Rentrée sociale difficile pour les salariés de GE Vernova, entité née de la scission du conglomération américain General Electric entre ses activités aviation, médical et énergie. GE Vernova a pris son autonomie au printemps 2024. Elle regroupe les activités énergie, dont l’éolien offshore, l’hydroélectricité et les turbines à gaz.
L’annonce de la hausse des droits de douane aux États-Unis a offert un argument de poids à la direction pour réclamer des économies, dénoncent les syndicats. « Scott Strazik (le p-dg, NDLR) s’est glissé dans la brèche », critique Christophe Carignano (CFE-CGC), secrétaire du comité social et économique (CSE) de GE EPF, l’entité française dédiée à la production des turbines à gaz. « C’est un financier. Il n’a aucune vision technique », regrette-t-il.
Objectif fixé par la direction : 600 millions d’euros d’économies, soit l’équivalent du tiers du bénéfice enregistré en 2024. GE Vernova a encaissé un chiffre d’affaires de 34,93 milliards (+ 5 %) et un bénéfice net de 1,55 milliard de dollars, l’an passé. Les chiffres sont bons (lire notre article) et « le carnet de commande est plein », enchaîne Christophe Carignano. Le recours croissant à l’intelligence artificielle sature les datacenters, qui ont besoin d’énergie pour être refroidis. « C’est financier », regrette Williams Bertrand, délégué syndical Force ouvrière. « On a un groupe qui se porte bien », abonde-t-il.
Des services supprimés à Belfort
En juin, on évoquait la suppression de 200 postes, en Europe, dans les fonctions Ressources humaines. À la rentrée, le chiffre a grimpé à 600. Certes, reconnaît Christophe Carignano, 200 postes doivent être créés en parallèle, mais ce sont quand même 400 suppressions de postes sèches déplore-t-il. Pour remplacer les effectifs RH, on évoque l’intelligence artificielle. « C’est le nouveau truc à la mode », moque Christophe Carignano. « Ça va saigner dans les services partagés », redoute Cyril Caritey, délégué syndical CGT, à GE EPF, qui redoute aussi ce recours massif à l’IA, qui casse le lien social. Dans la nouvelle mouture, des postes sont supprimés dans les services qualité, gestion de projet, finances et en technologie de l’information. L’annonce a été faite à l’échelle européenne, ce mardi 2 septembre. Cela sera présenté dans les jours qui viennent dans les différentes entités du groupe, en Europe.
En France, 123 postes seront supprimés. À Belfort, ce sont 42 postes, selon les calculs de la CFE-CGC. Dont une bonne partie des postes de chef de projet. « C’est le chef d’orchestre des projets », s’insurge le délégué syndical, faisant le lien entre le client, la production. Il planifie, coordonne. C’est un mauvais signe pour l’usine belfortaine que de voir disparaitre cette activité. « Ça pose un problème », convient Cyril Caritey. Le génie civil aussi est sur la sellette. « On sent la volonté de supprimer des services entiers à Belfort », résume Christophe Carignano. « Cette restructuration (de 2019, NDLR) nous a mis à poil en termes de postes de prise de décision, tance Cyril Caritey. Et ça continue aujourd’hui. Ce sont des choses que l’on dénonce depuis longtemps. »
La direction ne lance pas un plan de sauvegarde de l’emploi (PSE). Elle privilégie des procédures accélérées, en ayant recours à une rupture conventionnelle collective (RCC). « Le but de la manœuvre est d’aller très vite », souffle le représentant de la CFE-CGC. La direction opte pour ce dispositif pour solder cette réduction d’effectifs en quelques semaines analyse Christophe Carignano. Selon ce dernier, elle doit se terminer au 31 octobre. Il imagine aussi qu’une autre procédure serait lancée avant la fin de l’année. Ce mardi, les représentants du personnel rencontrent la direction Europe, selon Cyril Caritey, pour demander un allongement de l’instruction et obtenir une expertise sur le plan. La procédure est toutefois bien lancée.
« Un piège à con »
La RCC « est un piège à con », souffle un syndicaliste. Les conditions de départ sont souvent plus favorables que pour un plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) pour les salariés qui souhaitent partir. De fait, les syndicats sont tiraillés entre offrir de bonnes conditions de départ et ne pas soutenir une politique de réduction d’effectifs, qui entraîne une dégradation des conditions de travail pour ceux qui restent. Autre motif d’inquiétude : après la signature des RCC, « il n’y a pas de suivi [des salariés] », remarque Christophe Carignano.
La direction, observe encore le délégué syndical, cherche à réduire aussi, drastiquement, ses coûts fixes. « Elle se compare à des entreprises comme Google qui sont à 6 % alors que nous sommes à 9 %. C’est aberrant. Nous ne sommes pas pareils. Nous sommes une industrie. »
Sollicitée, la direction France de GE Vernova a adressé un communiqué à notre rédaction. « GE Vernova examine en permanence ses activités afin de garantir que l’entreprise soit la mieux positionnée pour maintenir sa croissance et continuer à répondre aux attentes de ses clients », déclare un porte-parole de l’entreprise. D’ajouter : « Lorsque nous élaborons des plans de restructuration, nous communiquons ces projets en priorité à nos employés et à leurs représentants. À chaque étape, nous respectons le cadre légal, y compris la consultation formelle des représentants du personnel, avant que de tels plans ne soient finalisés et/ou mis en œuvre. »
En Europe, GE Vernova emploi 25 000 personnes, selon le groupe. En France, l’entreprise compte 8 000 collaborateurs, dont près de 1 300 à Belfort, dans l’entité turbine à gaz (GE EPF). En 2024, GE Vernova avait déjà supprimé 740 postes en Europe, dans l’entité des éoliennes off-shore.