L’intersyndicale de l’entité turbines à gaz de General Electric a donné une conférence de presse ce mercredi matin. Elle dénonce un plan massif de délocalisation. Elle est prête à mener le combat, appelle le gouvernement et la direction de General Electric à venir à Belfort pour les rencontrer. Et dénonce un scandale.
L’intersyndicale de l’entité turbines à gaz de General Electric a donné une conférence de presse ce mercredi matin. Elle dénonce un plan massif de délocalisations. Elle est prête à mener le combat et appelle le gouvernement et la direction de General Electric à venir à Belfort pour les rencontrer. Et dénonce un “scandale”.
Il est 11 h, mercredi. Dans les locaux du comité social et économique (CSE) de l’entité turbines à gaz de General Electric. La dernière bataille, tant redoutée, tant attendue, est sur le point de se nouer. La direction de General Electric a dégainé mardi matin les contours de ce plan social qui se trame depuis plusieurs semaines. 1 044 emplois sur la sellette, principalement dans le Territoire de Belfort.
D’abord sonnée, l’intersyndicale Sud Industrie – CFE-CGC – CGT entame sa riposte. Méthodiquement. Déjà, replacer les débats. Transmettre de l’information. Dresser un contexte et dénoncer les non-dits. Ensuite, regretter l’attitude du gouvernement, érigé, selon les syndicalistes, en porte-parole du géant américain. Puis, appeler à la mobilisation pour « stopper ce scandale ».
Face à eux, une bonne vingtaine de journalistes, parmi lesquels de nombreux représentants de la presse nationale. Les chaînes d’informations en continu diffusent une partie de la conférence de presse en direct. Quarante minutes d’allocution pour sonner l’urgence de la situation. « La cathédrale industrielle de Belfort est en train de brûler et le gouvernement attise le feu. Il serait bien que des fonds soient levés pour sauver les compétences clés », interpelle Philippe Petitcolin, secrétaire du CSE et délégué syndical CFE-CGC, syndicat majoritaire à Belfort.
Diversification, vraiment ?
« Le business gaz est en déficit à cause des délocalisations et des millions d’euros de pénalités du fait de retards ou de défaillances », relève Philippe Petitcolin, qui rejette l’idée d’une baisse du marché. L’organisation du géant américain depuis le rachat en 2015 est mise en doute par l’intersyndicale. Les fonctions décisionnelles ont quitté la cité du Lion. Le secrétaire du CSE regrette que les bénéfices soient localisés en Suisse, alors que la production est à Belfort. « Il y a une enquête à faire sur l’argent public touché et les impôts non payés par General Electric », suggère Philippe Petitcolin.
« Dans son argumentaire, la direction évoque la diversification. Mais [la mise en place d’un] plan comme ça, avec les ordonnances Macron, [ça] se déroule très vite. Le délai est très court. La diversification n’est pas possible [dans ce laps de temps]. C’est donc que GE s’assied sur cette diversification », regrette Francis Fontana, délégué syndical Sud Industrie et secrétaire-adjoint du CSE. « Si on supprime des emplois, GE va tuer son business », enchaîne Philippe Petitcolin. Les équipes sont déjà en surcharge. Elles ne pourront pas assurer, notamment, la production des 8 à 9 turbines 9HA programmées. Et l’intersyndicale a bien saisi l’enjeu. Si ce millier d’emplois disparaît, il sera bien compliqué de diversifier l’activité belfortaine dans les années à venir. « La question est la sauvegarde des compétences, relève Francis Fontana. Les projets de diversification sont à long terme. Si le plan se réalise, on va perdre beaucoup de compétences. Et se relever de ça, c’est compliqué. »
Les compétences des salariés terrifortains sont spécifiques : l’intégration des turbines dans les centrales ou les savoir-faire liées aux fonctions de soudeurs ou d’usineurs, par exemple. Les ouvriers ne sont donc pas de simples opérateurs. Et l’intersyndicale appuie sur un autre point: oui à la diversification, mais pas en remplacement des turbines à gaz. Les besoins sont là, notamment pour répondre aux enjeux de la transition énergétique. La charge de travail est là. La diversification ne doit intervenir qu’en plus.
Investir plutôt que supprimer
L’intersyndicale estime que la suppression de 800 emplois va coûter entre 80 et 100 millions d’euros au géant américain. « Il vaut mieux les investir pour créer du business, faire du pognon et sauvegarder nos emplois », invite, avec véhémence, Philippe Petitcolin. Et d’évoquer un possible investissement de 30 millions d’euros à Bourogne, sachant qu’il y a déjà une usine, pour créer une activité autour des aubes, pour l’aviation, génératrice de 200 emplois. Et de citer en exemple la création de douze centres d’usinage pour des disques de turbine aux Creusot, pour 20 millions d’euros. Cela est possible, surtout lorsque l’on sait que Safran et General Electric ont déjà une co-entreprise fabriquant des moteurs d’avions. Des moteurs d’avion qui ont déjà été fabriqués à Belfort, notamment le moteur CFM-56.
« La négociation ne se joue pas à Belfort. Le seul qui peut, c’est Macron. Il avait déjà négocié les annonces après les européennes », tacle Philippe Petitcolin. « GE dépend exclusivement de la commande publique », poursuit-il pour appuyer son argumentaire. Et de citer Airbus pour l’aviation ou EDF pour l’énergie… C’est également la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (Direccte) qui valide ou invalide le plan social. « Avec les arguments énoncés, on ne peut pas signer un plan comme ça », s’étonne Philippe Petitcolin.
Aujourd’hui, l’intersyndicale regrette de n’avoir aucun lien avec le gouvernement, ni avec les directions mondiales de General Electric. Et pourtant, elle les invite à rencontrer des experts. Eux. « Belfort est la seule ville au monde avec les meilleures turbines à gaz, les meilleures turbines à vapeur et les meilleurs alternateurs. On est en train de détruire l’avenir industriel en France. S’ils n’agissent pas maintenant, quand est-ce qu’ils vont agir pour l’emploi ? » questionne l’intersyndicale. « Les seuls qui croient encore les promesses, c’est le gouvernement français », provoque l’intersyndicale. Les semaines qui viennent devraient donner une indication sur cette remarque en forme d’adage.
Mobilisation attendue la semaine prochaine
Le timing de l’annonce, juste après les européennes et juste avant un week-end de pont où l’usine est désertée, irrite l’intersyndicale. On aurait voulu le faire exprès que l’on ne s’y serait pas pris autrement ! Aujourd’hui, les syndicats préparent la contre-attaque. De prime abord, la CFE-CGC et Sud ne sont pas favorables à des actions de blocage de l’usine. Ils comptent utiliser toutes les armes en leur possession – recours juridique, pression médiatique, négociation – pour faire plier la direction et obtenir l’annulation de ce plan. Mais ils sont aussi prêts « à aller jusqu’au bout », confie Philippe Petitcolin. « Ce sont d’abord les salariés qui vont se mobiliser et on va les accompagner », a indiqué pour sa part Abdelaziz Jebbar, délégué syndical CGT. Pour le moment, aucune mobilisation n’est envisagée avant la semaine prochaine. « Il y a une colère très forte. », observe Francis Fontana. Les salariés devraient s’engager. Belfort devrait embrayer pour sauvegarder son avenir industriel.