros qui ont manqué pour relancer la machine. Julien Morel cherchait 2 millions d’euros ; avec les actionnaires historiques, il avait rassemblé 1,4 million d’euros. Ce n’était pas suffisant. Il a quitté l’aventure. Mais l’entreprise continue.

« Quand tu ne reprends pas, ça fout un coup », avoue Julien Morel, quelques jours après. Mais l’homme n’est pas du genre à désarmer. Il est déjà prêt à se réengager. Il sera encore entrepreneur. « Je me suis posé la question une seule journée », dévoile-t-il. Le doute s’est vite dissipé. Un projet lui trotte déjà dans la tête. Démarrera-t-il immédiatement ? Peut-être. Mais ce n’est pas l’essentiel. S’il faut une période intermédiaire, comme salarié, il le fera. Il ne troquera pas sa vie d’entrepreneur.

"J'ai toujours voulu monter ma boite"

« J’ai toujours voulu monter ma boite, confie Julien Morel, avant d’en sourire : J’embêtais mes potes avec toutes mes idées ! » Jeune, il faisait les saisons. À 17 ans, il a même voulu acheter le magasin d’équipements de ski où il travaillait. Ce tourneur-fraiseur de formation est originaire de Haute-Savoie. Il a grandi dans le Jura. Et ses études l’ont mené au lycée Viette, à Montbéliard. Il se lance ensuite dans une licence de gestion de projet innovation. Et en stage, il découvre l’univers de la prestation automobile. Il l’intègre par la petite porte et se forme à la conception assistée par ordinateur (CAO). Il conçoit des pièces, puis devient responsable de pièce. Il monte les échelons petit à petit.

Rapidement, il veut faire le grand saut, pour défendre une autre approche de la prestation automobile. En 2015, à 28 ans, il fonde MS-Innov. L’affaire prend. En 2018, il la développe, en adossant à l’activité de prestation un bureau d’études, « pour augmenter la valeur ajoutée de l’entreprise », justifie Julien Morel. MS-Innov fabrique alors des machines spécifiques et de l’outillage pour les industriels. En 2019, il s’étend à Strasbourg. Il subit, dans la foulée, ses premières déconvenues, avec un impayé de 260 000 euros. « On a mis trois ans à absorber cette dette », se remémore Julien Morel.

Quelques mois plus tard, le monde s’arrête. C’est la crise sanitaire. Ses activités cessent en quelques semaines. Devant lui, « des décisions très difficiles à prendre ». Il attend autant que faire se peut. Mais il doit se résigner à enclencher un plan de licenciements,  « en gardant ce qui pourrait relancer l’entreprise », explique Julien Morel (lire notre article). 

"Il y a un monde entre l'innovation et l'industrialisation"

En parallèle de ses premiers développements, il avait lancé une thèse Cifre, avec l’université de technologie de Belfort-Montbéliard (UTBM), autour de l’automatisation de la CAO. L’idée : « Prendre de la hauteur sur l’innovation qu’on faisait chez nous. » Cette activité marginale devient le cœur du nouveau projet post-covid. MS-Innov fait alors un pivot vers la robotique. Julien Morel vend l’activité de prestation de services pour disposer de ressources et investir dans la recherche et le développement (R&D). MS-Innov reçoit un soutien du dispositif France Relance et annonce son projet de robot collaboratif et modulaire Morfose (nos articles). Le projet permet de lever deux freins pour les entreprises : la facilité d’usage et l’évolutivité de l’outil dans le temps. « On voulait rendre accessible la robotique aux PME. » L’idée convainc. Mais la commercialisation a mis plus de temps que prévu ; la société n’a pas pu faire la jonction entre le développement, la commercialisation et l’industrialisation. « Il y a un monde entre le développement et l’industrialisation, entre celui de la modularité qu’on imaginait et celle qui a commencé à marcher commercialement, l’été dernier », analyse, sans amertume, Julien Morel.

Le repreneur de MS-Innov a dépensé 70 000 euros pour reprendre tous les actifs : marque, brevets, stocks… Cela semble peu. Huit salariés et cinq alternants sont également repris ; l’effectif était de 32 personnes début 2024. « Mais tout est parti de 2 000 euros », relativise Julien Morel. Et l’activité se poursuit. Le dirigeant s’est démené pour trouver ce repreneur et assurer une seconde vie à MS-Innov. « C’était très important qu’on sauve les emplois et que les projets continuent », souligne le jeune entrepreneur, né en 1986.

« L’entrepreneur ne sais pas tout »

L’entreprenariat, « c’est trop cool », sourit Julien. Mais quel sentiment conserve-t-il quelques semaines après le clap de fin de MS-Innov ? « Certes, c’est frustrant, d’autant plus que si tu me remets il y a un an [avec le recul d’aujourd’hui], je suis sûr qu’on s’en sort », estime l’entrepreneur. Pour autant, il n’a pas de rancœur. Il est surtout philosophe. « L’entrepreneur ne sais pas tout », assure Julien Morel, alors que le rapport à l’échec n’est pas très accepté dans la société. Mais la vraie richesse, c’est qu’on apprend « tout le temps », poursuit-il. « T’es face à une première fois tout le temps », confie-t-il. Surtout, il rappelle que le mythe du self made man est un peu suranné. « Le « je-me-suis-fait-seul », c’est compliqué », prévient Julien Morel. Il y a forcément des fournisseurs, une équipe, des clients et des personnes ressources. « Un Bernard Streit (ancien P-DG de Delfingen, NDLR), ça te fait forcément grandir », sourit Julien Morel.

Aujourd’hui, sa situation est précaire. Il n’a pas eu de salaire ces derniers mois. En tant que chef d’entreprise, il n’a pas ouvert de droits pour des indemnités de retour à l’emploi. Et depuis 2015, il n’a pas pris un centime de dividendes. Aurait-il dû assurer plus ses arrières ? La réponse fuse : « Je ne ferais pas différemment. » Et d’ajouter, alors qu’il n’a jamais été le plus gros salaire de la boite : « Je ne me paierais pas 8 000 euros au motif que je n’ai pas de chômage. »

« L’engagement est d’une richesse folle »

Julien Morel a l’entreprenariat chevillé au corps. « C’est quelque chose qui te prend énormément, mais qui est passionnant et intense », assure-t-il. Ce qu’il a le plus aimé ? « Construire avec les gens. » Et chez lui, ce n’est pas un élément de langage. Il veut construire avec les gens, animer un collectif et transmettre, comme il l’a fait dans le dispositif Les Entreprises s’engagent qu’il a incarné dans le Territoire de Belfort et en Bourgogne-Franche-Comté. « Créer des richesses, c’est important, mais l’entreprise doit avoir autre chose et apporter à son écosystème », estime Julien Morel. D’ajouter : « Réussir en écrasant, ce n’est pas moi. » On a pu entendre, ici et là, que « Morel s’éparpille ». Il ne fuit pas ce commérage. Et assume. « L’engagement a pris du temps, mais il est d’une richesse folle », replace l’entrepreneur. Siéger, au ministère de l’Économie, aux côtés de grands groupes pour amener la voix des PME est fondamental. Être auditionné par le Parlement européen ou exposer à l’Élysée sont des souvenirs forts. Autant d’opportunités permises par l’engagement.

« Je veux faire de l’entreprenariat avec la conviction que les choses soient faites avec des valeurs », insiste-t-il, avant de détailler : transmettre, rendre accessible, donner sa chance aux gens. Cela doit « faire sens ». Il a multiplié l’accueil de stagiaires, les immersions dans son usine, les visites de scolaires… Il se souvient ainsi d’une scène. Des lycéens visitent MS-Innov. Il y a un peu de désinvolture. Ils ne se sentent pas forcément concernés. La robotique, c’est trop loin d’eux pensent-ils. Puis ils essaient et manipulent les objets. « En fait j’y arrive, s’étonne même l’un d’eux, qui finit par dire :  Je veux essayer de faire ça. » La graine vient d’être semée. Julien Morel, lui, laisse échapper une larme en contant cette histoire qui dit tant de son engagement comme entrepreneur. « J’y suis allé avec mon âme. »

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